Sommets Vol. XVIII No 3 - Automne 2005

 

 

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Serge Cabana
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La religion cathodique

Dimanche soir, jour du Seigneur, 20 h. L'heure de la grand-messe. Dans les chaumières du Québec, des millions de foyers électroniques s'allument. Ce soir, c'est monseigneur Guy A. Lepage et mère Julie Snyder qui officient. L'un confesse, l'autre confirme. Devant l'écran, dans un silence religieux, les fidèles entrent en transe sous le bombardement continu de 300 000 points de lumière pulsant 30 fois à la seconde. Demain, tout le monde en parlera… Un phénomène que personne — sauf peut-être McLuhan — n'avait prédit. Aujourd'hui, tout le monde s'est — plus au moins consciemment — converti à la nouvelle religion universelle, la religion cathodique.

La télévision a changé le monde. Sapant la frontière entre réalité et fiction, sanctionnant les événements, elle dramatise l'actualité et auréole de gloire toute personnalité transfigurée, par la magie des ondes, en célébrité. Dalaï-lama, Nathalie Simard, Karla Homolka, Mom Boucher : même combat dans la guerre des cotes d'écoute! Des ados mitraillent des collègues de classe pour leurs 15 minutes de gloire à la télé. Des fillettes de 11 ans portent le string à la Britney Spears. Le secrétaire d'État américain Colin Powell nous explique, preuves à l'appui, que l'Irak détient des armes de destruction massive. «C'est vrai parce que je l'ai vu à la télévision.» — Vox televisi, vox dei?

Influence ou intoxication?

Aujourd'hui, personne ne remet en question l'influence de la télévision. Mais les experts sont déchirés quant à la nature de cette influence.

Pensez-y  : nous passons environ 27 heures par semaine à la regarder. L'équivalent de plus de trois journées de travail! La télé serait-elle devenue le «soma» de nos temps modernes, cette drogue du bonheur donnée gratuitement à tous les travailleurs dans le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley, afin de les maintenir dans un état «d'esclaves heureux»?

Médium de propagande de la culture américaine pour les uns, levier de démocratisation dans les économies émergentes (Chine, Inde) pour d'autres, tous reconnaissent à la télévision ses fonctions d'information et de divertissement. C'est lorsque nous demandons jusqu'à quel point elle représente un outil de changement ou un instrument de manipulation et d'abrutissement que les débats s'enflamment, comme vous aurez le plaisir de le constater dans le dossier de ce mois-ci.

«La religion est l'opium du peuple», écrivait Karl Marx. La télévision créerait-elle une dépendance?

Serge Cabana

 

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