Depuis quelques décennies, l'ensemble des activités humaines se sont internationalisées et les rapports entre les nations se sont intensifiés. Cette globalisation a touché la communauté universitaire et s'est inscrite au cœur de bon nombre de programmes et d'activités de formation.

 

Par delà les frontières

par Élise Giguère

Quelques programmes de l'Université de Sherbrooke offrent une formation spécifique permettant l'acquisition de connaissances axée sur la diversité culturelle, les échanges internationaux, etc. Par exemple, il est possible d'y compléter une maîtrise en sciences humaines des religions avec concentration en formation interculturelle. La Faculté de théologie, d'éthique et de philosophie offre aussi un diplôme et un microprogramme de 2e cycle en formation interculturelle. À la Faculté d'administration, en collaboration avec l'École supérieure de commerce et d'administration de Poitiers, une concentration en gestion internationale comprenant un stage à Poitiers est offerte aux étudiantes et étudiants de la maîtrise en administration. À la Faculté des lettres et sciences humaines, la maîtrise en psychologie des relations humaines est elle aussi offerte avec une concentration en relations interculturelles et un certificat de relations internationales est prodigué par le Département d'histoire et de sciences politiques.

Plusieurs autres programmes comptent aussi des cours ou des problématiques internationales ou interculturelles sont abordées : le droit international de la santé, le commerce international, les grands pactes commerciaux internationaux et bien d'autres.

La piqûre pour l'écologie internationale

En marge des cours proprement dits, certains projets amènent des étudiantes et des étudiants à se frotter en pratique aux réalités internationales. L'un d'eux, Écologie sans frontières (ESF), a germé dans l'esprit de Colette Ansseau, professeure d'écologie à la Faculté des sciences. En 1996, elle a proposé à des étudiants de monter un projet de stage à l'étranger. Quelques mots sur les avantages de s'ouvrir sur le monde ont suffi pour inciter dix d'entre eux à fonder Écologie sans frontière (ESF).

Le travail des stagiaires a commencé bien avant leur départ. En plus d'organiser des activités de financement, ils ont dû suivre le cours d'écologie internationale, afin de prendre connaissance de leur terrain d'étude et de monter leur projet.

Dès l'année suivante, la première cuvée d'ESF prenait la route de Madagascar. " C'est un endroit absolument unique au point de vue écologique. Quantité d'espèces animales et végétales ne vivent qu'à Madagascar ", de dire Colette Ansseau. Mais plus que pour toucher à un coin de paradis, les membres d'ESF sont allés à Madagascar pour effectuer un travail d'écologistes.

Leur professeure œuvrait déjà là-bas avec d'autres chercheurs de l'Université de Sherbrooke sur un projet de briqueterie artisanale. Madagascar, comme tous les pays en développement, fait face à un besoin croissant en logements. La production de briques y est donc très importante. Pour remplacer la briqueterie traditionnelle, très énergivore, les chercheurs de l'Université ont implanté des fours en forme d'igloo dans le pays. La nouvelle technologie permet de produire plus de briques avec moins d'énergie.

Le rôle des jeunes environnementalistes consistait à mesurer l'impact écologique de ces fours et à déterminer les besoins réels en bois. Deux autres volets se sont greffés à leur stage : trouver des usages à la jacinthe d'eau, une plante nuisible là-bas, et mettre au point un programme d'éducation à l'écologie.

La deuxième édition d'ESF s'est également rendue en Afrique, au Mali, un pays énormément touché par les sécheresses. Lors de leur séjour de quatre mois à l'été 1998, les huit bacheliers en biologie ont évalué les impacts sociaux et environnementaux des projets de Kilabo, une organisation non gouvernementale (ONG) qui œuvre au Mali depuis 1994. En plus d'avoir construit un local d'alphabétisation, Kilabo a fourni aux villageois de l'équipement agricole, un moulin et a formé des puisatiers parmi les villageois. L'organisme a également enseigné aux Maliens à gérer eux-mêmes leurs activités agricoles.

L'évaluation des stagiaires en écologie a touché cinq aspects des projets de Kilabo : la culture maraîchère, l'élevage, l'agroforesterie, l'équipement agricole et l'exploitation du moulin. Leur rapport sera retourné sous peu à Kilabo, qui pourra réajuster son tir dans ces différents projets. Comme le dit si bien Colette Ansseau : " Nous voulions travailler en partenariat avec des gens implantés dans le milieu. J'aime que les jeunes travaillent avec des personnes-ressources sur place, pour ne pas trop se sentir perdus et aussi pour établir des contacts professionnels. "

Les objectifs établis au Canada se sont-ils avérés réalistes une fois sur place? " En partie ", répond la fondatrice d'ESF. " C'est cependant un aspect pédagogique important de leur voyage que de constater qu'ils s'étaient fixé des objectifs trop ambitieux. Je dis souvent aux étudiantes et étudiants de ne pas oublier le facteur souplesse. Même si on a tout prévu, il y a toujours des imprévus ! " Catherine Frizzel, du groupe de Madagascar, est bien placée pour le savoir. Chargée de quantifier le bois utilisé dans les fours, elle a dû s'adapter au rythme des Malgaches. Pendant son séjour de trois mois, il n'y a eu qu'une seule fournée. " J'étais habituée au bourdonnement de la vie nord-américaine. À Madagascar, les choses se font différemment. "

Des différences plus qu'enrichissantes! Mélanie Bédard a appris beaucoup en côtoyant les Maliens. Selon ses dires, les Maliens s'incluent dans la notion d'environnement contrairement aux Occidentaux qui perçoivent l'environnement comme étant uniquement ce qui les entoure. " Malgré cela, l'écologie est secondaire pour les Maliens, explique-t-elle. C'est un peu normal, ils veillent avant tout à obtenir assez d'argent pour se nourrir et pour envoyer leurs enfants à l'école. "

Si elle est secondaire pour certains, l'écologie est loin de l'être pour les étudiantes et étudiants d'ESF. Véronique Brondex et Catherine Frizzel, deux filles conquises par Madagascar et par leur expérience internationale, poursuivent leurs études de maîtrise sur des sujets qui se situent respectivement au Mali et au Viêt-Nam. Comme quoi, quand on goûte à l'écologie sans frontières, on ne peut plus s'en passer!

Ingénieurs sans frontières

L'organisme Ingénierie sans frontières (ISF) porte bien son nom. Depuis sa création en 1991, les étudiants qui en ont fait partie ont tour à tour visité la Chine, le Mexique, le Chili, le Viêt-nam et l'Argentine.

Avec la mondialisation des marchés, les ingénieurs collaborent de plus en plus avec des professionnels étrangers. À l'image de la culture et de la langue, les pratiques d'ingénierie varient également d'un pays à l'autre.

C'est pour faire face à cette nouvelle réalité que des étudiants en génie de l'Université de Sherbrooke ont décidé de fonder ISF. Pendant un voyage, qui dure environ trois semaines, les futurs ingénieurs s'affairent à visiter des entreprises et des universités. Ces visites leur permettent de tâter le pouls de l'ingénierie dans le pays qui les accueille.

Les pays choisis répondent à certains critères. D'abord la culture du pays visité doit être assez différente de la culture canadienne pour offrir une barrière de communication. De plus, les étudiants choisissent un pays susceptible d'offrir un marché intéressant pour les entreprises canadiennes.

D'ailleurs, les membres d'ISF ont trouvé un moyen fort original de financer leur projet. En échange d'une aide financière, ils s'engagent à effectuer, lors de leur voyage, des mandats pour des entreprises québécoises. Ces mandats peuvent prendre la forme de démonstrations de produits, de présentations sur l'entreprise ou de contrats de recherche ou de faisabilité.

Les industries C-MAC inc. ont commandité le projet en 1994 et 1997, alors que les délégations d'ISF se sont rendues respectivement en Chine et au Viêt-nam. Aldée Cabana, vice-président exécutif de C-MAC et ancien recteur de l'Université de Sherbrooke, affirme que : " des informations intéressantes se trouvaient dans le rapport que les étudiants d'ISF ont remis à C-MAC. Cependant, c'est surtout pour appuyer une initiative étudiante que l'entreprise s'est impliquée dans le projet. "

La Faculté des sciences appliquées appuie également ISF en offrant aux étudiants le cours Ingénierie et développement, un cours donné le samedi! Ils y apprennent à mieux connaître le pays qui les accueillera lors de leur séjour. " On doit faire une recherche sur le pays, les lois, la culture, les coutumes. J'ai été très surprise d'apprendre qu'en Asie, on doit présenter notre carte d'affaire à deux mains! ", de dire Caroline Côté, membre d'ISF 1999. " De plus, pendant le cours, on choisit un projet d'ingénierie qui pourrait être réalisé dans le pays que nous allons visiter. Cela nous permet d'apprendre comment monter le dossier et comment présenter un projet international. "

Un an de travail : voilà le temps requis pour monter un projet de l'envergure d'ISF. Ses membres y consacrent environ 20 heures par semaine, en plus de mener de front des études ou un stage en entreprise. L'été précédant leur départ, ils choisissent leur destination. Tous les gens intéressés à participer à ISF sont invités à présenter un pays. Ensuite, les étudiants votent pour la destination qui les intéresse le plus. Cette année, ils ont choisi la Malaisie, Singapour et la Thaïlande.

Une fois le choix de la destination arrêté, les étudiants, qui proviennent de toutes les branches du génie, se mettent au travail pour chercher du financement et des mandats à accomplir. " La beauté du projet, c'est que les membres doivent tout préparer, de A à Z ", affirme Charles Lussier, l'étudiant qui coordonnait ISF 1997. " Nous n'avons pas d'instructions de travail, pas de livres ", de rajouter celui qui occupe maintenant un poste d'ingénieur chimiste chez Produits chimiques CXY.

Bien plus qu'une ouverture sur le monde, la préparation du projet amène les futurs ingénieurs à acquérir des qualités essentielles à l'exercice de leur métier. La gestion des ressources humaines, l'établissement de contacts avec des directeurs de PME, la prise de parole en public et devant les médias représentent autant de tâches reliées à la préparation du voyage.

D'ailleurs, Charles Lussier l'affirme sans hésitation : c'est grâce à ISF qu'il s'est trouvé un emploi.