Après avoir accumulé de nombreuses années d'expérience en publicité, en marketing, en promotion et dans les affaires publiques, René Guimond tient, depuis le 16 novembre 1998, le gouvernail d'un nouveau grand bateau dénommé TQS. Il devient ainsi, après Olivier, le deuxième Guimond à faire sa marque dans la télé québécoise.

L'autre Guimond de la télé

par Odile Lamy

Fin 1998, à la sortie d'un congé sabbatique, René Guimond est pressenti par Quebecor qui venait tout juste d'acquérir Télévision Quatre Saisons avec quelques associés, dont Cogeco. Convaincu du potentiel de réussite de la chaîne de télévision privée et se sentant bien épaulé par son nouveau propriétaire, René Guimond, qui n'en est plus à un défi près, accepte le poste de président et chef de la direction de TQS.

Entouré d'une " belle équipe ", comme il le souligne lui-même, il peaufine depuis une nouvelle stratégie pour repositionner TQS sur l'échiquier télévisuel. Jugeant que ce réseau a manqué de constance au fil des ans, il veut bâtir une image d'antenne stable afin de fidéliser le public, règle numéro un dans ce milieu de communications. Mais pour cela, le virage doit se faire en douceur. " Avec des changements trop brusques, nous risquons de perdre un fort pourcentage de consommateurs qui ne s'y retrouvent plus ", explique René Guimond.

En outre, TQS veut se distinguer de Radio-Canada et de TVA. Elle laisse donc à ses concurrents les longues séries hebdomadaires et joue plutôt sur l'audace et la proximité pour attirer un public compris entre 18 et 49 ans. " Avec des émissions comme La fin du monde est à 7 heures, Flash ou 110 %, nous faisons de l'information générale, culturelle ou sportive, mais d'une façon différente ", précise le président de TQS. Ce souci de distinction transparaît d'ailleurs dans les journaux télévisés où l'information est plus locale et régionale et les lecteurs et lectrices de nouvelles moins statiques. " Ils sont debout ou assis sur le coin d'un pupitre. Ils sont proches des gens. C'est convivial. C'est le style de télévision que nous voulons faire ", certifie René Guimond.

Sans dévoiler les secrets des changements envisagés au niveau de la programmation, le président de TQS assure cependant que tout va être mis en œuvre pour augmenter les cotes d'écoute. Et le sens des affaires dont René Guimond a déjà maintes fois fait preuve au cours de sa carrière nous incite à le croire !

Un gestionnaire en puissance

Le goût pour les affaires s'est révélé tôt à René Guimond. Très attiré par les communications, mais déterminé à devenir gestionnaire d'entreprise, il a fait ses études universitaires en marketing au début des années 70. Son passage à Sherbrooke, dit-il, a été déterminant dans le choix de sa carrière : " D'une part, l'Université de Sherbrooke avait une excellente réputation en administration. D'autre part, nous recevions régulièrement des conférenciers du milieu des affaires qui nous permettaient de nous faire une meilleure idée quant à nos orientations ", précise-t-il.

René Guimond garde un excellent souvenir de ces trois années passées à Sherbrooke. Il y a obtenu un diplôme, bien sûr, mais il a vécu aussi une belle expérience humaine. " L'Université de Sherbrooke est une très grande institution au niveau du savoir et de tout ce qu'elle offre à ses étudiants, et tout ceci à l'intérieur d'une coquille humaine ", estime l'ex-étudiant sensible à la taille et à la qualité de son environnement, compte tenu de ses racines : un petit village de Mauricie.

Toujours plus haut

René Guimond n'a pas encore terminé ses études qu'on lui propose déjà un emploi chez Cogem, une firme montréalaise de recherche en marketing. Il se lance donc sur le marché du travail, en 1974, tout en complétant sa dernière session de baccalauréat. Les premiers mois sont difficiles, mais bénéfiques pour le jeune homme qui voyait en la recherche la base de son avenir professionnel.

Après deux années chez Cogem, René Guimond rejoint les rangs de BCP où il fait ses premiers pas en publicité. BCP était une performante agence de conception publicitaire qui comptait de grands clients, comme IGA, Desjardins, Air Canada, Bell. " À l'époque, BCP était le nec plus ultra au Québec pour les gens en publicité, comme Bombardier l'était pour les ingénieurs ", se rappelle René Guimond.

Après avoir servi les plus importantes entreprises sur le marché francophone, le jeune homme ambitieux grimpe les échelons des responsabilités en devenant, en 1979, vice-président de Cockfield Brown, une grande agence publicitaire pancanadienne. " À 28 ans, toucher à une entreprise d'envergure nationale m'attirait énormément ", confie l'actuel président de TQS qui, à l'époque, voulait rester longtemps chez Cockfield Brown, sauf que… Pour un grand sportif qui aime et goûte à tous les sports, un poste de vice-président au marketing et aux affaires publiques des Expos ne se refuse pas !

Comme un poisson dans l'eau chez les Expos

De 1981 à 1986, René Guimond à vécu cinq très belles années qui lui ont permis d'élargir son champ d'expertise. " Les Expos m'ont donné l'occasion de faire plus que de la publicité. Dans mon département, on s'occupait aussi de la négociation des contrats de télédiffusion et de radiodiffusion, des promotions, de la vente de commandites, des programmes de licence, des relations avec les médias. Et tout ceci dans un environnement stimulant et florissant ", se souvient l'ex-vice-président de la l'équipe de baseball qui s'apprête à quitter Montréal.

Le début des années 80 n'ont pas été de belles années que pour René Guimond. À cette époque, les Expos étaient au zénith de leur gloire. Plus de deux millions de spectateurs venaient encourager, chaque saison, les Andre Dawson, Gary Carter, Bill Lee, Ellis Valentine, Rodney Scott, Steve Rogers et compagnie. Le courant passait entre l'équipe et le public. La nouvelle mascotte, Youppi, faisait fureur au Stade olympique de Montréal.

À cette époque, les salaires des champions étaient plus raisonnables et la situation économique canadienne plus favorable pour concurrencer les équipes des grandes métropoles américaines. Il y a vingt ans, " on gardait nos vedettes ici, déclare René Guimond avec nostalgie. Pour les amateurs de baseball, c'est très dur de vivre, année après année, le départ de nos meilleurs éléments. "

Si l'ex-vice-président des Expos entrevoit une meilleure base de revenus grâce à une prise en main de l'équipe par un nouveau groupe d'actionnaires et à un déménagement au centre-ville, en revanche, il ne se porte pas garant de l'avenir du baseball majeur tant que personne ne trouvera un moyen de réglementer les salaires des joueurs.

Un retour aux sources

En 1986, René Guimond a 35 ans et toute la vie devant lui. Pourtant, il sent que son rêve ultime est arrivé. " C'est le moment ou jamais d'être mon propre patron, de bâtir mon entreprise ", décide-t-il. Sitôt dit, sitôt fait. Il quitte les Expos et, avec un associé, Daniel Tardif, reprend les rênes de Promo Marketing Canada, une firme de marketing promotionnel alors à ses premiers balbutiements.

Une fois encore, l'homme de tous les défis voit juste. En peu de temps, Promo Marketing connaît un tel essor que Carlson Marketing, une multinationale basée au Minnesota, rachète l'entreprise en 1990. Comme le contrat de vente stipule que les anciens propriétaires doivent demeurer au sein du Groupe Carlson Marketing pendant cinq ans suivant la transaction, René Guimond retourne chez BCP au début de 1995. Entre-temps, la firme de publicité canadienne s'est internationalisée, mais René Guimond, maintenant vice-président exécutif et directeur général du siège social à Montréal, se concentre sur les agences canadiennes : Toronto, Québec et surtout Montréal.

Début 1997, BCP est racheté par Publicis. Six mois plus tard, le capitaine préfère quitter le navire et laisse le champ libre à Yves Gougoux. " À ce moment-là, j'ai estimé qu'Yves Gougoux, président et principal actionnaire, allait s'impliquer de plus en plus dans Publicis, explique René Guimond. J'ai alors réalisé que la raison pour laquelle je m'étais joint à BCP, c'est-à-dire gérer une entreprise, n'existait plus. "

Une année sabbatique qui joue les prolongations

Qu'à cela ne tienne ! René Guimond considère ce départ comme une occasion inespérée pour prendre une année sabbatique… ou plutôt quatorze mois de repos bien mérité après 23 années de dur labeur à relever défi sur défi.

L'homme d'affaires profite de cette pause pour accomplir tout ce qu'il n'avait pas eu le temps de faire pendant les années intenses qu'il venait de vivre. Il s'occupe de sa famille, fait du sport, voyage, fréquente les salles de cinéma, dévore les publications d'affaires, rencontre les amis et la parenté… " Ce long congé m'a permis de me retrouver et de penser à ce que je voulais faire, à mes objectifs pour la suite de ma carrière ", révèle le guerrier ressourcé qui recommence à chercher du travail à la fin de l'été 1998.

Et la suite, on la connaît. Pour ce qui est de l'avenir, si l'on en juge par l'acharnement au travail et les capacités de gestionnaire que René Guimond a démontrés depuis sa sortie de l'Université de Sherbrooke, TQS devrait vite devenir une télévision audacieuse et compétitive à l'image de son président.