Sommets Vol. XIX No 1 - Hiver 2006

 


L'éthique : le pouvoir de réfléchir

par Sylvie Couture

L'éthique est à la mode. Ces temps-ci, tout le monde en parle; les codes d'éthique se multiplient, les conseillers en éthique sortent de l'ombre, les décisions éthiques prennent valeur d'absolu… Mais sait-on vraiment ce qu'est l'éthique?
 

Photo d'André Lacroix
André Lacroix
Responsable de la chaire d'éthique appliquée
  Pour André Lacroix, responsable de la chaire d'éthique appliquée de l'Université de Sherbrooke, l'éthique constitue tout simplement le pouvoir de réfléchir. «L'éthique est une réflexion sur les valeurs qui nous servent à prendre une décision et à mesurer son impact. C'est en quelque sorte réapprendre à réfléchir par soi-même, au-delà des lois, des normes et des mœurs.»

L'éthique ne nous dit donc pas si nous avons le droit de faire tel ou tel geste, comme le fait la loi, ni si nos décisions respectent les codes de déontologie, ni même si notre comportement est bien ou mal, selon la morale. L'éthique fait strictement référence à nos valeurs. Ne nous demandons pas si nous devons faire ou ne pas faire quelque chose; demandons-nous pourquoi.

Vivre dans l'incertitude

Quelle belle marque de confiance en l'être humain que de lui redonner le pouvoir de réfléchir à ses comportements, à ses décisions, à ses gestes! «Mais aujourd'hui, dans une démarche éthique, nous devons aussi accepter de vivre dans l'incertitude, précise André Lacroix. Même si l'éthique fait appel aux valeurs depuis toujours, historiquement, chacun pouvait mesurer son comportement en se référant au groupe, puisque ses valeurs individuelles étaient calquées sur celles du groupe et que tout le monde se reconnaissait dans le droit, d'abord le droit de l'Église, puis le droit de l'État. Aujourd'hui cependant, le droit ne fait plus office de référence sociale. Dans nos sociétés éclatées, plus individualistes, le problème éthique se manifeste lorsque les valeurs de l'individu sont différentes de celles du groupe. L'individu doit prendre une décision en son âme et conscience, tout en mesurant l'adéquation de son comportement vis-à-vis du groupe et, bien sûr, en acceptant de vivre dans l'incertitude.»

Selon le chercheur, nous n'avons pas été formés pour réfléchir aux valeurs qui nous poussent à prendre telle ou telle décision. Nous n'avons plus confiance en nous-mêmes et nous tentons d'objectiver tous nos comportements. «C'est impossible! soutient-il. Nous en arriverions à de l'inflation normative, une quantité de règles impossibles à gérer au quotidien qui mèneraient à des situations paradoxales. Il faut nous faire confiance. L'éthique nous rappelle la nécessaire subjectivité de nos actions. Elle ne nous dira jamais ce que nous devons faire, elle nous aidera à réfléchir aux valeurs qui légitiment ou non notre comportement.»

Mais attention, l'éthique ne peut pas se substituer au droit et aux autres règles de fonctionnement. «La pire chose à faire serait de moraliser le droit ou de judiciariser l'éthique. Ce sont des domaines différents, rappelle André Lacroix. Nous avons besoin de mécanismes et de référents sociaux pour réguler nos comportements, mais nous avons aussi le devoir de remettre en question le fondement de ces règles de fonctionnement. Elles nous donnent des balises, tandis qu'une approche éthique nous aide à voir qu'en marge de ces règles il y a des situations limites qui nécessitent une réflexion.»

Une université éthique

Selon André Lacroix, professeur et vice-doyen à la recherche à la Faculté de théologie, d'éthique et de philosophie, l'Université de Sherbrooke est en quelque sorte une université éthique. «Ici, c'est emballant; il n'y a pas de voie tracée. L'Université met en pratique les principes de l'éthique en nous permettant de réfléchir et en nous encourageant à avancer. Nous ne nous laissons pas bouffer par la grosse bureaucratie des grandes universités, où nous devons rentrer rapidement dans le moule pour satisfaire aux exigences. Ce n'est pas un hasard si nous avons été les premiers à occuper le créneau de l'éthique appliquée.»

L'Université de Sherbrooke offre des programmes de formation et de recherche en éthique appliquée depuis 1990. Au campus de Longueuil, les programmes s'adressent principalement à des professionnels qui répondent à des besoins dans leur milieu de travail. La moyenne d'âge est de 45 ans et chaque classe compte une vingtaine d'étudiants. «On y retrouve des médecins, des avocats, des professeurs, des policiers, des gens de toutes les professions. Les problématiques se croisent et favorisent notre approche multidisciplinaire et transdisciplinaire. Nos programmes habilitent les gens à intervenir sur le terrain, tout en répondant à une demande sociale.»

C'est une invitation!

www.USherbrooke.ca/fatep/formation/petc/ethi_ap/
 

Vox pop

L'éthique est-elle une responsabilité sociale ou individuelle?

Individuelle, parce que nous avons tous la responsabilité de cerner nos propres valeurs; sociale, parce que la pérennité d'un groupe dépend de la solidité de ses valeurs communes.

A. Lacroix

 

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