Sommets Vol. XVII No 1 - Hiver 2004

 

Qui a eu cette idée folle?

par Catherine Labrecque

Qui a eu cette idée folle, un jour, d'inventer l'Université du troisième âge? À Sherbrooke, cette brillante initiative revient à Roger Bernier, en 1976. Les aînés ont depuis prouvé qu'apprendre n'a pas d'âge. Et que si certaines personnes ont la bosse des mathématiques, de la musique ou des affaires, d'autres ont la bosse d'apprendre. Cette disposition naturelle les motive à apprendre un peu, beaucoup, passionnément. Pas étonnant de les trouver en grand nombre dans les classes de l'Université de Sherbrooke!

 

Jean-Louis Levesque
Président de l'Association internationale des universités du troisième âge
Surnommées les universités du plaisir ou de la dernière chance, les universités du troisième âge (UTA) permettent aux seniors de donner une place privilégiée au savoir dans leur vie. À la fois étudiant et professeur à l'Université du troisième âge de Sherbrooke, Jean-Louis Levesque compare les cours à une fête. Imaginez inscrites à votre horaire des activités pédagogiques comme Appréciation de la musique et Lecture savoureuse et capricieuse de l'Ancien Testament! «Les cours donnent lieu à un étonnement et à une joie profonde d'apprendre, dans une ambiance des plus amicales», confirme l'homme de 68 ans dont les diverses formations s'échelonnent sur 40 ans. Des connaissances, les seniors en mangent! Tellement qu'à l'automne 2003 ils étaient un nombre record inscrit à l'ensemble des 24 antennes de l'UTA de l'Université de Sherbrooke. Environ 800 étudiants et surtout étudiantes, âgés entre 50 et 90 ans. Si l'on n'apprend pas à un vieux singe à faire des grimaces, qu'apprend-on à ceux qui ont déjà l'expérience des années? «On leur apprend ce qu'ils souhaitent, puisque le modèle d'enseignement de l'UTA de Sherbrooke préconise une approche basée sur le développement de l'autonomie. Les étudiants proposent les cours et administrent en partie l'UTA», explique le spécialiste en andragogie.

Le retour des nerds

Les seniors qui fréquentent les universités, est-ce les nerds des années 1950? Jean-Louis Levesque dresse un portrait des étudiantes et étudiants. «Nous assistons présentement à la fin de la vague de l'université de la dernière chance. Elle englobe les étudiants qui osent fréquenter l'Université pour la première fois. Ils y développent un jugement intellectuel et apprennent à utiliser des services pédagogiques, la bibliothèque par exemple. La deuxième vague se caractérise, principalement chez les dames, par des personnes qui ont fréquenté des grands rendez-vous de la culture et qui souhaitent continuer d'apprendre. La baisse de l'âge de la retraite amène également dans les classes des femmes et des hommes habitués au travail efficace. Beaucoup d'entre eux souhaiteraient que les cours redeviennent crédités, que leur investissement soit reconnu et leur scolarité, payée», constate celui qui a été responsable, entre 1996 et 1999, de l'UTA de Sherbrooke, après avoir occupé le poste de directeur adjoint de la direction générale de l'éducation des adultes et celui de secrétaire général de l'Université. À la Faculté d'éducation, les motivations des étudiants de l'UTA diffèrent de celles d'étudiants de 20 ans. «Pour nous, la période de professionnalisation est passée. La formation est liée au souhait d'être des citoyens actifs, de prendre le pouvoir sur notre vie. Les seniors veulent agir dans la citoyenneté pour, entre autres, apporter leur vision, changer la façon de faire la politique et relativiser la course à la productivité.» 

Savants malgré eux

À 30, 40 ou 50 ans, médecin, avocat ou ministre, personne ne peut prétendre se mesurer à une personne dont les yeux témoignent de l'expérience de toute une vie. Indubitablement, les seniors possèdent des connaissances uniques. Certaines concernent les phénomènes de la séniorité. «Les jeunes peuvent réaliser des études démographiques, mais l'art de poser les bonnes questions et d'interpréter les résultats demeure entre les mains des seniors. Même si souvent les aînés ne se croient pas assez savants pour cela, ils sont des producteurs de connaissances. Par exemple, une Anglaise de 82 ans a créé le premier modèle d'enquête sur les personnes de 80 ans et plus», raconte fièrement l'homme à la chevelure davantage sel que poivre.

Parler du vieillissement de la population à Jean-Louis Levesque, c'est le voir réjoui de l'allongement de la durée de vie et des conditions respectables dans lesquelles il s'effectue. C'est aussi le voir fier du groupe d'âge auquel il appartient : «La majorité des aînés conduisent leur voiture, habitent dans leur résidence et sont de plus en plus capables d'utiliser l'ordinateur.» Avec eux, Jean-Louis Levesque rêve d'une fraternité, d'une vigie mondiale des aînés. «Pas une fraternité économique, mais une fraternité qui repose sur la possibilité réelle de communiquer presque instantanément entre les aînés. Je travaille pour que les aînés colorent la société de leurs valeurs, qu'ils influencent la prise de décisions politiques, qu'ils relancent l'idée de la famille, des enfants.»

Avec une telle philosophie, ce n'est pas un hasard si Jean-Louis Levesque a été élu président de l'Association internationale des universités du troisième âge, qui regroupe des associations d'UTA et des UTA de 36 pays. «L'Association est un lieu d'échange entre les étudiants du monde et se donne le mandat d'offrir les outils pour favoriser cet échange. Mon rôle est notamment de favoriser la production de connaissances pour l'ensemble des membres. Par exemple, à Sherbrooke, un cahier a été publié à la suite d'un séminaire sur les conditions de vie des aînés. Il inclut une réflexion sur une dizaine de thèmes, comme la spiritualité, les accidents de santé et la sexualité. Ce document est accessible à toutes les antennes de l'UTA de Sherbrooke.»

 

Vox pop

Avez-vous peur de vieillir?

Pas du tout. J'ai beaucoup de questions, mais pas de peur. Qu'est-ce que mourir? Est-ce que mourir ressemble à naître dans le sens où l'on n'a plus de souvenirs de ce qui s'est passé avant? Ce n'est pas si terrible de naître!

J.-L. Levesque

 

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