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Portraits de leader

Des dizaines d'années de travail dur, acharné et modeste

19 mars 2009

Josée Beaudoin

Lorsque Pedro D'Orléans-Juste a commencé ses études supérieures en pharmacologie à l'Université de Sherbrooke, son superviseur, Domenico Regoli, lui a dit : «Pedro, pour réussir en recherche, vous avez besoin de 10 ans de travail dur, acharné et modeste.» Après 10 ans, il est retourné voir son ancien superviseur et celui-ci lui a dit : «Pedro, vous avez besoin d'un autre 10 ans de travail dur, acharné et modeste.» Cette philosophie, notre leader l'inculque à son tour à ses étudiants et se fait un point d'honneur de renouveler sa propre philosophie de travail tous les 10 ans.

Professeur au Département de pharmacologie de la Faculté de médecine et des sciences de la santé depuis près de 20 ans, Pedro D'Orléans-Juste a la voix posée, le verbe réfléchi et la gentillesse proverbiale. Son leadership s'exprime par son désir de trouver des façons d'être utile à la collectivité, un désir qu'il cultive depuis l'enfance, tout comme son intérêt pour les sciences. «J'ai toujours été intéressé par la biologie et le système cardiovasculaire, probablement parce que dans ma famille, il y a un historique de problèmes cardiaques important», dit-il.

Depuis 1980, ce spécialiste de la pharmacologie cardiovasculaire s'intéresse principalement à la couche endothéliale, une mince couche cellulaire tapissant tous les vaisseaux sanguins du corps et jouant un rôle important dans le contrôle de la pression artérielle.

«La couche endothéliale, c'est l'ultime barrière entre le sang qui contient l'oxygène et les tissus qui en ont besoin, soit les cellules musculaires, les cellules nerveuses et autres, explique le professeur. Certaines substances qui sont libérées de l'endothélium vont dilater les vaisseaux, alors que d'autres vont les contracter. Imaginez un individu avec un système vasculaire intact… Si une substance vient dilater ses vaisseaux, il y aura chute de la pression artérielle. À l'inverse, si une substance vient les contracter de manière soutenue, il y aura des hypertensions. Ce qui m'intéresse, c'est de voir comment la couche endothéliale réagit dans des conditions pathologiques comme l'athérosclérose, l'hypertension ou l'insuffisance cardiaque, par exemple.»

En septembre, un grand symposium international réunira à Montréal les intervenants des sciences fondamentales, des sciences cliniques et de l'industrie pharmaceutique qui s'intéressent à une hormone hypertensive sécrétée de l'endothélium, soit l'endothéline-1. Rassembleur et soucieux de favoriser l'interaction entre les principaux acteurs de son domaine de recherche, Pedro D'Orléans-Juste préside le comité organisateur de cet événement, élaboré en collaboration avec la Société américaine de physiologie.

«Ce congrès, je voudrais qu'il soit le reflet d'efforts multidisciplinaires et de collaborations tout azimut, dit-il. Je voudrais que tous les congressistes quittent, après les trois jours, en se disant qu'ils ont vraiment appris quelque chose et que l'environnement était propice aux échanges.»

D'étudiant à collaborateur

Si le professeur est passionné par ses recherches, il l'est tout autant par son rôle de formateur auprès de ses étudiantes et étudiants. Les voir acquérir une maturité scientifique est pour lui source de satisfaction, voire de fascination.

«Au cours des premières années, l'étudiant a tendance à dépendre beaucoup de l'inspiration et de la motivation que lui insuffle son superviseur; puis, à un moment donné, on voit que l'étudiant a envie de développer ses propres idées, qu'il gagne en autonomie et qu'il cherche à diffuser ses propres observations. C'est là que la relation professeur-étudiant devient une relation collaborateur-collaborateur. Et ça, c'est fantastique.»

Sa maturité scientifique, Émilie Carrier l'a acquise au fil des huit dernières années en collaborant avec le professeur D'Orléans-Juste dans son labo. Celle qui soutiendra sa thèse de doctorat le 31 mars parle de son superviseur comme d'un pédagogue passionné et ouvert d'esprit qui incite ses étudiants au dépassement.

«Pedro mise beaucoup sur l'interaction; il nous encourage à exprimer nos idées et à argumenter pour développer notre esprit critique. Il en résulte des échanges vraiment très enrichissants. En plus de nous inciter au dépassement dans son laboratoire, Pedro nous invite également à nous impliquer à l'extérieur, en explorant des avenues complémentaires.» Parmi ces avenues, il y a l'enseignement, et il n'est pas rare de voir les étudiantes et étudiants du professeur D'Orléans-Juste porter le chapeau de chargé de cours.

Don à la Fondation des maladies du coeur

En matière d'implications complémentaires, Pedro D'Orléans-Juste pratique aussi ce qu'il prêche, lui qui a œuvré comme conseiller scientifique du Fonds de recherche en santé du Québec pendant 10 ans et comme directeur du Réseau en santé cardiovasculaire du Québec entre 1999 et 2005.

Depuis trois ans maintenant, il agit bénévolement comme président du comité scientifique de la Fondation des maladies du cœur du Québec. Et qu'est-ce qui le pousse à assumer cette responsabilité supplémentaire, lui qui a déjà une pleine tâche académique? «La recherche biomédicale, c'est un travail collectif, mais la sensibilisation de la population à des problématiques de santé, je pense que cela commence par un effort individuel de vulgarisation venant du spécialiste», dit-il.

Le 10 décembre dernier, la Fondation des maladies du cœur du Québec a salué l'excellence des réalisations scientifiques de Pedro D'Orléans-Juste ainsi que son grand dévouement en lui remettant le prestigieux prix Cœur-Québec. Créé en 1990, ce prix récompense ceux et celles qui aident de façon exceptionnelle la Fondation à poursuivre sa mission.

Des photos révélatrices

La séance photo accompagnant cette entrevue a permis de mettre en lumière deux traits distinctifs du professeur D'Orléans-Juste. D'abord, on a reconnu l'homme d'équipe qu'il est lorsqu'il a gentiment demandé au photographe si c'était possible de remettre la séance, puisque deux de ses collaborateurs étaient absents ce jour-là. Surprise totale lorsqu'on lui a dit qu'il était le seul visé par l'objectif.

Deuxièmement, les questions qu'il a posées tout au long des prises de vue trahissaient son vif intérêt pour la photographie. «C'est une façon de regarder la vie à travers un autre type de système oculaire, explique-t-il. Plusieurs de mes collègues s'y adonnent aussi. C'est probablement une déformation professionnelle que d'essayer de fixer sur pellicule les images qui nous impressionnent, au même titre que les recherches que l'on fait ont pour but de prouver et de fixer des concepts novateurs.»

Très intéressé par les aspects techniques de la photographie, le professeur prétend ne pas avoir la fibre artistique développée. Toutefois, sa sensibilité nous permet d'en douter. «J'aime beaucoup photographier les personnes âgées; c'est un peu comme si on voyait leur histoire par le biais d'une seule photo, dit-il. Au-delà des rides et des traits, c'est la lueur des yeux qui m'intéresse. Avant de serrer la main, je regarde les yeux.»

Tenez-vous le pour dit si vous le croisez… Le miroir de l'âme n'a plus beaucoup de secrets pour lui.

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