Physique du solide : quand les électrons se mobilisent

par Geneviève Gouin

Arrivé d'un congrès la veille, prêt à repartir le lendemain, André-Marie Tremblay semble détendu. D'une voix calme et apaisante, le physicien, chevelure et barbe blanches, discute avec simplicité d'un sujet pourtant fort complexe : la physique du solide. Par chance, ce chercheur de l'Université de Sherbrooke connaît aussi les secrets pour rendre cette matière accessible!

 


André-Marie Tremblay
Physicien

André-Marie Tremblay est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en physique de la matière condensée. Il a reçu, en juin 2001, le prix du Centre de recherches mathématiques et de l'Association des physiciens pour ses travaux en physique théorique et mathématique.

Une science qui bouge

La physique du solide étudie la matière condensée. "Lorsque les atomes se mettent ensemble pour faire un matériau solide, ils forment un réseau, explique André-Marie Tremblay, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en physique de la matière condensée. Certaines propriétés, dites collectives, sont propres à l'assemblage d'atomes et donc très différentes des propriétés de chaque atome pris individuellement."

La physique du solide voit le jour vers 1930, peu après la découverte de la mécanique quantique, dont les lois régissent le comportement de la matière à l'échelle atomique. Depuis ce temps, les physiciens, comme André-Marie Tremblay, tentent de comprendre les propriétés des solides à partir des lois de base. Par exemple, les propriétés d'un matériau changent quand on y introduit des impuretés. On en fait un matériau "dopé". "Si on ajoute du bore ou de l'arsenic au silicium, celui-ci devient très bon conducteur. Ainsi, le transistor, construit à partir de silicium dopé, permet d'amplifier ou de diminuer le courant électrique", affirme le physicien.

Plusieurs sous-domaines dérivent de la physique du solide, notamment la supraconductivité et la nanoélectronique. La supraconductivité représente une propriété des matériaux qui, à basses températures (de –273 oC à –173 oC ou de 0 K à 100 K), perdent toute résistance électrique, le courant y circulant sans obstacle. La nanoélectronique, une branche des nanosciences, constitue quant à elle la frontière de l'électronique moderne. Dans ce domaine multidisciplinaire de pointe faisant intervenir des chercheurs de plusieurs facultés, l'Université de Sherbrooke est bien représentée. Les physiciens y étudient des matériaux solides de la taille des nanomètres, un nanomètre équivalant à la largeur de 10 atomes (10-9 m). "À cette échelle-là, il existe beaucoup de phénomènes nouveaux", dit André-Marie Tremblay.

Utile, la physique du solide

Plusieurs champs d'application profitent de la physique du solide. D'abord, "toute l'électronique moderne repose sur la physique de la matière condensée, puisqu'elle utilise le transistor comme dispositif de base, explique le physicien. Le fait que l'on puisse modifier les propriétés électriques du silicium en introduisant quelques impuretés dans de toutes petites régions permet de placer une énorme quantité de transistors dans des espaces restreints".

Puis, l'imagerie médicale utilise des aimants supraconducteurs pour faire de la résonance magnétique. Grâce à ce procédé, il est possible d'obtenir l'image d'une région anatomique ou d'un organe, fournissant des informations chimiques et biochimiques. Parmi les différentes méthodes d'imagerie médicale, on trouve l'échographie, l'endoscopie, la spectroscopie, la radiographie et la radioscopie.

Sans oublier les lasers à l'état solide dans les cédéroms et les scanners (numériseurs optiques qui lisent les prix dans les supermarchés). "On contrôle tellement bien les propriétés des matériaux qu'on réussit à en faire des instruments utiles", admet André-Marie Tremblay.

Un centre de recherche notoire

À l'Université de Sherbrooke, le Centre de recherche sur les propriétés électroniques de matériaux avancés oriente plusieurs de ses recherches sur la physique du solide. Il a récemment élargi ses secteurs de recherche et deviendra bientôt le Centre québécois sur les matériaux quantiques (CQMQ). Son objectif consiste à favoriser la recherche et la formation de chercheurs dans le champ d'activité interdisciplinaire des études de matériaux avancés, en tissant des liens entre ses membres et en partageant l'infrastructure. À preuve : les chercheurs et leurs étudiants des cycles supérieurs proviennent des facultés des sciences, de génie et de médecine.

Grâce à cet arsenal, le CQMQ se classera parmi les meilleurs centres de recherche en matériaux électroniques avancés au Canada et même au monde.

Et ce qui vient…

L'avenir semble des plus prometteurs pour la physique du solide et ses nombreuses applications. Toutefois, il en reste beaucoup à découvrir. "Ça avance, mais d'un point de vue théorique, plusieurs problèmes, ou plutôt défis, persistent", affirme André-Marie Tremblay. Selon lui, l'effet des interactions entre les électrons pourrait livrer encore bien des secrets. En ce qui concerne les nanostructures, "il faut arriver à comprendre des phénomènes qui se manifestent lorsque les systèmes sont suffisamment petits", conclut le physicien.

À croire que la physique du solide est une histoire sans fin!

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