Études sur l'immortalité des cellules cancéreuses

Raymund Wellinger et Benoît Chabot à l'avant-scène

Deux équipes de chercheurs du Département de microbiologie et d'infectologie de l'Université peuvent se vanter d'être en tête de peloton dans la course à endurance de la recherche pour le traitement du cancer. Raymund J. Wellinger et Benoît Chabot, professeurs à la Faculté de médecine de Sherbrooke, sont à la source de deux découvertes d'importance.

par Johanne Bédard

Les chromosomes sont les éléments essentiels qui composent le noyau cellulaire des corps vivants. Dans le jargon du milieu, les extrémités des chromosomes sont appelés télomères. Ce sont en fait des structures d'ADN qui empêchent la dégradation, la fusion ou la recombinaison des chromosomes. Les télomères jouent ainsi un rôle primordial dans la longévité des cellules.

Les cellules normales présentes dans un corps vivant se divisent à plusieurs reprises tout au long de leur vie, provoquant chaque fois un mince raccourcissement de la télomère. Or, après une cinquantaine à une centaine de divisions, la télomère devient si petite que la cellule meurt.

Depuis plus de dix ans, les chercheurs peuvent expliquer ce phénomène par la présence d'une enzyme, la télomérase, qui a la propriété de préserver les télomères durant le processus de la division cellulaire. Or, contrairement à la télomérase des cellules saines, celle des cellules cancéreuses demeure stable, même longtemps après la division cellulaire. La télomérase continue son travail de protection de la télomère, ce qui fait que celle-ci ne raccourcit plus à chaque division, ce qui rend les cellules cancéreuses immortelles.

Beaucoup de recherches sont menées actuellement afin de découvrir des moyens d'empêcher l'action de la télomérase dans les cellules cancéreuse. Benoît Chabot, professeur au Département de microbiologie et d'infectologie, a pour sa part décidé d'orienter son équipe vers d'autres avenues, puisque la télomérase ne peut expliquer à elle seule la survie des cellules cancéreuses : " La télomérase s'exprime dans 85 p. 100 des cancers. Il reste donc 15 p. 100 des cas qui demeure inexpliqués. "

Sur de bonnes pistes

Le travail de Benoît Chabot au cours des trois dernières années lui a permis d'isoler une protéine nommée hnRNP A1 (A1) et de connaître son rôle. En fait, la protéine A1 empêche elle aussi les télomères de s'user, et ce, de deux façons. D'abord elle attire la télomérase, puis, avec ou sans télomérase, elle s'enroule serrée autour du télomère pour assurer sa préservation. L'équipe de Benoît Chabot continue actuellement ses recherches sur le rôle précis de la protéine A1.

De son côté le collègue de Benoît Chabot, Raymund J. Wellinger, a prouvé lors d'expériences effectuées dans des systèmes artificiels que le facteur Ku, une combinaison de deux protéines présentes chez les mammifères, protégeait lui aussi la télomère.

De toutes ces considérations il ressort que si l'on en venait à connaître précisément toutes les propriétés de la télomérase, de la protéine A1 et du facteur Ku, l'on pourrait ensuite concentrer ses énergies à trouver une méthode efficace pour freiner leurs actions sur la télomérase et stimuler l'érosion des cellules cancéreuses. Plusieurs équipes à travers le monde sont sur cette piste. Et ils sont de bons coureurs!

Du prestige et de l'ambition

Sans nul doute, les deux professeurs de l'Université de Sherbrooke sont de la course. Grâce à leurs récentes découvertes ils se sont même taillé une réputation internationale dans le milieu scientifique. En mai dernier, Raymund J. Wellinger écrivait un article pour le réputé magazine scientifique Science. Un mois plus tard, Nature Genetics, une revue non moins prestigieuse, publiait un article écrit de la main de Benoît Chabot et de Raymund J. Welliger, en collaboration avec des chercheurs du Sunnybrook Health Science Center de Toronto.

Jusqu'à aujourd'hui, des subventions de l'ordre de 300 000 $ ont été attribuées aux recherches de Raymund J. Wellinger et Benoît Chabot, par la Société canadienne du cancer. Désireux de diversifier les sources de financement de leurs travaux, les deux chercheurs ont entrepris des démarches afin de créer une compagnie privée, dans laquelle l'Université serait actionnaire. Cette initiative permettrait d'amasser des sommes beaucoup plus considérables de la part d'investisseurs privés. Pour approfondir l'état actuel de leurs recherches, ce sont des millions plutôt que de milliers de dollars qui devront être investis, comme expliquait Benoît Chabot : " Grâce à la participation de compagnies privées, nous allons pouvoir démontrer le potentiel de nos découvertes, faire des applications directes qui auront des retombées pour le système de santé. " Les deux professeurs sont confiants que le fruit de leurs recherches pourrait paver la voie à d'autres grandes découvertes, et ils ne craignent pas d'y consacrer toute leur énergie. " Après tout, fait valoir Benoît Chabot, le but ultime dans tout cela est trouver un médicament qui traitera le cancer. " Et une fois atteinte, la ligne d'arrivée réserve beaucoup plus qu'un simple prix pour les chercheurs; les gens des quatre coins du globe seront soulagés.

 

Les découvertes de Chabot et Wellinger

primées par Québec Science

La découverte, publiée l'été dernier par l'équipe de recherche de Benoît Chabot et Raymund J. Wellinger, a été reconnue par la revue Québec Science comme l'une des dix découvertes scientifiques de l'année 1998 au Québec.

Dans son numéro de février 1999, l'équipe de rédaction de Québec Science présente sa sélection annuelle des dix découvertes scientifiques qu'elle juge les plus marquantes pour l'avancement des connaissances et pour l'amélioration du bien-être collectif. Parmi ces dix découvertes, l'équipe de Québec Science a retenu celle de l'équipe de Benoît Chabot et de Raymund Wellinger, du Département de microbiologie et d'infectiologie de la Faculté de médecine, dont les détails ont été publiés dans la prestigieuse revue scientifique Nature Genetics en juin dernier.

Selon Québec Science, l'utilisation de cette protéine offre des perspectives intéressantes dans la lutte contre le cancer parce qu'elle fournit une arme importante contre cette maladie. Benoît Chabot est très heureux de la couverture médiatique générée par cette mention honorifique : " Cette reconnaissance offerte par Québec Science est une occasion de démontrer l'impact des dons effectués pour la recherche contre le cancer. Comme ces recherches ont été subventionnées par la Société canadienne du cancer, il est important que le public réalise que ses dons, ou ses impôts dans le cas d'organismes fédéraux, sont utilisés de façon productive ".