TÊTES CHERCHEUSES

La télédétection appliquée aux cultures agricoles... et illicites

par Stéphanie Quirion et Odile Lamy

Grâce à la firme Agrimage, la télédétection, science de la détection à distance dont les diverses techniques (satellites, photographies aériennes, etc.) connaissent un usage de plus en plus répandu, n'a pas fini de voir ses applications se multiplier.

Les gens d'Agrimage ont décidé d'étendre l'utilisation des techniques de télédétection, traditionnellement utilisées en géographie et en foresterie, à plusieurs sphères d'activité, notamment l'agriculture. À l'aide d'un spectromètre précis et d'un puissant logiciel de traitement des données, ils parviennent à discriminer les différentes variétés de plantes. Il est ainsi désormais possible de savoir, vu du ciel, si un champ contient de l'avoine ou du maïs et, mieux encore, de détecter des cultures malades.

Une technologie au service de l'agriculture
En mai 1996, deux diplômés de l'Université de Sherbrooke, Gilles Daoust, titulaire d'un doctorat en biologie végétale, et Alain Parenteau, détenteur d'une maîtrise en administration des affaires, ont mis en commun savoir-faire et sens des affaires pour fonder la société Agrimage inc. Entourés de spécialistes en télédétection, ils ont développé une technologie de pointe permettant d'effectuer à la fois l'identification et la localisation des cultures végétales.

Auparavant, les agricultrices et agriculteurs étaient contraints à débourser des sommes considérables en équipements, en pesticides ou en services d'agronomes pour tenter de détecter et de régler des problèmes de croissance relatifs à leurs cultures. Par exemple, un parasite ou une carence en minéraux pouvaient affecter plusieurs plants d'un même champ, endommageant sérieusement la récolte avant même que le problème soit découvert. La technologie d'Agrimage, à la fois précise et rapide, offre désormais une solution efficace et abordable. En repérant immédiatement les plants problématiques, on évite d'administrer un traitement aux végétaux en santé. Il est également possible d'évaluer la capacité de production et d'apporter les correctifs nécessaires aux plants dont la croissance ne serait pas optimale. Des études démontrent que la télédétection permet aux exploitantes et exploitants agricoles des économies de 20 à 30 p. 100.

L'identification des plants par la couleur
Du haut d'un avion, Agrimage photographie les cultures à évaluer. Mais attention! Il ne s'agit pas de simles photographies aériennes. Les clichés obtenus sont des images numériques captées au moyen d'un spectromètre, caméra munie d'une lentille et d'un prisme qui sert à mesurer la lumière réfléchie par les objets au sol.

Lors de la photographie du sol, les faisceaux lumineux captés traversent le prisme du spectromètre. Ils sont ainsi séparés et reproduisent sur la bande photographique les couleurs particulières correspondant aux longueurs d'ondes. Ces signaux lumineux sont convertis en données numériques traitées ensuite par ordinateur. Puisque chaque espèce de végétaux réfléchit un degré différent de lumière, appelé signature spectrale, la couleur reproduite par le spectre lumineux permet de déterminer la plante en question ou encore de repérer des anomalies sur celle-ci.

Un traitement rapide des données
Agrimage innove non seulement grâce à la précision de son capteur d'images, mais aussi en raison de sa capacité à traiter rapidement les données reçues. L'entreprise a mis au point un logiciel informatique performant pouvant traiter simultanément jusqu'à 288 bandes lumineuses. Cette opération fort complexe, qui pouvait nécessiter autrefois plusieurs mois de travail de la part d'un spécialiste en télédétection, se fait maintenant en moins d'une journée. Seule firme en Amérique du Nord à détenir un tel logiciel, Agrimage possède là un avantage certain.

Adieu le pot et vive le golf!
En plus d'être très utile à l'agriculture, activité ciblée par l'entreprise, la technologie d'Agrimage reste précieuse pour la lutte anti-drogue. En 1996, la télédétection a permis à la Sûreté du Québec d'identifier au-delà de 300 cultures de marijuana. Les propriétaires de terrain de golf profitent d'ailleurs tout autant que la police des services d'Agrimage, puisque les zones où le gazon risque de jaunir peuvent être dépistées... du ciel.

Un succès qui dépasse les attentes
L'essor rapide de la firme Agrimage dépasse largement les attentes de ses principaux actionnaires, Gilles Daoust et Alain Parenteau, d'ailleurs très fiers des membres de l'équipe, tous titulaires de baccalauréat, de maîtrise ou de doctorat décernés par une même institution : l'Université de Sherbrooke.

Soucieuse d'accroître ses performances, l'entreprise investit continuellement en recherche-développement. Près d'un million de dollars a été injecté pour faire l'acquisition du logiciel ultrapuissant qui fait aujourd'hui sa renommée au Canada, aux États-Unis et en Argentine. Et grâce à l'apport tout récent de trois millions de dollars de deux sociétés financières, Sofinov et Innovatech, la notoriété d'Agrimage ne connaîtra bientôt plus de frontières.