Terre des Hommes : un bain de culture

Jamais au Québec ni ailleurs au Canada une programmation culturelle n'avait été aussi riche que celle de l'Exposition universelle de Montréal. Des poètes, des peintres, des sculpteurs et des musiciens de tous les pays du monde se sont succédé sur l'île Notre-Dame d'avril à octobre 1967.

par Bruno Levesque

Un musée international, une Conférence mondiale sur la poésie, un Salon portant sur le livre au Québec, un Festival mondial de musique, Expo 67 a été un véritable bain de culture pour les 50 millions de personnes qui l'ont visitée. Un événement d'une telle ambition réunissant la littérature, la musique, l'art visuel, coûterait une telle fortune aujourd'hui que personne ne songerait même à l'organiser.
Musique et chansons en ont mené large à Expo 67, à commencer par la célèbre chanson de Stéphane Venne dont les " Un jour, un jour… " ont été fredonnés par l'ensemble de la population québécoise. Des chansons, les visiteuses et visiteurs d'Expo 67 ont pu en entendre bien d'autres, dont celles de Pauline Julien, Monique Leyrac, Gordon Lightfoot, Renée Claude, Mouloudji, Leonard Cohen, Ricet Barrier, Tex Lecor... L'Expo 67 a aussi accueilli plusieurs orchestres de jazz et troupes de folklore. En tout, des milliers de concerts, dont plusieurs entièrement gratuits !

Musique mæstro !

" Terre de sueurs, de sang, de soleil, hostile et prodigue terre, belle ambivalente. " Cette description de la terre, jaillie de la plume de Michèle Lalonde, est tirée de Terre des Hommes, un poème symphonique que l'auteure a écrit avec le compositeur André Prévost et qui a été créé par l'Orchestre symphonique de Montréal lors du gala inaugural de l'Expo 67.
La suite de l'été 67 a été à la hauteur des attentes créées par cette inauguration. Des ensembles aussi célèbres que la Scala de Milan, l'Opéra de Vienne, l'Opéra du théâtre Bolchoï et l'Orchestre philharmonique de Vienne, des chefs d'orchestres prestigieux comme Karl Boem et Herbert von Karajan, des œuvres aussi connues que le Requiem de Verdi, Tristan et Iseult de Wagner, Guerre et paix de Prokofiev ou Boris Godounov de Moussorgsky se sont succédé pendant six mois. Des œuvres moins célèbres mais tout aussi dignes de mention ont été créées pour Expo 67 par divers artistes : L'Homme et les régions polaires de Serge Garant, Labyrinthe de Murray Schafe, l'opéra Louis Riel de Harry Somers, sans oublier l'environnement sonore du pavillon du Québec qu'a composé Gilles Tremblay et qui lui a valu le prix Callixa-Lavallée.

Un musée mondial

Pour ce qui est des arts visuels, jamais le public québécois n'avait été mis en contact avec autant d'œuvres et artistes. À lui seul, le Musée d'art d'Expo 67 contenait des centaines de toiles et de sculptures provenant de tous les âges et de tous les coins du monde. Des peintures de Modigliani, Rembrant et Gauguin côtoyaient celles de Van Gogh, Rubens, Degas, Riopelle et autres grands maîtres. En plus de ces chefs-d'œuvre, les 42 pavillons nationaux recelaient leur part de trésors : œuvres américaines de pop art et de op art, sculptures de Xénakis, Picasso, Vedova, Soto, Pomodoro, Bonet, etc.
La littérature n'a pas été négligée, loin de là. Le théâtre a pris le devant de la scène avec notamment des représentations d'Agamemnon d'Eschyle, d'Hamlet et de Romeo and Juliette de Shakespeare, du Soulier de satin de Claudel et bien d'autres. Durant tout l'été 67, un Salon du livre du Québec a permis à la population de prendre contact avec les livres et la littérature d'ici. Un important colloque international sur la poésie a réuni pendant une semaine 34 poètes provenant de 16 pays.
Mais ce n'est pas tant la qualité et la diversité des œuvres et des artistes réunis à Montréal pour l'Expo 67 qui en font l'événement culturel le plus important des 50 dernières années. Car si la chanson de Stéphane Venne promettait aux visiteurs du monde entier de leur faire " voir de grands espaces ", Expo 67 aura fait voir le monde à la population québécoise. Dans la foulée du vent de changement qui soufflait sur le Québec dans les années 60, cette prise de contact avec les cultures du monde entier aura permis à la culture québécoise de faire un énorme pas en avant.