Peut-on enseigner la créativité? C’est la question que le Service de soutien à la formation a posée à quatre personnes le 4 mai lors d’une activité sur la créativité : Dominic Audet, cofondateur et chef de l’innovation chez Moment Factory, ainsi que les professeurs Eve Langelier (génie mécanique), Dany Baillargeon (création publicitaire) et Marie-Josée Godin (sciences infirmières).
En introduction, le doyen de la Faculté de génie, Patrick Doucet, a soutenu que la créativité s’enseigne bel et bien, puisqu’il l’a lui-même enseignée pendant plusieurs années. Il a souligné l’importance de faire vivre des expériences en créativité aux étudiantes et étudiants. Pour y arriver, il faut proposer des environnements eux-mêmes créatifs. C’est ce qu’il appelle la créativité au carré : un milieu créatif pour des gens créatifs. Pour le professeur Doucet, l’enseignement de la créativité est essentiel parce que le monde de demain est à créer.
Il a ensuite présenté le conférencier invité, Dominic Audet, dont l’entreprise a reçu la Grande distinction pour une organisation qui reflète les valeurs de l’Université, lors de la collation des grades de l’Université de Sherbrooke de septembre 2014.
En brossant un portrait de l’entreprise et de ses réalisations, Dominic Audet a expliqué les secrets du succès créatif de Moment Factory (MF), dont le plus grand est l’importance du lien humain. MF fait du divertissement multimédia mais toujours participatif, en mettant des groupes de personnes en interaction avec l’expérience multimédia.
Le fonctionnement de l’entreprise répond de nombreuses façons au principe de la créativité au carré du professeur Doucet. D’abord, en évitant de créer des silos. Ainsi, la section contenus et direction artistique travaille continuellement de pair avec la section technologie multimédia, et les deux sections mènent conjointement tous les projets à toutes les étapes, de telle sorte que le processus créatif est nourri des deux expertises, qui s’entremêlent, se chevauchent et se renforcent mutuellement. D’ailleurs, MF réunit ce qui est habituellement conduit par trois entreprises différentes : le contenu, la scénographie et les systèmes technologiques.
La mobilité latérale est encouragée chez MF, pour garder les employés stimulés et engagés, même en dehors de leur champ de spécialisation d’origine. On choisit une personne plutôt que sa profession. Ainsi, un ingénieur venant du domaine de l’aérospatiale est devenu programmeur chez MF, puis scénographe et enfin directeur artistique. Par ailleurs, la diversité chez MF n’est pas seulement multidisciplinaire, mais elle est aussi multiculturelle. De plus, depuis sa fondation, l'entreprise maintient la parité hommes-femmes.
Pour créer un contexte favorable à l’innovation, la recherche-développement (R-D) est un programme plutôt qu’un département, intégrée à même les projets pour des clients ou les projets internes de MF, restant ainsi toujours proche des besoins.
MF a deux programmes d’expérimentation pour soutenir la création : un studio d’expérimentation où les employés peuvent essayer de nouvelles idées, et un atelier de mise à l’essai de technologies et de concepts en développement qui se tient deux fois par année, pour obtenir la réaction de personnes venant de l’extérieur de MF. Au terme de ces ateliers, environ la moitié des nouveautés mises à l’essai seront abandonnées, permettant ainsi de concentrer les ressources sur les projets les plus porteurs.
Les professeurs panélistes ont répondu aux questions de l’animateur, Jean-Sébastien Dubé, coordonnateur à la veille et à la gestion des connaissances au Service de soutien à la formation. Dominic Audet les a rejoints pour la période de questions du public. Voici un aperçu des sujets abordés (propos légèrement reformulés pour la clarté du texte).
Tous les invités s’entendent pour dire qu’il faut dédramatiser l’échec, et que pour ce faire, il faut se mouiller et parler de ses propres ratés, qui font partie de la démarche créative.
Tous les invités affirment qu’il y a plusieurs définitions de la créativité et de l’innovation, et que leurs frontières sont parfois floues. Mais ils s’entendent pour dire que si la créativité peut rester au niveau des idées, l’innovation désigne quelque chose de réalisé. Ils sont aussi d’avis que pour être innovante, la création doit avoir été mise en œuvre, être pertinente et utile, et avoir un impact.
Le professeur Patrik Doucet a invité les panélistes à rêver à des façons de concilier le besoin de diversité de points de vue dans les problèmes demandant des solutions créatives, avec la réalité disciplinaire des universités.
Pour sa part, Dominic Audet est très satisfait des jeunes diplômés qu’il embauche. Selon lui, les jeunes diplômés sont des employés très créatifs, parce qu’ils n’ont pas encore pris le moule d’une profession ou de certaines façons de faire. Chez MF, on les jumelle à des mentors, mais on prend soin d’entretenir cette créativité, car il s’agit de la préserver et non de la faire naître.