Réjean Fontaine |
Photo : Michel Caron |
10 avril 2008
Karine Bellerive
L'enthousiasme de Réjean Fontaine est vraisemblablement contagieux. Professeur en génie électrique, il parvient à réunir collègues et étudiants de différents départements autour de projets communs. Le secret de son succès tient en trois mots : dynamisme, sociabilité et humilité.
Intellectuellement brillant, Réjean Fontaine a depuis longtemps les moyens de ses ambitions. Un baccalauréat en génie électrique de l'UdeS en poche, il effectue un passage direct au doctorat. Vers la fin de ses études, il est embauché à titre de directeur à la recherche et au développement pour Astroflex, une entreprise spécialisée dans la conception de démarreurs à distance pour automobiles. «On a effectué plusieurs gros changements technologiques, relate-t-il. Mais on revient vite à faire la même chose quand on travaille dans l'industrie. Ça m'a pris deux ans pour faire le tour.»
Son envie de relever de nouveaux défis l'incite à envoyer son curriculum vitae à l'Université de Sherbrooke. Il intègre le corps professoral en juillet 2001, tout juste pour démarrer l'implantation de la 1re année d'une approche pédagogique correspondant en tous points à ses convictions : l'apprentissage par problèmes et par projets en ingénierie. Cette méthode d'enseignement, qui favorise l'interaction entre les professeurs et les étudiants, se rapproche de son expérience vécue au sein d'une entreprise privée. «Ça teinte ma façon d'enseigner le génie, reconnaît le professeur. J'apprends à mes étudiants des choses directement utiles. Au lieu de les inciter à mémoriser des formules, je leur dis «pose-toi la question». En réfléchissant, on peut comprendre. C'est comme ça que ça se passe dans l'industrie.»
Réjean Fontaine apprécie particulièrement la liberté intellectuelle que lui offre l'Université. «Et on n'est pas obligé d'aller chercher les composants les moins chers pour réaliser nos projets», ajoute-t-il. Son travail lui permet également de s'investir concrètement dans le développement d'appareils spécifiques. «Je ne pourrais me concentrer exclusivement en recherche fondamentale ou dans le traitement de signaux purs, par exemple. J'en fais, de la recherche fondamentale, mais je suis probablement celui qui fait le plus de conception électronique, bien que je collabore avec plusieurs chercheurs.»
Directeur du Groupe de recherche en appareillage médical de Sherbrooke et titulaire de la Chaire de recherche en conception d'appareils d'imagerie médicale, Réjean Fontaine a toujours été fasciné par les problématiques liées au secteur de santé. Il raconte à ce sujet une anecdote amusante : «Au secondaire, je voulais faire de la physique nucléaire. Au cégep, je me suis demandé si je ne devrais pas être médecin. Et aujourd'hui, je travaille à concevoir des scanners appliqués à la médecine nucléaire!» Celui qui œuvre en étroite collaboration avec Roger Lecompte, du Département de médecine nucléaire et radiobiologie, comble ainsi son profond désir de se sentir utile. «Notre objectif, c'est d'amener le génie à répondre à des besoins en médecine, dit-il. Ça soulève beaucoup de difficultés. La marge d'erreur est minime parce qu'on travaille sur des produits qui touchent directement des êtres humains.»
Sa participation dans la mise sur pied d'une formation en bio-ingénierie, en collaboration avec la professeure Cécile Smeesters, s'inscrit dans cette perspective. Au croisement de trois disciplines, les cours réunissent des étudiants en génie mécanique et en génie électrique, ainsi que des participants de la Faculté de médecine et des sciences de la santé. Il s'agit d'un exemple probant de concertation puisque l'enseignement de la modélisation, de l'instrumentation et de la conception en bio-ingénierie est offert par des professeurs de la Faculté de génie, tandis que l'enseignement de l'anatomie et de la physiologie humaine l'est par des professeurs de la Faculté de médecine.
«Tout le monde réussit à se parler, même si on n'a pas tous le même langage, souligne Réjean Fontaine. C'est très valorisant de rassembler tous ces gens de milieux différents. Et ça permet d'aller beaucoup plus loin.» Selon lui, l'interdisciplinarité constitue la voie de l'avenir. Il cite ainsi le recteur Bruno-Marie Béchard : «Il y a quelques années, le recteur m'a dit ceci : La recherche se fera de moins en moins dans les disciplines, mais de plus en plus entre les disciplines. J'y crois fermement.» Le chercheur reconnaît avoir lui-même une facilité à réunir les gens. «C'est peut-être parce que j'aime les communications», confie-t-il.
Nul doute que ses qualités de rassembleur contribuent au succès de ses ambitieux projets. Réjean Fontaine et son équipe ont notamment remporté, en 2006, le Prix d'intégration de microsystèmes de la Société canadienne de microélectronique. Le projet de tomographie d'émission par positrons dédié aux petits animaux, dont le chercheur parle avec passion malgré la complexité du sujet, consiste en un scanner permettant de recueillir des informations métaboliques sans avoir à procéder à une opération. «Nous avons encore du travail à faire pour éliminer les bruits, qui affectent la qualité de l'image», note-t-il. L'objectif ultime est de jumeler cette technologie avec le scanner traditionnel (tomodensitomètre), qui permet de capter des informations anatomiques. «Ce scanner bimodal nous permettra de prendre les deux images en même temps, en utilisant la même électronique», explique le professeur.
Réjean Fontaine travaille par ailleurs à améliorer la résolution des scanners. «À terme, on souhaite une résolution d'environ un millimètre, soit une amélioration d'un facteur trois-quatre par rapport aux scanners humains actuels, dit-il. Ça va permettre d'aller chercher des détails plus fins. On veut être les premiers à atteindre ce défi dans une perspective de commercialisation.» Le chercheur rêve également de réduire les doses de radiation et de créer un scanner qui s'opérerait aussi facilement qu'un photocopieur. Ses rêves semblent partagés puisqu'il a déjà réussi à récolter près de quatre millions de dollars en subventions depuis 2001. «Il faut savoir saisir les opportunités», philosophe-t-il.
Enfin, son investissement dans son travail n'empêche pas Réjean Fontaine d'avoir une vie familiale bien remplie. En plus d'avoir bâti lui-même sa maison, il a sillonné avec sa conjointe, actuellement étudiante à l'Institut de gériatrie, et leurs trois enfants, les routes des États-Unis et du Mexique durant un mois. Nul doute que le climat familial soit propice à l'éclosion de futurs leaders!
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