Panorama de la ville de Cape Coast au Ghana. |
Photos : Stéphanie Poulin |
28 août 2008
Stéphanie Poulin, étudiante en histoire
Il m'est plutôt difficile de parler de mon voyage au Ghana. Les histoires que j'y ai vécues sont parfois étrangères à notre culture et de ce que nous sommes habitués de voir et surtout de comprendre. Il est si facile de renforcer les images ou même les préjugés que nous avons de l'Afrique. Les histoires parfois drôles que j'y ai vécues sont pour moi une source de richesse culturelle, et je souhaite à tout le monde de tenter l'expérience.
Au cours de mon voyage, j'ai séjourné dans trois villes différentes, soit Accra, Cape Coast et Apam. Le premier contact avec l'air humide d'Afrique reste une étrange sensation, un peu comme une douce suffocation à laquelle le corps s'habitue finalement. Le Ghana a une odeur particulière, il sent la terre, une terre rouge humide et magnifique se mélangeant à une odeur de piment fort qui constitue un élément essentiel de l'alimentation. Mon premier repas africain était tellement épicé que j'ai cru que j'allais en perdre le goût!
On peut facilement sentir toute la richesse du pays et l'effort du dur labeur de chacun. Le réveil s'y fait très tôt, en même temps que le soleil, vers 5 h 30 environ, mais cela fait déjà deux heures que le coq chante dans l'arrière-cour. La plupart des gens vivent de leurs récoltes quotidiennes. Ils vendent fruits et légumes sur des stands le long des routes. Chaque jour, on descend au marché pour acheter ce dont on a besoin, et chaque jour on doit renégocier le prix de nos aliments. Il est parfois surprenant de voir qu'on refuse de nous accorder un aliment au prix habituel – dérisoire comparativement au Canada – car nous sommes blancs.
Au marché ou dans le village, les enfants courent vers nous en nous appelant obruni, terme amical signifiant «homme blanc». Le plus mignon, c'est lorsque les enfants nous demandent «What's your name?» sans savoir ce que ces mots signifient. Lorsqu'on leur renvoie la question, ils ne savent que répondre. Certains nous crient «Obruni, what's your name» sans même s'arrêter de courir, pour eux ce n'est qu'un bonjour.
Panorama de la ville d'Élima au Ghana. |
Chaque région du globe possède ses moyens de transport en commun et accessibles à tous. Au Ghana, c'est le tro-tro. Il s'agit en fait d'une mini-fourgonnette complètement délabrée qui peut contenir en théorie 13 personnes et en pratique 16 personnes. On se déplace pour une modique somme, et c'est plutôt sécuritaire. Que c'est drôle, quand on y repense, d'avoir voyagé avec le tro-tro!
Comme notre garde-robe est plus que restreinte en voyage, il vient un temps où nos réserves de vêtements propres s'épuisent. Et une question me vient immédiatement : avez-vous déjà lavé vos vêtements à en avoir les mains couvertes d'ampoules? Tous les deux ou trois jours (sinon il y a vraiment trop de vêtements), nous avons rendez-vous à l'aube avec le soleil, deux chaudières d'eau et du savon. Il faut environ une heure trente pour tout frotter et essorer. Chaque fois, mes mains me font mal pendant quelques heures. Parfois je me dis qu'on n'a vraiment rien compris de la vie.
Le soleil est sur le point de se coucher. En 30 minutes, la nuit est tombée, cette simple métaphore explique vraiment bien la situation… Lorsqu'on est dehors, on peut clairement voir la nuit tomber. Comme j'étais de corvée de balai, et comme un réveil tôt n'est simplement pas pour moi, je me trouvais brillante de le faire le soir, alors que tout le monde serait couché. À ma surprise, j'ai appris que passer le balai la nuit tombée est tabou : il peut nous arriver malheur. Je n'ai pas besoin de vous dire que je me grattais la tête, perplexe. Je suis simplement allée me coucher, car demain j'étais de corvée de balai…
Stéphanie Poulin et sa collaboratrice photographiées à Accra, dans le cadre du stage réalisé au sein de l'Entraide universitaire mondiale du Canada. |
Les Canadiens sont reconnus pour avoir le doigt facile sur la gâchette du Raid. Alors que nous allions tuer une horde de fourmis, une Ghanéenne nous a arrêtés en nous affirmant qu'il ne fallait pas tuer les fourmis puisqu'elles mangeaient la nourriture sur le sol.
Après quelques jours en Afrique, on se rend bien compte que la conception du temps occidentale doit rester en Amérique. Connaissez-vous la conception cyclique du temps? Si en Amérique le temps est compté, au Ghana, il n'a aucune signification particulière. Ce que je veux dire, c'est que si on compare le temps, en Amérique, c'est une roche, car il est fixe, et au Ghana, c'est de l'eau, car il est plutôt fluide. La ponctualité n'est donc pas chose commune, peut-être même inexistante. On peut ainsi rester au restaurant pendant des heures. Être pressé est une notion inconnue. J'en ai parfois éprouvé certaines frustrations; les choses se déroulent si rapidement au Canada. Croyez-moi, il est impossible de combattre le temps cyclique; on ne peut que s'y soumettre.
Il m'est arrivé plusieurs fois durant le voyage d'avoir un contentieux culturel avec mes pairs ghanéens. Bien sûr, ils font maintenant partie des moments vraiment intéressants de mon voyage, où l'on rencontre réellement l'autre. La religion occupe une place importante dans la vie des gens. On ne peut réellement les comprendre, mais il est néanmoins possible de sentir la puissance de leur foi en assistant à une messe gospel. Au Ghana, les gens sont assez ouverts aux autres religions. On peut croire en ce qu'on veut, mais il faut croire en quelque chose. Les personnes avec qui j'ai eu des discussions un peu plus poussées sur le sujet ne comprennent simplement pas comment il est possible de ne croire en rien.
Lorsqu'on me demande de faire une rétrospective, il n'y a qu'un sourire sur mon visage, un sourire qui se remémore tous les petits moments qui font d'un voyage une heureuse expérience. Lorsqu'on me demande ce qui m'a le plus marquée, je réponds les gens et leur manière de voir les relations entre Africains : tous les habitants de ton village sont tes frères. L'Afrique laisse en moi une trace indélébile, et ce n'est pas un adieu, mais plutôt un «à bientôt»!
2 juillet 2009 (no 20)
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