Sherbrooke 2002


Entrez dans l'histoire


par Sylvie Couture

La ville de Sherbrooke célèbre cette année son bicentenaire; 200 ans d'histoire remplie d'émotions, de labeur et d'ingéniosité. Cette histoire ne peut prendre tout son sens que dans les gens qui ont bâti cette ville, à coups de cœur et de pioche, avec espoir et persévérance. Grâce à la magie du théâtre, quelques pionniers et personnages historiques reviennent chaque année raconter leur expérience dans le cadre du tour patrimonial Traces et souvenances. Ils ont accepté de nous dire comment ils imaginent Sherbrooke en 2002.


Mary O'Malley
Alias Julie Normand
Études françaises 1986

 


Gilbert Hyatt
Alias Jacques Quintin

 


Géraldine Mollins
Alias Lysanne Gallant

 


Andrew Paton
Alias Marcel Lieutenant

Le corps bien droit, aucun faux pli dans ses atours, Mary O'Malley est l'image même de la fierté et de la détermination. Ses yeux perçants en témoignent. Ses paroles aussi : "Sherbrooke sera une grande ville, affirme-t-elle sans ambages. Et ce sera grâce à mon patron!" Grâce à qui? "À mon patron, Alexander Galt! C'est lui qui nous a amené le chemin de fer, en 1852. Depuis, je vous dis que ça bouge à Sherbrooke... grâce à mon patron."

Mon patron par-ci, mon patron par-là, la jeune Irlandaise n'en a que pour son patron. Il faut dire qu'Alexander Galt a fait beaucoup pour Sherbrooke et pour le Canada. Homme politique influent, père de la Confédération, il a été député de Sherbrooke pendant 23 ans et a mis tout en œuvre pour assurer le développement de sa ville. "Monsieur Galt nous a ouvert une fenêtre sur l'avenir", renchérit Mary, avec admiration et gratitude.

"Hum hum." Un homme d'un naturel discret semble s'impatienter depuis déjà quelques instants, tout au plus quelques siècles. Dès qu'il prend la parole, on sent toute la force et le charisme qui ont soutenu son action. Et quel accent! "Il ne faut pas oublier que ce sont des Américaiiiins qui ont fondé cette ville", soutient-il en bombant le torse. Gilbert Hyatt est l'un des nombreux loyalistes, restés fidèles à la couronne d'Angleterre, qui se sont exilés vers le nord après la guerre de l'Indépendance américaine.

Ces gens fiers et éduqués ont tout de suite pris conscience du potentiel de nos cours d'eau et ont à jamais façonné l'image des Townships. En 1802, le hameau de Hyatt's Mill s'élevait au confluent des rivières Magog et Saint-François. Il ne comptait qu'une cinquantaine d'habitants, mais il avait déjà deux moulins. "Nous avons ouvert les chemins avec nos mains et nos hhhhaches, précise Hyatt. Et nous avons construit des moulins pour transformer les matières premières et ainsi assurer notre autonomie."

"Quels chemins?" lance Géraldine Mollins avec une pointe d'ironie qui accentue son franc-parler canadien-français. "Encore des promesses!" Femme d'un colon irlandais, Géraldine se préoccupe davantage de son présent que de Sherbrooke en 2002. "Tu parles d'une question! Du fond de mon rang avec ma marmaille, j'ai ben de la misère à m'imaginer l'avenir; j'en ai déjà assez à faire avec le quotidien. Si au moins y faisaient des chemins comme y nous ont promis, le curé pourrait venir baptiser mon p'tit cinquième. Ben non! Y faut couper les arbres nous-mêmes, dessoucher, racler..." Et c'est parti!

Géraldine en a gros sur le cœur, comme bien des colons de l'époque qui devaient trimer dur, sans aide ni soutien. Elle finit quand même par exprimer quelques souhaits : "J'espère au moins qu'y vont être capables de faire pousser quelque chose dans ces terres-là, qu'y vont découvrir des médicaments pis soigner nos enfants. Pis aussi améliorer les routes... parce que c'est toute une expédition d'amener notre grain jusqu'au moulin", poursuit-elle encore, et ainsi de suite, comme une prière.

Profitant d'une pause dans ce chapelet de récriminations, un homme élégant prend la parole et surprend tout le monde : "Moi, si j'étais là en 2002, j'élèverais des moutons." Andrew Paton a de la suite dans les idées. Cet Écossais a fondé la plus grosse manufacture de tissus de laine au Canada, la Paton, comme on l'appelait. "Il faudrait bien sûr trouver des moyens pour faire de l'élevage à de meilleurs coûts afin de produire nous-mêmes nos matières premières", ajoute celui qui n'a pas connu les fibres synthétiques. Puis il enchaîne aussitôt : "Mais il faudrait aussi diversifier nos industries. On a le train et de bons travailleurs. Avec l'éducation, les sciences et les nouvelles technologies, comme vous dites, Sherbrooke deviendra un carrefour social et économique."

Andrew Paton ne manque pas de projets, mais il a aussi des inquiétudes. "J'espère que les générations futures vont protéger nos arbres et nos rivières, pour que ce soit propre et beau et que les gens puissent se promener dans les boisés et sur les berges."

Tout le monde en convient. Mary, émue, ne peut se retenir : "Parce que c'est tellement beau, ici!" Même Géraldine en rajoute : "Pis les gens vont se mettre ensemble pour faire des choses, faire un bee, s'entraider pour moins en arracher, parce que tout seul, on n'y arrive pas..." À travers le tumulte, Andrew Paton souligne l'importance "...de la musique, pour se détendre". "Et pour fêter, après la besogne!" ajoute Géraldine d'un air fripon. C'est finalement Gilbert Hyatt qui conclut : "De 1802 à 2002, c'est le même projet qui grandit… avec de nouvelles personnes. Tous les citoyens de Sherbrooke font partie de son histoire, même ceux de 2002. C'est à eux maiiiintenant d'entrer dans l'histoire."

Traces et souvenances

L'histoire se répète, année après année. Venez rencontrer ces personnages et bien d'autres dans le cadre du tour patrimonial de la grande région sherbrookoise. C'est en autobus que vous ferez ce voyage dans l'histoire! Traces et souvenances est une initiative de la troupe de théâtre L'Aire de jeu. Les textes sont de l'auteure sherbrookoise Anne Dansereau et la mise en scène, de Lysanne Gallant, qui assume également la coordination de l'activité. Renseignements : (819) 821-1919 ou 1 800 561-8331 ou lgallant@abacom.com.

S. Aoun

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