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27 septembre 2007
Le président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Henri-Paul Rousseau, a reçu un doctorat d'honneur de l'Université lors de la collation des grades du 15 septembre. Prenant la parole devant le parterre de diplômés et leurs invités, il en a profité pour appeler la nouvelle cohorte à contribuer à ce que l'éducation redevienne une valeur cardinale de notre société. Il a déploré les effets du décrochage scolaire et s'est désolé de voir qu'une faible proportion de Québécois semble accorder une grande importance à l'éducation. Liaison reproduit ici l'essentiel du discours prononcé par Henri-Paul Rousseau.
(…) Vous terminez, chers étudiants, une période intense de trois à cinq ans d'efforts et de travail qui vous procure aujourd'hui un véritable passeport pour l'avenir. Votre formation universitaire sera pour chacun et chacune de vous le principal outil qui vous aidera à bâtir votre vie professionnelle et à assurer votre développement personnel. Elle fera, j'en suis convaincu, la différence pour vous comme elle l'a fait pour moi. C'est fascinant de penser que seulement trois ou cinq années d'efforts soutenus vont changer à ce point votre vie et celle des vôtres.
Mais si on y réfléchit un peu, le plus difficile ce ne sont pas tant les trois ou cinq années que vous avez passées à l'Université, mais bien les quelque 18-20 ans qui ont précédé votre arrivée à l'Université. Car vous le savez, ce diplôme dont vous êtes si fiers aujourd'hui, ce passeport vers un avenir meilleur, des tas de jeunes, d'ici et d'ailleurs, ne le posséderont jamais à cause justement de ce qu'a été leur vie dans les 18 premières années. Vous avez eu accès à la formation universitaire parce que vous avez bénéficié d'un contexte familial, communautaire et social favorable. Certes, vous avez travaillé fort et vous avez fait preuve de détermination pour y arriver, mais du point de vue statistique, vous êtes objectivement des privilégiés.
Saviez-vous qu'au Québec, la diplomation universitaire plafonne depuis le milieu des années 90 à 28 % au 1er cycle, à 8 % au 2e cycle et à 1 % au 3e cycle? (…) Il y a au Québec plus de 40 % des jeunes qui n'ont qu'un diplôme secondaire ou moins. En fait, ils sont plus nombreux que les 37 % qui ont un diplôme universitaire. Les autres jeunes, le 23 % qui reste, ont un diplôme technique, collégial ou professionnel.
Dans le monde actuel, ces statistiques font frémir et elles sont angoissantes, non seulement sur le plan économique, mais aussi et surtout sur le plan social. Elles sont d'autant plus angoissantes que l'éducation ne semble plus être la priorité des Québécois.
Dans les années 60, lorsqu'on demandait aux Québécois quelle était leur priorité, question ouverte dans un sondage, 41 % disaient spontanément l'éducation. Aujourd'hui, la même question n'obtient que 5 %. Et vous savez, ne pas être instruit en l'an 2007, c'est plus dramatique que ce ne l'était dans les années 60.
Vous le savez, le monde a changé. La planète est en pleine transformation, la technologie est en pleine révolution, les sciences médicales et biologiques font des progrès inouïs, les pays en émergence sortent de leur pauvreté, les ressources rares sont de plus en plus recherchées, le respect de l'environnement s'impose comme une nécessité, plusieurs zones de conflit menacent la paix et la sécurité du monde, bref notre monde est rempli d'espoir, de défis et de risques.
Pour participer activement à ce monde comme travailleurs, comme consommateurs, comme citoyens, il faut le comprendre, il faut l'analyser, afin d'y vivre et afin de rendre notre époque plus humaine et plus juste. Tout ceci exige une éducation et une formation professionnelle, technique ou universitaire que plusieurs de nos jeunes n'ont pas et n'auront pas. Ils sont donc menacés par le monde actuel parce qu'ils n'ont pas la formation pour occuper ou même créer de nouveaux emplois. Ils se sentent impuissants devant les injustices qu'ils constatent ou qu'ils subissent parce qu'ils n'ont pas les outils pour les comprendre ni les outils pour changer leur monde. Ils n'ont pas ce passeport pour un avenir meilleur que vous êtes venus chercher aujourd'hui.
Chers amis, chers étudiants, chers diplômés, puisque vous êtes des privilégiés qui pourront participer à cette transformation de notre époque, je vous invite à être reconnaissants, généreux et convaincants. Je vous invite à être reconnaissants envers vos parents, vos familles, vos amis, vos conjoints, vos professeurs du primaire et de l'Université qui vous ont aidés à obtenir ce diplôme. Tout à l'heure vous les avez applaudis chaleureusement, je vous demande de vous rappeler de cela toute votre vie parce qu'eux et elles vous ont aidés. Je vous invite également à être généreux envers les jeunes de votre entourage en devenant un coach, un appui, un réconfort pour tous ceux et celles qui seraient tentés de décrocher. Vous pouvez et vous devez contribuer à la réduction du décrochage scolaire dans votre communauté. Je vous invite également à être convaincant envers les moins jeunes, vos oncles, vos tantes, vos parents, vos amis, vos voisins, pour qu'ils reconsidèrent leurs priorités, en faisant de l'éducation la priorité de l'avenir.
Notre génération à nous a voulu changer le monde, on s'est fait jouer un tour. Le monde a changé encore plus vite et plus radicalement qu'on n'avait pu l'imaginer. Il faut maintenant adapter les personnes à ce monde, ce monde moderne et nouveau, si on veut le transformer et l'humaniser davantage. Tout ceci exige trois choses : éduquer, éduquer, éduquer.
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