Nom : Fortier. Parle-t-on ici de la nouvelle héroïne de Fabienne Larouche? Non, plutôt d'un danseur montréalais qui cumule près de 25 années de métier. Après des débuts comme professeur de littérature au Cégep de Granby, Paul-André Fortier a vite délaissé cette profession pour devenir danseur au sein du la compagnie Nouvelle Aire. C'était le début des années 70. Tout était alors permis.

La belle audace de Paul-André Fortier

par Catherine Schlager

Avant de vouloir devenir danseur, Paul-André Fortier s'est d'abord intéressé aux arts ainsi qu'à la littérature en complétant un baccalauréat en arts ainsi qu'une première année de la licence en lettres, deux programmes offerts à l'Université de Sherbrooke. « Comme je suis né dans un petit village des Cantons-de-l'Est, Waterville, je n'avais pas beaucoup accès au monde de l'art, explique-t-il pour justifier son choix de programme. C'était la fin des années 60, une période assez chaude dans le domaine de la musique où il y avait plein de groupes rock bien intéressants comme les Beatles. C'est aussi un âge où l'on est un peu délinquant et où l'on réclame notre liberté. C'est là que j'ai commencé à penser, à manifester. J'en ai des souvenirs magnifiques. »

Paul-André Fortier n'a même pas encore complété sa licence en lettres qu'il est engagé par le Cégep de Granby comme professeur de littérature à mi-temps. C'est là qu'il fait la rencontre d'une collègue de travail qui lui parle de la compagnie Nouvelle Aire. « J'aimais bien enseigner parce que c'était en lien avec le monde. On me confiait même tous les cours de théâtre dispensés au cégep. Lorsque la compagnie Nouvelle Aire m'a offert un stage d'été, j'ai tout de suite accepté parce que j'étais curieux de voir ce qu'était la danse ».

Le danseur devenu chorégraphe

Pendant plus de sept ans, il danse pour la compagnie Nouvelle Aire et y côtoie la relève qui a pour nom Édouard Lock et Ginette Laurin. Danser, toujours danser. Mais un beau jour, le danseur cède le pas au chorégraphe. C'est désormais le temps de fonder sa propre compagnie de danse qui prendra d'abord le nom de Danse-Théâtre Paul-André Fortier et ensuite de Fortier-Danse-Création, nom qu'elle porte toujours d'ailleurs. « J'étais l'enfant terrible de la danse puisque j'ai brisé bien des tabous et pris énormément de risques. Mes chorégraphies étaient provocatrices et contestataires et mettaient en cause les travers humains. Je me disais que, si le roman ou le cinéma pouvaient nous poser des questions, la danse le pouvait aussi. »

Ses chorégraphies, qui abordent souvent les thèmes de la bêtise humaine et des rapports hommes-femmes, le tout fait avec un humour un peu grinçant, portent des noms tels que Parlez-moi du cul de mon enfance (1979), Violence (1980), Ça ne saigne jamais (1983) et Assis soient-ils (1984). En 1989, le danseur devenu chorégraphe tente l'aventure solo. Trois œuvres importantes ayant pour titre Les males heures (1989), La tentation de la transparence (1991) et Bras de plomb (1993) sont alors créées. Elles étaient présentées en rafale en janvier 2000 à l'Agora de la danse de Montréal par un Paul-André Fortier au meilleur de sa forme malgré ses 50 ans et des poussières.

Après plusieurs années de création solitaire, Paul-André Fortier renoue avec ses semblables et revient à son premier métier en enseignant la création chorégraphique à l'Université du Québec à Montréal pendant plus de dix ans. Des œuvres telles que La part des anges (1996) et Jeux de fous (1998), qu'il fait danser par trois de ses élèves, marquent cette période. Mais comme les journées ont seulement 24 heures et que les tournées à l'étranger se font de plus en plus nombreuses, Paul-André Fortier doit abandonner l'enseignement. Pour expliquer ce choix, le danseur soutient que son métier lui demande énormément de travail. « Je ne peux pas être un bon professeur si je ne suis pas avant tout un bon artiste. Je continue toutefois à faire de l'enseignement de façon ponctuelle parce que le rapport aux étudiants est pour moi extrêmement important. Cela me permet de questionner ma pratique », rapporte celui qui revenait tout juste d'enseigner aux étudiants de l'Université de Nice.

Paul-André Fortier a visiblement bien tiré son épingle du jeu puisque le milieu québécois de la danse n'est pas le domaine le plus lucratif qui soit. Le principal intéressé avoue humblement qu'il s'agit d'un métier difficile mais qu'il est tout de même possible d'y faire sa place. « Il est étonnant de constater à quel point peu de moyens ont été mis en place pour faire découvrir la danse aux Québécois alors que les danseurs du Québec ont une présence exceptionnelle et sont reconnus partout dans le monde. Peut-être qu'il s'agit d'un art mal connu du public? Pourtant, les Québécois aiment danser. Le rigodon n'est jamais bien loin. Il faudrait peut-être voir comment la danse peut nous interpeller. Des initiatives telles que La danse sur les routes du Québec sont nécessairement un pas dans la bonne direction. »

Même s'il a atteint un âge vénérable où les danseurs sont habituellement à la retraite, Paul-André Fortier a tout de même plein de projets en tête. Il est notamment question d'une nouvelle création pour une danseuse de Toronto, de la présentation de ses solos Jeux de fous et Bras de plomb au printemps 2001 en France, ainsi que la création d'une nouvelle chorégraphie dont Fortier n'a pas encore trouvé le thème. Bref, ce ne sont pas les projets qui manquent, ni la passion qui est toujours au rendez-vous.