Mathieu Lippé nous raconte des histoires

par Sylvie Couture

Mathieu Lippé est un conteur. Il passe son temps à nous raconter des histoires... Des vertes et des pas mûres, "comme qu'on dirait". Des histoires inventées, adaptées ou traditionnelles, des vraies ou des fausses, peu importe. Les sceptiques seront confondus.


Il était une fois Mathieu Lippé... Un vrai personnage de conte, en chair et en os. Quand le jeune Lippé prit conscience de sa condition humaine, il voulut s'élever au-dessus du train-train quotidien et colorer son univers. C'est alors qu'il se mit à raconter des histoires, toutes sortes d'histoires. Et la magie opéra. Aujourd'hui, tous ceux qui le connaissent savent bien qu'il est de rêves et d'émotions.

 


Mathieu Lippé
Conteur
Études françaises 2000

 

Quand on lui demande quelle est la qualité essentielle pour devenir un bon conteur, Mathieu Lippé se tourne vers l'horizon et semble le scruter. En fait, il tend l'oreille pour saisir sa propre réponse : "Selon moi, la plus grande qualité d'un conteur est de savoir écouter!"

Mathieu Lippé écoute les gens et les oiseaux, le vent et même les arbres : "Ils ont tant à nous raconter!" Le jeune conteur aussi! Il faut le voir gesticuler, balancer ses longues branches et attirer notre attention dans un claquement de feuilles. Il faut aussi l'entendre élever la voix dans la tourmente, pour ensuite souffler un secret qui donne des frissons dans le dos. Il sait capter son auditoire. Même en entrevue!

Les bons contes font les bons...

Qu'est-ce qui fait qu'un conte est bon? "Je n'ai pas vraiment étudié la théorie de la chooose, blague-t-il sérieusement, mais j'ai écouté beaucoup de contes. Chaque fois, je me demande qu'est-ce qui fait qu'on embarque, qu'est-ce qui fait qu'on n'embarque pas." "Hum...", fait-il dans un silence stratégique qu'il reprend dans ses mots : "Pourquoi on l'écoute, son histoire? On le sait qu'il va la sauver, la princesse!"

Difficile à suivre, Mathieu Lippé. Dans la jeune vingtaine, il s'exprime à demi-mot, saute d'un sujet à l'autre, colore chacune de ses émotions. Toujours dans la peau du conteur, il se raconte : "Pour moi, un conte, c'est comme un fil qu'on déroule. Ça peut commencer le matin, se poursuivre l'après-midi et se terminer le soir... Dans le conte traditionnel, comme on l'observe depuis la nuit des temps, il y a un état initial, un héros dans une situation donnée, un événement ou une transgression, puis un dénouement. Et une fin heureuse, espérons-le!"

Et puis quoi encore! Pourquoi je l'écouterais, moi, ton histoire? "Le conte prend naissance dans la bouche. C'est là que la magie se fait", confie-t-il, comme un trésor. "Parfois, on lit une histoire, et on la trouve plate. Il faut se l'approprier, car, pour pouvoir dire une histoire, il faut être capable de la voir. C'est comme si plein de choses se passaient bien au-delà de l'histoire", raconte-t-il avec ses bras.

Parole de conteur

Vraiment? Parole de conteur! répond-il avec ses yeux. "La parole est l'instrument principal du conteur, poursuit-il avec cet instrument. C'est un art de savoir manier la parole! Parfois, on la traite comme de la porcelaine, avec un vocabulaire riche et des tournures bien ficelées. D'autres fois, elle est plus écorchée, pour mieux faire passer l'histoire."

Dans le vif du sujet, le jeune conteur se laisse prendre au jeu et commence à se dévoiler. "Il m'arrive souvent de ne pas écrire mon conte. Je préfère le conter; le conter de nouveau, l'ajuster, le reconter encore et encore. Je demande à des amis ce qu'ils en pensent, je change des expressions, j'ajoute des personnages, je modifie le rythme avec des répétitions et je peaufine la conclusion."

Et il en rajoute, afin que ses mots deviennent des images. "Un conte, c'est une équation. D'abord, il y a un poteau de téléphone. Il prend conscience qu'il est un poteau et il commence à s'ennuyer; il s'en va dans la forêt, apprend comment devenir un arbre et réussit à se transformer... Vous ne me croyez pas? Allez voir dans la forêt; il n'y en a pas de poteaux de téléphone!"

D'autres cordes à son...

Y a pas à dire, Mathieu Lippé maîtrise bien son instrument! Mais il a aussi d'autres cordes à son banjo... Il a obtenu, en 2000, un baccalauréat en lettres et sciences humaines, lequel inclut une majeure en études françaises et une mineure en culture musicale. La musique fait partie de sa vie, et c'est un peu elle qui l'a amené sur scène. "Tout jeune, je faisais déjà des mini-spectacles : claquettes, chant, guitare, banjo. Pendant ces spectacles, je me trouvais à parler beaucoup, à raconter des histoires. Je pétais de la broue, quoi!"

Même s'il a aussi touché à la poésie et au théâtre, c'est avec le conte qu'il veut continuer à faire de la scène et à raconter des histoires. Il a compris cela en écoutant la conteuse Michèle Rousseau : "C'est une femme d'une grande sagesse. Elle nous a raconté deux contes amérindiens, et c'est là que j'ai senti toute la force du conte, lorsqu'une personne nous transmet directement quelque chose de précieux", relate-t-il, avant de conclure, gestes à l'appui : "Ces contes-là, je les ai mis dans ma poche!"

Aujourd'hui, il marie la parole à la musique. "La musique vient ajouter des émotions et renforce l'effet théâtral du conte." Avec d'autres musiciens, il prépare entre autres un spectacle Contes et jazz, qui sera présenté à Québec et à Montréal dans le cadre des Espaces émergents. On le retrouve aussi dans les écoles et les centres d'accueil, dans les bistrots et les petites salles de la région sherbrookoise. Il veut s'adresser à tous les publics.

Son expérience de la scène lui permet aussi de mettre à profit son pouvoir de séduction : "Pour moi, le goût de séduire est un moteur, mais je ne veux pas en rester là. J'essaie de teinter mes contes, de déposer à l'intérieur de l'espérance, un mode de vie, un éveil. Je veux être le médium de quelque chose qui me dépasse." Puis, il traduit ses mots en images : "C'est comme une soupe. On retient d'abord le goût, mais il ne faut pas oublier les valeurs nutritives!"

L'histoire de Mathieu Lippé

Quel drôle de personnage! Son histoire s'écrit au quotidien, traverse le temps et l'espace, comme un conte urbain. Peut-être que Mathieu Lippé n'existe pas? Peut-être qu'il n'existe que dans son histoire? Pour le faire vivre, il suffit de s'approprier cette histoire, de la faire sienne et de la raconter à qui veut bien l'entendre. Et que les sceptiques soient confondus!

 

Vox pop

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L'arbre. Vivant, il nous parle du soleil, de l'air et de la terre. Transformé en papier, il continue à nous conter des histoires. Comme dans Sommets!

M. Lippé

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