Un gym à la façade étonnante. |
3 juillet 2008
Jasmin Théroux, étudiant au baccalauréat en génie mécanique et Julie Lafortune, candidate à la maîtrise en administration des affaires
Il y a quelques semaines, le semestre d'hiver fraîchement terminé, c'est avec fébrilité que Julie Lafortune, candidate à la maîtrise en administration des affaires, et Jasmin Théroux, étudiant au baccalauréat en génie mécanique, sont débarqués à Dakar, au Sénégal. Ils se sont rendus en Afrique de l'Ouest, elle pour y mener une étude sur la filière du coton équitable, et lui pour y réaliser un stage en génie mécanique. Malgré tous leurs préparatifs et l'information recueillie avant le départ, le jeune couple a eu droit à tout un choc à son arrivée dans la capitale sénégalaise.
Dès notre sortie de l'appareil, nous sommes saisis par l'air salin et humide de l'Atlantique. Malgré l'heure tardive, la chaleur nous rappelle les canicules de juillet. La foule rassemblée à la sortie de l'aéroport est étourdissante, mais nous sommes vite rassurés à la vue de notre ami Dame Faye, un musicien d'origine sénégalaise. Rapidement, nous apprenons qu'ici, tout bien ou service est négociable, de la course de taxi à l'achat de pièces d'artisanat. C'est donc une chance qu'il soit venu nous accueillir et qu'il négocie pour nous la course jusqu'au centre-ville, laquelle aurait pu autrement s'avérer fort onéreuse. Notre taxi, une vieille Renault 1981 cabossée, se faufile allègrement parmi les charrettes, les motocyclettes et les autres véhicules tout autant tamponnés. L'odeur du diesel, les déchets épars, les vendeurs itinérants, les enfants mendiants et les boutiques faites de tôle nous rappellent la pauvreté dans laquelle se trouvent encore aujourd'hui la plupart des pays du Sud. Sur la route qui nous mène au centre-ville, Dakar nous apparaît comme un véritable chantier.
Quelques petits commerces de Dakar. |
Le lendemain, dès notre réveil, nous sommes excités à l'idée de découvrir Dakar, la ville la plus développée d'Afrique de l'Ouest. Descendus dans le lobby, c'est avec étonnement que nous constatons, au travers de la baie vitrée de l'hôtel, toute l'agitation et le chaos qui règne sur l'avenue Faidherbe. Nos ardeurs sont brusquement dissipées face à ce brouhaha, et nous décidons plutôt d'attendre Dame avant de mettre le nez dehors. Fidèle à la réputation des Sénégalais, notre ami met beaucoup de temps avant de se présenter. Mais sa seule présence nous met en confiance et nous sortons aussitôt, ravis de partir à la découverte.
Afin de nous initier à la vie dakaroise, Dame nous conseille d'abord de nous rendre à Sandaga, le plus important marché de la capitale. Sur le chemin, nous devons forcer le pas parmi les gens et les marchands qui tentent à tout coup de nous arrêter en espérant nous vendre chaussures, cartes d'appel, bijoux et autres babioles. Toutes les rues avoisinantes à Sandaga prennent elles aussi des airs de marché, tellement il y a de vendeurs itinérants et de boutiques improvisées. Des femmes apprêtant le poisson en pleine rue, d'autres le poulet ou le mouton, les enfants préparant le thé aux plus vieux… Toutes ces odeurs nouvelles nous montent à la tête et nous séduisent. Obnubilés par autant de nouveautés, nous dévalons les rues jusqu'à ce que brusquement, nous soyons obligés de ralentir le pas. En peu de temps, nous sommes même forcés de nous arrêter et de nous faufiler entre les gens accroupis par terre sur leurs petits tapis de toutes les couleurs. Nous sommes vendredi, 14 h, et c'est l'heure de la prière la plus importante de la semaine pour les quelque 94 % de Sénégalais musulmans.
Maisonnettes typiques de cette région du monde. |
Force est de constater qu'ici, la vie se passe à l'extérieur. Avec le fort taux de chômage, les gens n'ont pas tous accès à une chambre, et ils assistent pour la plupart passivement au spectacle qu'offre l'animation de la rue. En marchant en direction du logement de Dame, nous avons la chance de passer devant le palais présidentiel, un gigantesque monument qui rappelle de manière éloquente le contraste entre la caste gouvernante et le peuple sénégalais. Ici, la classe moyenne n'existe pas, et c'est peut-être pourquoi le rapport à l'argent des Sénégalais semble pour le moins différent de celui que l'on connaît au Québec. La démonstration de richesse, qui est pourtant fortement déconseillée aux touristes occidentaux, est ici chose commune pour les Sénégalais fortunés, puisqu'elle constitue un véritable symbole de réussite personnelle.
À force de se déplacer dans la ville, nous prenons graduellement nos aises, ce qui n'est pas chose facile, dans un pays où l'homme blanc, le toubab, fait figure de colonisateur, de riche européen. Au cours de l'après-midi, fidèle aux coutumes sénégalaises, Dame nous invite à prendre le thé. Il profite également de l'occasion pour nous faire écouter le tout dernier album de son groupe d'afrobeat, Kahan Lama. Comme le veut la tradition, c'est un de ses amis, nécessairement plus jeune que lui, qui est chargé de préparer le thé. À la fois intrigués et épatés par sa façon de faire, nous sommes attentifs à ses moindres gestes. Car loin des brèves infusions auxquelles nous étions habitués au Québec, boire le thé sénégalais relève pratiquement du cérémonial! Et surtout, il se déguste en trois petits verres : le premier, amer comme la mort, le second, bon comme la vie et le troisième, doux comme l'amour!
L'Atlantique vu de la côte sénégalaise. |
Or, prendre le thé, ça vous creuse l'appétit, surtout quand ça dure plus de deux heures! Dame nous propose alors de manger à la dibiterie, sorte de méchoui sénégalais, où nous avons l'occasion de déguster du mouton et du poulet fort épicé, et de boire du jus de bissap, une boisson typiquement sénégalaise. À la sortie du restaurant, nous prenons la direction de l'Institut français, situé en plein cœur du centre-ville, où Doudou Ndiaye Rose et ses 100 percussionnistes jouent le soir même. Hypnotisés par tous ces rythmes et la chaleur de cette soirée dakaroise, nous sommes émerveillés et réconfortés à l'aube de notre séjour en terre africaine.
Demal ag Jàmm.
Jasmin Théroux |
Julie Lafortune |
2 juillet 2009 (no 20)
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