La double vie de Louise Simard

par Sylvie Couture

"Un petit sourire, s'il vous plaît." La demande du photographe est aussitôt satisfaite par un grand sourire sincère, rempli de joie de vivre et de bien-être. Louise Simard ne fait rien à moitié. Si bien que, pour tout faire, elle mène une double vie.


Louise Simard a obtenu une maîtrise et un doctorat en études françaises de l'Université de Sherbrooke. Auteure d'une douzaine de romans, elle est entre autres lauréate du Grand Prix littéraire Archambault 2001 pour son roman Thana, La fille-rivière, d'une mention au Grand Prix littéraire de la ville de Sherbrooke pour La route de Parramatta, du prix France-Québec/Jean-Hamelin pour Le médaillon dérobé et du prix Alfred-Desrochers 1995 pour Laure Conan, la romancière aux rubans.

 

 

 


Thana,
Les vents de Grand'Anse

Louise Simard
Éditions Libre Expression, 2002, 402 pages.

Louise Simard vient de lancer son tout nouveau roman, le tome 2 de l'épopée de Thana, qui nous transporte jusqu'en Martinique, en 1734, là où la jeune Amérindienne poursuit sa quête de la liberté.

 

 

Louise Simard, l'historienne; Louise Simard, la romancière. Une même personne, une même passion. Curieuse, elle farfouille, explore, scrute, traque l'histoire à la recherche de faits marquants ou de détails subtils qui corroborent une information ou, simplement, une intuition. Créative, elle invente des personnages, suscite des intrigues, partage des émotions, imagine des situations qui mettent en lumière de sombres passages de notre histoire. À la fusion de ses deux vies, Louise Simard vibre à raconter l'histoire avec un regard sans cesse renouvelé. Elle écrit donc des romans historiques.

Lauréate de nombreux prix littéraires, Louise Simard aime découvrir et faire découvrir : "Je prends un malin plaisir à faire découvrir des pages d'histoire que le temps s'est empressé d'oublier. Au bonheur de mes propres découvertes s'ajoute celui de raconter une histoire à travers les yeux de différents personnages. Et ce qui est merveilleux dans un roman, c'est que chaque lecteur va à son tour les découvrir à sa manière."

Pour raconter son histoire

Bien serrés les uns contre les autres, sapins, cèdres et épinettes laissent à peine se faufiler le petit chemin tortueux qui mène à la vieille maison de pierre. Il fallait s'y attendre : l'auteure de l'épopée de la jeune Amérindienne Thana, l'héroïne de ses deux plus récents romans, a choisi les arbres pour la guider dans son écriture. "Je dois absolument voir des arbres pendant que j'écris", confie-t-elle du haut d'une des nombreuses collines boisées de Stoke.

Elle s'installe face à la fenêtre, entourée d'objets appartenant à ses personnages et de photographies d'endroits où l'action se déroule. Facilement accessibles et bien rangés, des livres, des fiches et des albums viennent compléter le tableau. Dans un cahier à spirale, armée d'une plume à l'encre noire, Louise Simard est prête à nous raconter une histoire.

Mais avant... "Avant, je fais des recherches historiques sur les données factuelles et des recherches ethnographiques sur les croyances et coutumes de l'époque. Je fais d'abord ces recherches en entonnoir, c'est-à-dire que j'en prends très, très large", insiste-t-elle en riant. Dans la plus pure tradition de l'art, elle identifie les faits de façon très structurée, produit des séries de fiches de différentes couleurs selon des thèmes précis, établit des liens historiques qu'elle transpose ensuite sur des tableaux pour situer l'action dans le temps et l'espace.

Puis, quand tout est en place, elle se rend sur les lieux. "Il faut que je voie. Mon roman est beaucoup plus riche quand je m'imprègne de l'atmosphère des lieux. En fait, je vais me constituer une banque d'images, car je ne pourrais pas écrire si l'action ne se déroulait pas dans ma tête. En montant moi-même en haut de la montagne, je vois ce que mon personnage voit. Je peux même le ressentir."

Vrai ou faux? Vraisemblable!

Le travail de la romancière est déjà commencé. Après avoir cerné le contexte, elle doit maintenant incarner l'histoire. "On ne peut pas raconter une histoire à travers les yeux d'un peuple; ça c'est le décor, l'odeur, la couleur. Pour vraiment raconter une histoire, il faut la voir à travers les yeux d'un individu, la vivre dans son corps, ses sens, ses pleurs et ses misères."

Oui mais... est-ce que c'est vrai? "La portion histoire est faite avec rigueur. Toute la structure factuelle est là quand je commence à écrire la fiction; on ne peut rien y changer. Ce qui concerne le groupe est vrai, mais ce qui concerne l'individu, je l'invente. Ce n'est cependant pas de la fantaisie, puisque c'est inspiré de faits historiques incontournables. Ce n'est ni vrai ni faux. C'est vraisemblable!"

Pour Louise Simard, un roman historique est réussi quand les gens ne peuvent pas faire la différence entre ce qui est vrai ou ce qui ne l'est pas. "La portion fiction s'est d'ailleurs probablement passée comme je l'écris. J'appelle ça de l'imagination objective!"

Après avoir créé son personnage, la romancière fait comme si elle le promenait dans un décor factuel et lui demandait comment il vit telle ou telle situation. Dans le cours de l'écriture, le personnage commence à vivre par lui-même. "Au début, je l'imagine d'une certaine façon. Puis, à force de travailler avec lui, il me surprend. Il fait des choses que je n'aurais jamais cru qu'il ferait. Il prend une personnalité propre et c'est moi qui dois le suivre. Ce n'est plus l'auteure qui mène, c'est le personnage."

La quête, les épreuves, le destin

Et le personnage nous mène d'aventure en aventure selon un schéma traditionnel. "Le fil conducteur, c'est la quête, souligne la romancière. Puis, il y a les épreuves pour y arriver, les gens qui vont aider et ceux qui vont nuire. Ça se résume à ça, comme dans les vieux schémas que nous étudions depuis cent ans. Mais dans cette quête, je fais en sorte que le destin du personnage soit lié à un destin collectif. En fait, je reconstitue une société à travers un personnage."

Selon Louise Simard, le rôle du romancier est d'évoquer : "À partir de petits détails, j'évoque ce qu'était la vie. Ces détails vont m'aider à toujours rappeler aux lecteurs comment les gens vivaient à cette époque. C'est avec ces détails qu'on donne une couleur au roman."

La quête de Louise Simard nous mène de roman en roman : "Ce qui est fascinant dans l'écriture, c'est que tu dois toujours faire des choix. D'abord le sujet. Je pourrais commencer quinze romans tellement il y a de sujets qui m'intéressent. Mais lequel m'intéresse assez pour que je passe deux ans avec lui?" Elle consacre en effet près de deux ans à chacun de ses romans : six mois de recherche, un an d'écriture et six mois de réécriture et de mise en marché. Elle dit avoir la chance d'être bien entourée et d'avoir établi une relation de confiance avec son éditeur.

Pour écrire, elle laisse couler ses émotions sur le papier. Elle les adapte et les transpose pour atteindre ses lecteurs, bien sûr, mais plus encore. "Ce qui est important dans un livre, ce n'est pas vraiment ce que l'auteur y met, mais bien ce que le lecteur y trouve quand il se l'approprie", conclut-elle avant que sa curiosité ne refasse surface : "Et j'adore savoir ce qu'ils en ont fait!"

 

Vox pop

Qui est votre conteur préféré?

Vétérinaire de zoo, ma fille raconte avec tant d'enthousiasme sa relation avec Oliver, l'orang-outan, ou les malheurs d'un canard attaqué par une buse, qu'on a soudain follement envie d'aimer la vie.

L. Simard

UTILISEZ LES FLÈCHES DE NAVIGATION

OU FERMEZ CETTE FENÊTRE POUR
RETROUVER LE SOMMAIRE