par Sonia Morin
Pour James M. Lang, professeur d’anglais et directeur du Center for Teaching and Learning à l’Assumption College, la meilleure défense contre la tricherie académique est un environnement éducatif centré sur l’apprentissage. La structure de cet environnement éducatif comprend les exigences du programme, la conception pédagogique des cours, les pratiques d’enseignement utilisées dans chaque cours, la nature et l’administration des travaux et des examens, ainsi que l’alliance pédagogique entre l’étudiant et l’enseignant.
Lang en est arrivé à cette conclusion en cherchant comment il pouvait contrer la tricherie dans ses cours. Rapidement, dans sa recherche de solutions, il s’est rendu compte que
pouvait certes s’inscrire dans une approche globale mais que ça ne lui donnait pas de pouvoir dans son cours, comme professeur.
En parallèle de sa recherche sur la tricherie, Lang faisait une recherche sur les développements en psychologie cognitive et les implications de ces développements en enseignement supérieur, notamment le fonctionnement du cerveau et de la mémoire. Au fil du temps, un lien lui est apparu entre ses deux recherches :
if I looked at the problem of cheating through the lens of cognitive theory and tried to understand cheating as an inappropriate response to a learning environment that wasn’t working for the students, I could potentially empower individual faculty member to respond more effectively to academic dishonesty by modifying the learning environment they constructed.
Lang insiste sur deux aspects de son postulat :
Sa recherche sur la tricherie a mis au jour des caractéristiques de l’environnement d’apprentissage qui peuvent induire de la tricherie :
Pour réduire les risques de tricherie, Lang se propose et propose à ses collègues professeurs de modifier l’environnement d’apprentissage (ici, un cours) de la manière suivante :
Et c’est ici que Lang avoue avoir fait sa plus intéressante découverte : the environments which reduce the incentive and opportunity to cheat are the very ones that, according to the most current information we have about how human beings learn, will lead to greater and deeper learning by our students. C’est en effet inouï : en cherchant à créer un environnement d’apprentissage pour réduire les possibilités de tricherie, ou plutôt pour susciter l’intégrité chez les étudiants, on crée un environnement qui favorise un apprentissage plus grand et plus profond.
Lang tient à préciser qu’il a écrit son livre Cheating Lessons – Learning from Academic Dishonesty en gardant sa posture de professeur (et non de chercheur) et qu’il l’a rédigé pour ses collègues professeurs. Le livre s’inscrit donc dans une visée de développement de la pédagogie universitaire, car il induit une réflexion sur la pratique d’enseignement, notamment sur l’alignement pédagogique.
C’est d’ailleurs sur ce sujet que porte une des dernières dépêches de Tricia Bertram Gallant, directrice de l’Academic Integrity Office de l’Université de Californie à San Diego et membre du conseil d’administration de l’ICAI (International Center for Academic Integrity). Elle avance qu’il est possible de réduire les dérives vers des délits académique, donc de favoriser l’intégrité académique, dès la planification d’un cours. Pour démontrer son point de vue, elle ajoute au modèle de design pédagogique de Wiggins et McTighe (2016) quelques questions que les enseignants pourraient se poser au moment de la planification de leur cours, des questions qui les conduiraient à découvrir leur pouvoir de susciter des comportements intègres chez leurs étudiants. Comme l’équipe pédagogique au Service de soutien à la formation préfère le modèle de l’alignement pédagogique de Biggs (1996), les questions de Bertram-Gallant ont été ajoutées à ce modèle :
Voici des exemples d’éléments visant à favoriser l’intégrité académique dont les enseignants pourraient s’inspirer au moment de planifier leurs cours.
Pour les cibles de formation
Pour les modalités d’évaluation
Pour les méthodes pédagogiques
En fait, on revient à la découverte qui a réjoui le plus James M. Lang dans ses recherches : en modifiant la conception de leurs cours pour susciter des comportements intègres chez les étudiants, les enseignants favorisent du même coup un meilleur apprentissage. Il semble bien que ce soit une approche gagnant-gagnant.
C’est également dans cet esprit de pédagogie universitaire que le SSF rendra disponibles prochainement de nouvelles pages destinées aux enseignantes et enseignants qui souhaitent susciter des comportements intègres chez leurs étudiants en adoptant une posture réflexive sur leur enseignement. On y retrouvera quantité d’informations et de ressources, toutes enracinées dans une perspective pédagogique de questionnement qui tient compte du contexte actuel dans lequel s’exerce la pratique d’enseignement.
Bertram Gallant, Tricia. Course Design, Assessment & Integrity: Strange Bedfellows? Blogue de l’ICAI (International Center for Academic Integrity). 29 janvier 2019.
Golden, Serena. Author of new book on academic dishonesty discusses strategies for reducing cheating while improving student learning. Inside Higher Education. 11 septembre 203.
Lang. James M. Cheating Lessons. Harvard University Press. 2013. 256 p.
Lang. James M. Cheating Lessons, Part 1. The Chronicle of Higher Education. 28 mai 2013.
Lang. James M. Cheating Lessons, Part 2. The Chronicle of Higher Education. 8 juillet 2013.
Lang. James M. Cheating Lessons, Part 3. The Chronicle of Higher Education. 19 août 2013.