Étudiante à la maîtrise en service social, Mariane Bastien a vu sa vie prendre un nouveau tournant au moment où elle est entrée dans la police.

Le social au service de la police

par Élise Giguère

Si vous allez visiter Mariane Bastien au bureau de la Sûreté du Québec à Sherbrooke, elle vous accueillera avec son sourire chaleureux et ses grands yeux bleus. Cependant, elle n'arborera pas le classique habit kaki d'un policier de la Sûreté. Mariane Bastien n'est pas une policière, elle occupe plutôt un poste de travailleuse sociale à la SQ.

Le rôle des policiers a bien changé depuis les dernières années. Lorsque les patrouilleurs interviennent dans une situation d'urgence, trop souvent, ils s'aperçoivent que les victimes ou même les agresseurs auraient besoin d'une aide particulière. Cependant, est-ce de leur ressort d'aider ces gens? N'existe-t-il pas déjà des ressources pour eux? Comment les diriger adéquatement vers les services offerts dans la communauté?

Face à ces questions, le caporal Michel Rouillard a pensé qu'une personne pourrait tisser des liens entre le service policier, les citoyens et les ressources existantes. En s'inspirant d'un modèle français, il a monté un projet qu'il a ensuite soumis au Programme de stage pour nouveaux diplômés dans la fonction publique. Quelques entrevues plus tard, Mariane Bastien faisait son entrée à la Sûreté.

Le chaînon manquant

Mariane Bastien joue donc le rôle d'agente de liaison entre la Sûreté du Québec de l'Estrie et les services d'aide à la population. Parmi ces derniers, on retrouve les CLSC, le CAVAC (Centre d'aide aux victimes d'actes criminels), le CALACS (Centre d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel), les maisons d'hébergement, etc.

" J'interviens dans les situations à caractère psychosocial. Par exemple, les policiers peuvent se rendre chez une personne qui a fait une tentative de suicide. Le lendemain, ils me parlent du cas et me donnent les coordonnées de la personne. De mon côté, je lui téléphone et je peux lui demander si elle connaît les numéros d'urgence, si c'est chronique, etc. " Cependant, la travailleuse sociale tient à rappeler qu'en aucun cas les services existants sont dédoublés. " Je sers vraiment de liaison. Je mets les gens en contact avec les organismes appropriés. "

En plus des tentatives de suicide, Mariane Bastien intervient dans les cas de violence conjugale, de chicanes familiales, d'agressions sexuelles, d'abus auprès des personnes âgées ou souffrant d'un handicap. Son mandat comporte également un volet de sensibilisation auprès des jeunes de moins de 12 ans qui commettent des actes criminels. Elle tente alors de découvrir pourquoi le jeune contrevenant a agi ainsi. Ensuite, elle le dirige vers les services pouvant lui venir en aide.

Pas facile d'innover

Le stage de Mariane Bastien à la SQ constitue une expérience-pilote. Comme ce projet est unique au pays, la jeune travailleuse sociale a dû se faire accepter parmi la communauté. C'est pourquoi elle a choisi d'effectuer une tournée des organismes sociaux de l'Estrie avant d'entreprendre ses interventions. Ses visites l'ont menée jusque dans les écoles et les maisons de jeunes. Pour elle, c'était primordial que les personnes-ressources la connaissent. " Je voulais créer un bon lien de confiance avec eux. C'était important pour moi de leur présenter mon rôle. "

Pas facile non plus de s'adapter au monde de la police… " J'étais habituée de travailler avec des femmes. La police, c'est un monde particulier, mais maintenant je me sens bien adaptée. Les policiers sont ouverts et j'ai découvert que leur vision des problèmes sociaux ressemble à la mienne. "

La jeune femme et la SQ partagent également la même vision à propos de la survie du projet. Celui-ci doit durer deux ans, cependant, tous demeurent confiants qu'il survivra après cette période. Le projet a même été présenté aux autres districts du Québec, et certains se sont montrés très intéressés à tenter l'expérience.

D'ici là, Mariane Bastien continuera de mener de front son travail à la SQ et sa maîtrise à l'Université de Sherbrooke. Elle dit aimer la recherche, mais " en recherche, je m'éloigne un peu de mon intérêt premier. Je me sens moins proche de la clientèle. " À la Sûreté du Québec, elle est bien servie!