En période électorale, les médias se font omniprésents
auprès des politiciens. Dans le confort de notre salon, nous pouvons ainsi
suivre les candidats qui se promènent d'un bout à l'autre du pays. Mais
comment les journalistes, qui les suivent pour nous, vivent-ils ces moments ?
Aux premières loges de l'arène politique
par Élise Giguère
Gilles Fisette et Denis Dufresne, deux diplômés de Sherbrooke, exercent le
métier de journaliste à La Tribune. IIs en ont couvert des campagnes
électorales, au cours de leur carrière. Gilles Fisette, diplômé du programme
d'études françaises en 1975, en a couvert une douzaine. Quant à Denis
Dufresne, détenteur d'une maîtrise en coopération, il a eu la chance, en
1998, de suivre Lucien Bouchard et Jean Charest dans les fameux autobus
réservés aux médias. Comment se vit une campagne électorale quand on la voit
de si près? Les deux journalistes ont tenté de l'expliquer au magazine
Sommets.
De grosses journées
Déjà fort occupés en temps normal, les journalistes voient leur charge de
travail augmenter lors d'une période électorale. Les journées de travail s'allongent
et les fins de semaine raccourcissent. « Une campagne électorale, c'est
quelque chose de très intense. Mais au moins, pendant un mois et demi, on sait
ce qu'on va couvrir », de dire Gilles Fisette, un habitué des délais
serrés et des imprévus d'un journal quotidien.
Dans l'autobus nolisé des médias, l'intensité est également au
rendez-vous. Denis Dufresne en témoigne : « Nous faisons de très grosses
journées, qui commencent tôt et qui finissent tard. »
Cependant, les organisateurs des partis politiques se chargent de rendre la
tâche pas trop désagréable aux journalistes qui parcourent le pays avec les
politiciens. Longues heures de route obligent, des rafraîchissements, du café
et de la nourriture sont mis à la disposition des journalistes, qui ont même
accès à un petit bar à l'arrière de l'autobus.
Il ne faudrait surtout pas croire que les partis politiques paient toute la
facture ! En effet, l'envoi d'un journaliste dans l'autobus d'un parti
coûte très cher. Le journal paie la note de l'hôtel et des restaurants.
Même les téléphones mis à la disposition des journalistes dans l'autobus
ont leur prix.
Ça se passe en région
En temps de période électorale, les différences entre la pratique du
journalisme en région et du journalisme dans un grand centre semblent
ressortir. À ce sujet, Denis Dufresne a été surpris de constater, alors qu'il
suivait Lucien Bouchard en Gaspésie, que la majorité des questions posées
lors des conférences de presse portaient sur des dossiers provinciaux. «
Peut-être que ça m'a frappé parce qu'à Sherbrooke, j'ai une vision
régionale des choses », note le journaliste.
Gilles Fisette appuie son collègue : « La mentalité en région fait qu'on
n'est pas à la recherche de sensationnalisme, dit-il. Nos relations avec les
politiciens sont assez bonnes. On ne cherche pas à les cochonner »,
affirme-t-il, en s'excusant pour l'expression fort éloquente qu'il vient
d'employer.
Le milieu régional étant restreint, journalistes et politiciens se
reconnaissent. « En région, les liens sont presque amicaux entre les
politiciens et les journalistes », de dire Denis Dufresne. Gilles Fisette en
rajoute : « Couvrir une campagne électorale amène à voir la dimension
humaine d'un candidat. C'est très intéressant de voir comment ces
personnes réussissent à vivre pendant aussi longtemps sous la pression. Ça
prend beaucoup de courage pour exercer leur métier ».
Il n'y a cependant qu'un pas à franchir entre des relations assez bonnes et
trop bonnes. Comme l'affirme Denis Dufresne : « Il se crée une
promiscuité un peu inconfortable. C'est difficile, quand on connaît une
personne depuis plusieurs années de ne pas l'appeler par son prénom ».
Le principal danger de la familiarité avec les politiciens, c'est le manque d'objectivité.
Et les deux journalistes de La Tribune tiennent mordicus à cette objectivité.
« Quand tu es journaliste, il ne faut surtout pas que tu sois identifié à un
parti », de dire Denis Dufresne. « J'ai des convictions politiques
profondes, mais elles ne doivent pas transparaître lorsque j'écris »,
affirme quant à lui Gilles Fisette. Du même coup, il laisse entendre que l'objectivité
n'est jamais complètement atteinte : « On pose sûrement des questions plus
serrées au candidat pour lequel on ne votera pas », affirme-t-il. Il faudrait
mettre au défi les lecteurs de La Tribune de trouver la couleur de ces deux
journalistes.
Les bleus de la politique
Une fois la campagne achevée, les journalistes s'ennuient-ils de la
politique? « Oui! affirme Gilles Fisette. Une couverture électorale compte
toujours de beaux moments ». Denis Dufresne est un peu moins enthousiaste. «
Au début, j'étais enchanté de prendre l'autobus pour suivre un des
candidats. Mais au bout de dix jours, j'étais un peu désillusionné. J'ai
trouvé la couverture un peu superficielle. En fait, j'étais lassé par l'espèce
de cirque que c'était. »
Un cirque auquel nous assistons tous dès qu'il se représente dans notre coin
de pays !