Luc LaRochelle : avocat, collectionneur et écrivain

par Bruno Levesque

C'est par sa mère, amateure de peinture, que Luc LaRochelle a pris contact avec les arts visuels. Mais c'est lors de son passage à l'Université de Sherbrooke, entre 1966 et 1974, qu'il s'est approché de l'art contemporain. Il fréquentait régulièrement la Galerie d'art de l'Université, alors dirigée par Claude Lafleur, et l'un de ses amis se nommait Michel Goulet, aujourd'hui professeur de sculpture à l'Université du Québec à Montréal, et l'un des sculpteurs québécois actuels les plus réputés.

En 1974, avec en poche une licence en droit et un MBA, Luc LaRochelle a pris la route de Montréal, où il est entré au service du cabinet d'avocats Doheny, Day, Mackenzie & Lawrence. Il a alors commencé à acheter des œuvres d'art, des toiles figuratives, des œuvres facilement accessibles. Peu à peu, en fréquentant les musées, les galeries et les expositions d'art contemporain, il a été attiré par des œuvres qui, comme il dit, « poussaient un peu plus ». « Au début, résume le collectionneur, j'ai acheté des choses qui m'ont charmé. Par la suite; j'ai acheté des choses qui m'ont fasciné et, pendant la dernière décennie, j'ai acheté des œuvres qui m'ont bouleversé. Maintenant, ce que j'attends d'un tableau c'est qu'il m'interroge, qu'il soit troublant. Au fil des ans, ma conception du rôle de l'art dans la société a changé. Pour moi, l'art a cessé d'être un divertissement.

En 25 ans de passion, Luc LaRochelle a constitué une collection d'œuvres d'art comptant 803 œuvres de 363 artistes, dont la très grande majorité sont de jeunes artistes québécois. Au début, le collectionneur installait chez lui les œuvres achetées, mais il a rapidement manqué d'espace et des œuvres se sont retrouvées dans les placards et sous les lits. « Le bureau d'avocats où je travaillais, Mackenzie Gervais, déménageait dans de nouveaux locaux au début des années 80. J'ai demandé si je pouvais accrocher des œuvres dans les nouveaux locaux. Non seulement mes collègue ont-ils dit oui, mais en plus ils m'ont rémunéré pour le faire. Mes associés ont été très corrects. À la fin, ils me donnaient environ 15 000 $ par année pour accrocher des œuvres sur les murs de l'étude. Je réinvestissais tout dans l'achat d'autres œuvres. Et j'avais de la place pour les exposer. »

C'est ainsi que Luc LaRochelle s'est retrouvé, à la fin de la quarantaine, avec une sorte de petit musée qu'il avait lui-même monté.

En 1998, quand le cabinet Mackenzie Gervais a fusionné avec McMaster Meighen, l'employeur de Luc LaRochelle a dû déménager dans de nouveaux locaux et les œuvres du collectionneur n'ont pas suivies, prenant plutôt la direction de divers musées et institutions à qui il avait décidé d'en faire don : 390 œuvres au Musée des beaux-arts de Sherbrooke, 125 photographies au Musée d'art de Joliette et un ensemble de 125 œuvres à diverses institutions, dont une vingtaine à l'Université de Sherbrooke.

Le Musée des beaux-arts de Sherbrooke a profité de ce don évalué à quelque 700 000 $ pour monter une exposition intitulé Passion et tourment. La collection de Luc LaRochelle. Cette exposition, inaugurée le 11 mars dernier sous la présidence d'honneur de Michel Goulet et en même temps que la salle Ruth et Gérard Larochelle (du nom de ses parents), prend fin ces jours-ci. Par la suite, un nombre important des œuvres de la collection Luc LaRochelle seront montrées dans l'exposition de la collection permanente du musée.

Sans doute l'un des moments forts de la vie de collectionneur de Luc LaRochelle, cette exposition arrive à un tournant important de sa vie en général. Depuis 1995, il diminue progressivement ses activités d'avocat et compte l'abandonner complètement d'ici quelques années. Il ralentira aussi ses activités de collectionneur pour se consacrer à une autre passion artistique qui l'habite depuis sa jeunesse : l'écriture. Auteur de nouvelles qui paraissent régulièrement dans la revue XYZ, titulaire depuis peu d'une maîtrise en littérature, Luc LaRochelle publiera cet automne son premier livre aux éditions les Herbes rouges. Il projette aussi s'inscrire au doctorat en création littéraire qu'offre l'Université de Sherbrooke, ce qui constituerait un retour sur les bancs d'une école qu'il a fréquenté au début des années 70.

Des conseils aux débutants : « S'abonner à des revues d'art (une québécoise, une européenne et une américaine), ne rien acheter tout de suite, visiter régulièrement les galeries et les centres d'artistes autogérés et surtout n'acheter que ce que l'on aime »

À ne pas manquer : une visite de la collection permanente du Musée des beaux-arts de Sherbrooke, jusqu'à l'hiver 2001