Sommets Vol. XVII No 2 - Printemps-été 2004


Lucien Vachon, l'aumônier fondateur

par Catherine Labrecque

Vous savez, le taux de suicide chez les filles a augmenté quand j'ai été ordonné prêtre en 1951!” annonce Lucien Vachon sans la moindre culpabilité. Il tend sa photo de l'époque en guise de justification, puis offre des yeux moqueurs et un demi-sourire narquois. Cette photo évoque l'époque où Lucien Vachon commençait une carrière dans laquelle il s'est révélé être plusieurs fois l'homme de la situation, en mesure de répondre à plusieurs questions éclectiques. «Que pensez-vous de mon choix d'amoureux? Trouvez-vous que mon enfant passe trop de temps dans ses amours? Accorderiez-vous le prêt de 500 $ à tel étudiant? Comment redresser la Faculté de théologie?”

 


Lucien Vachon
Retraité
(1956 à 1994)

Faculté de théologie, d'éthique et de philosophie

 

Engagé en 1955 comme aumônier général des étudiants, Lucien Vachon quittera ses fonctions cinq ans plus tard, après avoir vécu ce qu'il dit faire partie des plus belles années de sa carrière universitaire. Il aura été complice des étudiants, entendu maintes confidences concernant des histoires d'amour, partagé des questionnements sur l'avenir et marié plusieurs couples d'étudiants dans leurs villes et villages. Ce contact lui aura permis de se rapprocher de cette génération devant laquelle il dit être toujours en adoration.

Messe à 3 h

Les tâches d'aumônier de Lucien Vachon incluaient des cours de déontologie professionnelle. «Je tentais de montrer aux étudiants les principes d'éthique auxquels chaque profession doit se conformer. Je faisais la navette entre les facultés e commerce, de droit, de sciences et l'École normale. L'archevêque Georges Cabana m'a permis d'avoir une automobile, ce qui était exceptionnel à cette époque où le défendu l'emportait sur le permis. Mon salaire de 30 $ par mois protégeait, sinon la foi, du moins les mœurs. Situé au Séminaire Saint-Charles-Borromée, mon bureau était ouvert jour et nuit pour les étudiants. La nuit, ils y préparaient leurs mauvais coups! Ils y ont entre autres mijoté leur projet d'arracher la pancarte sur la façade du Petit Séminaire, ce qu'ils ont fait, avant de la jeter dans la rivière Magog.»

Dans les années 1960, le campus a possédé successivement trois chapelles situées à la Faculté des sciences, au pavillon J-S-Bourque et à la Maison des étudiants. L'aumônier n'avait pas la permission d'effectuer des mariages sur le campus. Par contre, plusieurs messes s'y sont tenues. «Après le bal donné en l'honneur de la nouvelle reine de l'Université, il m'arrivait, à la demande des étudiants, d'animer une messe, devant des étudiants en tenue de soirée!» L'archevêque Cabana étant assez strict, il voulait que des photos soient prises lors de ces soirées dansantes. «Il remettait ces photos au recteur Pinard, qui me demandait, sans aucune conviction, d'identifier les étudiants sur la piste de danse. Même si je les connaissais presque tous, je ne reconnaissais personne sur les photos!»

Première cohorte

Après cinq années en tant qu'aumônier complice des étudiants, Lucien Vachon s'est consacré à la fondation de la Faculté canonique de théologie. «Dans le contexte de l'époque, ce projet de fondation relevait de l'utopie. En effet, Sherbrooke possédait un faible bassin de population, les églises se vidaient tranquillement et les étudiants clercs étaient gardés bien au chaud dans leurs grands séminaires.» Tout de même, en 1964-1965, Lucien Vachon a fait le tour du Québec dans une séance de recrutement intensif pour remplir les classes.

Sa technique de recrutement semblait bien fonctionner. Il la dévoile, mi-blagueur, mi-sérieux : «J'étais bon vendeur! En arrivant dans une communauté religieuse, je m'adressais à la responsable mère générale. Je lui disais que je fondais la Faculté de théologie de l'Université de Sherbrooke et que cette faculté allait devenir rapidement la meilleure. Après un silence, je reprenais la parole : est-ce que je vous ai dit que la Faculté allait devenir rapidement la meilleure? Je revenais toujours à cet élément. Une faculté neuve, c'est toujours attirant! Je demandais à la responsable si elle pensait à quelques religieuses potentiellement intéressées. Si oui, je les rencontrais pour leur répéter ma salade. Ça a fonctionné! À mon grand bonheur, j'ai recruté 27 étudiants.»

Lucien Vachon a été à la tête de cette faculté de 1964 à 1977, puis de celle d'éducation de 1979 à 1981. «En 1985, alors qu'une fermeture guettait la Faculté de théologie, j'y suis retourné pour deux mandats consécutifs. Dans ma carrière, cela totalise sept mandats de doyen, répartis sur 23 ans.»

 


 


Louise Mélançon
Sciences religieuses
1968, 1970

Professeure retraitée, Faculté d'éducation

 

Recrutement

«En 1966, Lucien Vachon m'a recrutée, alors que j'étais chez les sœurs de la Présen-tation de Marie, à Sherbrooke. Au moment où il a fait sa séance de recrutement, cela faisait plusieurs années que je voulais étudier en théologie. La religieuse responsable m'avait suggéré d'aller en psychologie, mais je préférais la théologie. Après un an d'études à l'Université, j'ai quitté le couvent. J'ai terminé les cours en avril 1970. Lucien Vachon m'a téléphoné en juillet suivant pour m'offrir un emploi et je devenais professeure à l'Université à la session d'été!»


Alyne Beaudoin
Sciences religieuses 1968, 1969
Professeure retraitée

Pince-sans-rire

«Pour venir étudier à Sherbrooke, j'ai quitté Gagnonville où j'étais servante du Saint-Cœur de Marie. J'étais contente de pouvoir étudier en théologie pour le volet réflexion. Je n'ai jamais regretté mon choix! En tant qu'ancienne étudiante de Lucien Vachon, je garde le souvenir d'un homme à la fois pince-sans-rire et très sérieux, qui a le don d'arriver à ses fins sans trop que cela paraisse. Sa présence active et le choix qu'il a fait des professeurs m'ont valu non seulement un enrichissement intellectuel, mais aussi une meilleure connaissance personnelle.»

 

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