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Sherbrooke : ville amie des aînés

Les professeures Marie Beaulieu et Suzanne Garon et l'étudiante à la maîtrise Julie Vincelette.
Les professeures Marie Beaulieu et Suzanne Garon et l'étudiante à la maîtrise Julie Vincelette.
Photo : Michel Caron

27 septembre 2007

Laurent Fontaine

Sherbrooke et Genève sont les deux seules villes francophones à avoir aidé l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à bâtir son guide Villes amies des aînés. Le 1er octobre, à l'occasion de la Journée internationale des aînés, les professeures Marie Beaulieu et Suzanne Garon vont dévoiler une quarantaine de propositions concrètes de l'OMS pour aider les 60 ans et plus à mieux vivre en ville. Le soir même, elles proposeront aussi au conseil municipal de les adopter.

Aux côtés de Tokyo, Mexico, Londres et Shanghai, Sherbrooke a fière allure dans la liste des 33 villes-pilotes qui ont participé à cette recherche sur les cinq continents. Un projet rondement mené : il a fallu en effet moins de deux ans à l'OMS pour élaborer un guide pratique qui oriente la manière d'adapter le milieu urbain aux aînés. «Petit budget mais belle recherche», résume Marie Beaulieu, professeure au Département de service social et chercheuse au Centre de recherche sur le vieillissement. La directrice du Département, Suzanne Garon, a codirigé avec elle la recherche pour le Québec, à titre de professeure et de chercheuse dans l'Équipe de recherche sur les transitions et l'apprentissage.

Pour permettre la comparaison entre les villes, l'OMS a bâti un protocole de recherche qui assurait une cohérence dans la collecte des informations. Chaque ville devait aussi constituer huit entrevues de groupe pour recueillir des données qualitatives. Les entrevues commençaient autour du thème Vivre à…, pour aborder ensuite huit thèmes différents comme le transport, le logement, la santé, la participation sociale, le respect à l'égard des aînés, etc. «À Sherbrooke, nous avons rencontré 63 personnes, surtout des personnes âgées et des aidants, mais aussi des fournisseurs de services», explique Julie Vincelette, une étudiante à la maîtrise en service social qui a assisté les deux chercheuses.

Une convergence mondiale

En mars 2007, direction Londres pour comparer les données recueillies dans les 22 pays. «C'était impressionnant de voir la concordance des résultats, souligne Suzanne Garon. Leurs cadres de vie diffèrent, mais les personnes âgées se posent les mêmes questions sur tous les continents. Du côté de la santé, par exemple, certaines disposent d'hôpitaux et d'autres de dispensaires, mais toutes s'interrogent sur l'accessibilité et les coûts des services.»

Même constat en matière de logement : «Un triplex à Sherbrooke ne ressemble pas à un logement de Melbourne ou à Puerto Rico, dit Marie Beaulieu. Mais ce qui fonde le concept de chez-soi est le même : d'où qu'ils soient, les aînés souhaitent vivre en sécurité, avec un voisinage paisible et la capacité d'être joints rapidement en cas de besoin.» Pour le transport, c'est la facilité d'accès et la crainte des chutes qui font l'unanimité : «Les histoires d'horreur en matière de transport public venaient des quatre coins du monde, au point qu'on aurait pu conclure à l'existence d'une conspiration internationale des chauffeurs d'autobus», dit la chercheuse, avec une pointe d'humour.

Et à Sherbrooke?

Les constats de l'étude sont précieux pour identifier les gestes concrets qui peuvent aider Sherbrooke à devenir plus conviviale pour les aînés. De façon globale, ceux-ci sont très heureux et fiers de vivre dans leur ville. Ils ont le sentiment de s'y sentir «à la campagne» tout en disposant de nombreux services. Mais en même temps, ils souffrent du relief accidenté et de la fragmentation du tissu urbain qui impose de plus en plus l'usage de l'automobile.

Nos aînés souhaitent adapter leur logement pour vivre le plus longtemps possible chez eux. Quitter son domicile est en effet un moment difficile : plusieurs ne savent pas qui peut les accompagner dans cette démarche. Avec l'afflux des étudiants, les aînés dont le revenu est limité ont même du mal à se loger à bon marché. Beaucoup craignent la «ghettoïsation» des aînés et voudraient maintenir des relations fortes avec toutes les générations. Mais le plus grand hiatus qu'ils soulignent vient du manque de logements pour personnes semi-autonomes.

Un lancement mondial

Le guide Villes amies des aînés fait l'objet d'un lancement international ce lundi 1er octobre, avec deux grands événements à Genève et à Londres à l'occasion de la Journée internationale des aînés. À Sherbrooke, Marie Beaulieu et Suzanne Garon soumettront le même jour, à 14 h au 300, rue du Conseil (Sercovie), la quarantaine de propositions concrètes de l'OMS pour répondre aux besoins qu'expriment les aînés. Le soir, elles rencontreront le conseil municipal de Sherbrooke en leur proposant d'adopter les recommandations de l'OMS.

L'étude a été soutenue par un comité consultatif composé de représentants de Sherbrooke ville en santé, de l'Université du 3e âge, de l'Association québécoise de défense des droits des aînés et de la Table de concertation des aînés de l'Estrie.

«Bâtir des villes amies des aînés ne signifie pas en faire des villes ennemies des jeunes ou des familles, précise la professeure Beaulieu. Il ne s'agit pas d'opposer les générations ou de bâtir une ville pour les vieux, mais plutôt de favoriser ce qui permet de vivre harmonieusement.»