Autochtones du peuple quechua au marché. |
Photo : Philippe Viens |
9 avril 2009
Philippe viens, étudiant au baccalauréat multidisciplinaire à la Faculté des lettres et sciences humaines
En débarquant de l'autobus à l'aube, il est difficile de croire que cette petite ville bolivienne à peine plus grande que Sherbrooke était jadis l'une des plus populeuses du monde. Située à une altitude de 4067 m, Potosi comptait au sommet de sa gloire plus d'habitants que Londres et Paris.
La richesse jadis proverbiale de Potosi, qui s'est construite avec les milliers de tonnes d'argent extraites du mont Cerro Rico qui plane au-dessus de la ville, et qui en avait fait une capitale mondiale, s'est évanouie. La ville semble déserte, alors que seuls quelques Amérindiens aymaras et quechuas, se protégeant du froid à l'aide de leur poncho, déambulent à travers la pléthore d'églises et de palais monumentaux maintenant vides.
L'atmosphère est sinistre, presque hantée, et on se demande si Potosi est classée au patrimoine mondial de l'humanité pour la qualité de son architecture ou, comme pour Auschwitz, pour l'ampleur du drame qui y eut lieu. Alors que les conquérants espagnols fêtaient, buvaient et faisaient bâtir palais et églises, on estime que huit millions d'esclaves amérindiens et africains ont péri dans l'extraction de l'argent des mines de Potosi.
Potosi et le Cerro Rico : la montagne et ses tristement célèbres mines d'argent. |
Photos : Valentin Gies |
Dès les premiers moments de la «découverte» de l'Amérique, Christophe Colomb, qui crut jusqu'à sa mort s'être rendu en Asie, avait été excité par les quelques ornements en or des Arawaks et avait tout de suit compris la facilité avec laquelle ceux-ci pouvaient être réduits en esclavage. Lors de son second voyage aux «Indes», il est revenu avec 70 bateaux et 1200 hommes. Pour payer le voyage, Colomb renvoya en Espagne quelque 500 esclaves pour être vendus dont 200 périrent avant d'arriver à destination. Il décréta ensuite que tous les Arawaks de plus de 14 ans devaient rapporter une quantité donnée d'or tous les trois mois ou être exécutés. En deux ans, la moitié de la population arawak de l'île d'Hispaniola (aujourd'hui Haïti et la République dominicaine) fut décimée, et en quelques décennies elle disparut presque complètement.
Aujourd'hui, une dizaine de milliers de travailleurs boliviens, poussés par la nécessité, plongent toujours dans ce qui fut appelé jadis la «bouche de l'Enfer» pour gagner leur pitance en extrayant ce qui reste de l'argent et de l'étain du Cerro Rico.
Tout en s'enfonçant dans la mine, à travers les passages inondés qui ne mesurent parfois pas plus d'un mètre et demi de haut, nous devons nous écraser contre le mur pour laisser passer deux hommes poussant un chariot de quelques centaines de kilos vers la sortie. L'un de ces «hommes» n'est âgé que de 15 ans. On estime qu'il y a quelques centaines d'enfants de moins de 14 ans qui travaillent dans le Cerro Rico, et selon l'Organisation internationale du travail, ils sont 260 000 en Bolivie, au Pérou et en Équateur.
À l'aide d'une corde et d'une échelle improvisée, nous plongeons dans l'un des nombreux tunnels qui traversent le Cerro Rico, le transformant lentement en gruyère. «On sait que la montagne va s'effondrer sur nous tôt ou tard, mais on doit continuer de travailler, non?», dit notre guide, qui travaille également à la mine. La température de l'atmosphère raréfiée (la mine se trouve à 4800 m d'altitude) oscille entre le point de congélation et une chaleur étouffante pouvant atteindre 45 C° dans les galeries les plus profondes.
Plus loin, une équipe de mineurs remplit à la pelle un grand panier tiré plus haut avec un moteur. Ceux qui n'ont pas de moteur doivent monter le panier de roche sur leur dos. Un mineur a la joue gonflée d'une impressionnante chique de feuilles de coca. Cette plante sacrée pour de nombreux Amérindiens fut d'abord interdite par les conquérants espagnols, pour ensuite être rapidement rétablie lorsqu'ils réalisèrent qu'elle permettait aux milliers d'Amérindiens réduits en esclavage de survivre plus longtemps avant de périr du dur labeur auquel ils étaient soumis. La chique d'une cinquantaine de feuilles de coca mélangées à un peu de cendre pour libérer les alcaloïdes de la plante permettait de mieux supporter l'altitude et d'atténuer la fatigue, le froid et la faim. Elle le permet toujours.
À la sortie de la mine, El Tio, l'Oncle, nous accueille. C'est un diable cornu sculpté dans la pierre. Notre guide lui offre des feuilles de coca, une petite bouteille d'alcool pur (après en avoir avalé une bonne lampée) et une cigarette qu'il place allumée dans la bouche du diable. Ces offrandes sont faites pour attirer la protection du maître des ces souterrains afin qu'il leur porte chance dans la découverte d'argent et ne leur enlève pas la vie.
El Tio sourit en fumant sa cigarette, car ni dieux ni diables ne répondent aux prières. Chaque année, quelques dizaines de mineurs trouvent la mort sous terre, alors que de nombreux autres sont éventuellement emportés par la silicose. Et des fortunes en argent extraites des entrailles du Cerro Rico, il ne reste rien.
2 juillet 2009 (no 20)
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