2 juillet 2009
Josée Beaudoin
Professeur à la Faculté d'administration depuis sept ans maintenant, Claude Caron est un pionnier en matière d'implantation de technologies géomatiques pour le domaine des affaires. Quand on voit le plaisir évident que son sujet lui inspire, on comprend que la géomatique est à la fois sa sphère de recherche et son terrain de jeu. Chargé de transmettre une matière en constante évolution, le pédagogue souhaite par-dessus tout insuffler le plaisir d'apprendre.
«À la limite, je pense que je pourrais donner des cours sur la longueur des pattes des fourmis rouges en Afrique du Sud en me donnant pour objectif de rendre ça intéressant. Et je pense que j'y réussirais peut-être», dit-il en riant. Il suffit de passer une heure en sa compagnie pour demander : où est-ce qu'on s'inscrit?
Natif d'East Angus, Claude Caron a fait une technique en génie civil au Cégep de Sherbrooke et s'y est découvert une passion pour l'arpentage. Afin de poursuivre dans cette voie, il a enchaîné avec un baccalauréat et une maîtrise en sciences géodésiques à l'Université Laval. Avant même qu'il n'ait terminé sa maîtrise, il était recruté pour aller enseigner à l'École polytechnique fédérale de Lausanne en Suisse. Dans la même semaine, il a fait son dépôt final, sa défense de thèse, il a bouclé ses bagages, il a pris l'avion avec sa conjointe et, le lundi suivant, il commençait à travailler. Après deux ans et demi à enseigner et à bourlinguer en Europe, le couple est rentré au bercail, mûr pour un premier poupon.
Faute de trouver l'emploi qui répondait à ses ambitions, Claude Caron s'est engagé à fond de train dans un Ph.D. en sciences géomatiques à l'Université Laval. Trois ans plus tard, il devenait docteur en sa matière et consultant en technologies de l'information. En 1999, il a été embauché comme professeur à l'université qui l'avait formé et, en 2002, il est tombé sur l'offre d'emploi qui allait le ramener dans son coin de pays.
Pour la petite histoire, Claude Caron était en compagnie de l'un de ses copains français, un professeur de géographie en visite chez lui. En feuilletant le journal, ils ont vu une annonce disant que la Faculté d'administration de l'Université de Sherbrooke embauchait plusieurs nouveaux professeurs. En blaguant, son copain lui a dit : «Ce serait drôle que tu postules à Sherbrooke, que tu décroches un poste, que tu retournes dans tes Cantons de l'Est, que tu libères ainsi ta chaise à l'Université Laval et que moi je la prenne.» Et c'est en tous points ce qui s'est passé.
Depuis 2002, Claude Caron est donc professeur au Département de systèmes d'information et méthodes quantitatives de gestion. Dès son arrivée, il s'est appliqué à faire connaître les avantages de la géomatique, non seulement aux étudiants, mais aussi à ses collègues, qu'ils soient en marketing, en finance, en comptabilité ou en gestion des ressources humaines.
«Il y avait un travail d'évangélisation à faire», dit-il avec humour. Comme une image vaut mille mots, une démonstration suffit pour voir que, transposées sur une carte, les données d'un fichier Excel deviennent autrement vivantes. Par extension, tout ce que touche l'expert en géomatique se transforme en résultats concrets. Aussi, l'évangélisation a eu des échos. Dès la fin de 2002, l'Université de Sherbrooke annonçait la création du Laboratoire de géobusiness dirigé par Claude Caron.
Alors qu'il y a 10 ans à peine, la géomatique s'adressait à une élite spécialisée, l'alliance de la géographie et de l'informatique s'est beaucoup démocratisée avec l'arrivée des Google Earth et Google Map de ce monde. Entrez votre code postal et repérez rapidement la garderie, la quincaillerie ou le terrain de golf le plus près de chez vous… Voilà une application de la géomatique qui fait désormais image chez bien des internautes. Mais saviez-vous qu'à partir d'un simple code postal, il est possible d'extraire quelque 300 variables et d'ainsi établir des profils de clientèles extrêmement précis dont peuvent tirer profit les gestionnaires?
Depuis 2006, Claude Caron est titulaire de la Chaire de recherche en géomatique d'affaires dont l'objectif consiste à mieux comprendre et améliorer l'utilisation et l'apport des technologies géomatiques dans le monde des affaires. Pour mettre cette chaire sur pied, le professeur a pris son bâton de pèlerin et il est allé convaincre 13 partenaires publics et privés, dont plusieurs PME. L'omniprésence des précieux partenaires se traduit par un mur de labo où s'affichent les différents logos, chapeautés de l'inscription «Le mur des célébrités».
«Ces gens souhaitent avoir des résultats très concrets, pas du pelletage de nuage. Aussi, ils orientent nos recherches vers de réels besoins, explique le chercheur. Dans plusieurs domaines où l'on utilise de la technologie de localisation, on se retrouve avec des cimetières de données. Réussir à extirper la substantifique moelle et rendre le tout intelligible pour le gestionnaire, c'est là qu'est le défi», explique-t-il.
En matière de localisation, Claude Caron a su se démarquer au fil des années, notamment par la mise au point d'un système qui utilise la radio-identification, plus souvent désignée par le sigle RFID (Radio Frequency Identification). Puisque les technologies GPS ne fonctionnent pas à l'intérieur des bâtiments, le chercheur et son équipe ont comblé cette lacune en développant un système qui prend la relève lorsque la personne ou l'objet étiqueté passe de l'extérieur à l'intérieur d'une bâtisse.
«Au fur et à mesure que les gens qui ont le petit émetteur à la taille se promènent, on est capable de les voir sur le plan du bâtiment de façon cartographique et d'identifier leur position en temps réel. Un peu comme la carte du maraudeur dans les livres de Harry Potter!» dit-il.
Pour la sécurité des gens atteints d'Alzheimer ou en perte d'autonomie, l'utilité de cette innovation est indéniable. À l'inverse, les professionnels des hôpitaux psychiatriques qui travaillent auprès de patients potentiellement agressifs peuvent également l'utiliser pour assurer leur propre sécurité.
Bien que la géomatique demeure au cœur de ses recherches, Claude Caron élargit désormais son champ d'action à tout le domaine de l'intelligence d'affaire. Ainsi, depuis quelques mois, il est codirecteur du Pôle de recherche en intelligence stratégique et multidimensionnelle d'entreprise, un regroupement qui englobe l'ancien groupe Géobusiness.
Quand on exerce son métier avec passion comme le fait Claude Caron, les risques que la vie professionnelle empiète sur la vie personnelle sont élevés. Toutefois, le cancer de la glande thyroïde qu'on lui a découvert l'an dernier a entraîné une réflexion et un retour de balancier. De cette maladie aujourd'hui éradiquée, il ne lui reste que l'envie de multiplier les moments privilégiés avec les siens. «Il n'y a jamais de médaille trop mince pour qu'elle n'ait pas deux côtés», dit-il.
Si l'on devait aujourd'hui situer sa priorité sur une carte, on verrait apparaître un gros point rouge clignotant sur sa demeure, dans la campagne de Saint-Élie-d'Orford. Et avec trois enfants très actifs, âgés de 6, 11 et 14 ans, Claude Caron n'a pas besoin de Google Map pour se rendre au terrain de soccer le plus près de chez lui.