Sommets Vol. XVII No 2 - Printemps-été 2004

 

Plaisir et sourires : une formule gagnante!

par Sylvie Couture

Jean Goulet porte toujours la barbe. «Je ne l'ai coupée que pour l'Halloween», lance-t-il en riant dans cette barbe qui, tout comme ses chemises à carreaux, lui donne encore aujourd'hui cet air contestataire qui caractérise les pionniers du mouvement syndical québécois. D'ailleurs, il est encore contestataire, rassurez-vous. En fait, depuis qu'il enseigne à l'Université de Sherbrooke, Jean Goulet n'a pas beaucoup changé, si ce n'est qu'il a troqué le titre de président du syndicat pour celui de doyen de la Faculté des sciences. Il est toujours le même homme, celui qui respecte au plus haut point ses étudiants et qui savoure chaque minute consacrée à l'enseignement.

 


Jean Goulet
Arts 1969
Sciences 1972

Doyen, Faculté des sciences

 

Avec plaisir

Il avait 11 ans la première fois qu'il est venu à l'Université de Sherbrooke, en 1960. Précoce? Sûrement, mais ce n'était pas la raison de sa visite. «J'étais venu voir mon oncle, Maurice O'Bready, avec qui j'échangeais des puzzles mathématiques. Il résidait au pavillon J.-S.-Bourque. Je m'en souviens encore aujourd'hui; c'était sûrement un bon présage.» Jean Goulet a toujours su qu'il serait professeur. Déjà, quand il faisait son secondaire au Séminaire Saint-Charles, les élèves de sa classe se réunissaient la veille des examens de trigonométrie pour que le jeune Goulet leur explique au tableau noir les problèmes qu'ils n'avaient pu résoudre. Plus l'année avançait, plus il y avait d'élèves!

«Mon plus grand plaisir est de me retrouver devant une classe; et plus il y a d'étudiants, plus mon plaisir est grand.» Il devient le plus heureux des profs quand il se retrouve au 1060, l'amphithéâtre de la Faculté des sciences, devant plus de 300 étudiants qui se creusent les méninges en cherchant à comprendre des langages informatiques obscurs et des formules mathématiques ténébreuses. Et quand la lumière apparaît dans leurs yeux… «Ils sourient, et le plaisir est à son comble.» Le plaisir est certes partagé puisque, depuis 1997, les étudiants lui décernent chaque année le Prix de la reconnaissance, attribué au meilleur prof de chaque programme.

Mais plaisir ne veut pas dire facilité», insiste Jean Goulet. Selon lui, les jeunes aiment relever des défis, ils ne veulent pas de la facilité. Dès le début de sa carrière, il a pris les moyens pour que ses étudiants n'empruntent pas la voie de la facilité. «La tradition voulait que les étudiants boycottent le dernier travail pratique de la session, obligeant ainsi le professeur à normaliser les notes. En 1984, deux ans après mon entrée en fonction, j'ai décidé de ne pas le faire et de leur donner la note incomplet.» Il rit de bon cœur en se rappelant la tête des étudiants qui ont dû faire leur travail pratique pendant leur stage. «C'était un peu baveux, avoue-t-il, mais il n'y a plus jamais eu de boycott!»

Et avec les sourires

Le professeur a poursuivi sa carrière en s'inspirant de ses valeurs intrinsèques de rigueur et de persévérance. Il a aussi bâti sa renommée sur la diversité et l'originalité des moyens qu'il met en œuvre pour passer sa matière, gesticulant de main de maître et multipliant les exemples tout aussi congruents qu'amusants. «L'important, c'est de transmettre des ondes porteuses auxquelles s'accrochent les principes de base. Les étudiants ne retiennent pas toujours la matière, mais ils comprennent le principe.» Pour Jean Goulet, des étudiants, c'est comme du pop-corn : «Tu chauffes, tu chauffes, tu chauffes et, à un moment donné, sans que tu saches trop pourquoi, ils comprennent!»

Le plaisir ne s'arrête pas là. Quand on lui demande ses plus beaux souvenirs, ce sont d'abord des sourires qui surgissent de sa mémoire : «Dans une classe, il y a toujours quelques étudiants qui deviennent nos baromètres et qui stimulent notre enseignement. Plusieurs sourires me viennent à l'esprit quand je pense aux beaux moments que j'ai passés à enseigner.» Et ça continue.

Peut-être que plusieurs se souviennent des exemples étonnants utilisés par le professeur, comme sa fameuse Passe de Superman. Dans un cours de structure de base de données, pour souligner l'importance de l'ordre des actions, il faisait appel à l'histoire de ce superhéros : «Si le vaisseau spatial de l'enfant n'avait pas quitté la planète Cripton juste avant qu'elle explose, il n'y aurait tout simplement pas eu d'histoire de Superman!»

Jean.Goulet@USherbrooke.ca

 

 


Gabrielle Boileau
Informatique de gestion 1989
Analyste, Service des technologies de l'information

 

 

Incomplet

«J'étais parmi les étudiants qui avaient eu un incomplet pour le cours d'assembleur. Nous étions débordés en fin de session et nous avions tous décidé de ne pas faire le dernier travail pratique. Nous étions bien fiers de notre solidarité; nous l'étions moins quand nous avons reçu nos relevés de notes! Ma première réaction fut l'étonnement : nous n'avions pas réussi notre coup. Ensuite, je me suis dit que c'était de bonne guerre…

«En plein été, nous nous sommes retrouvés à l'Université pour faire le fameux travail. Un travail d'assembleur en plus. Finalement, nous avons eu beaucoup de plaisir à nous retrouver. Jean Goulet était très apprécié. Il prenait plaisir à enseigner aux étudiants de première et je crois qu'il voulait nous partir du bon pied. Pour moi, ça a marché!»

 


Jacinthe Boissé
Informatique 1991
Analyste, Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke

 

 

Détermination

Pour Jean Goulet, l'enseignement du langage LISP dès la première année relevait de l'audace, mais aussi d'un peu de folie. En 1987, une étudiante l'a particulièrement marqué par sa détermination et sa motivation contagieuses.

«Je n'y comprenais absolument rien! Pour moi, c'était un retour aux études, le projet de ma vie. Comme le reste de la classe, j'étais découragée, mais, avec trois enfants, je n'avais pas de temps à perdre et je devais prendre les moyens pour comprendre. Et quand le prof me servait l'exemple du pop-corn qui finirait par éclater, j'étais encore plus déroutée…

«Nous avons tous travaillé très fort. Pour ne pas oublier cette période intense, un jeune couple qui faisait partie de l'équipe, Maryse Nadeau et Michel Demers, a donné mon prénom à leur deuxième fille. Ce défi a fait ressortir ma nature de lion, une nature qui m'a servi quelques années plus tard lorsqu'on a diagnostiqué ma sclérose en plaques. Elle me sert encore aujourd'hui.»

 

 

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