Vivre avec la maladie mentale
Danny Lamoureux sait de quoi il parle

par Odile Lamy

Depuis son entrée à la Maison Arc-en-Ciel, comme psychoéducateur de 1993 à 1997 puis comme directeur, Danny Lamoureux réalise pleinement une vocation qui remonte à la tendre enfance. La présence régulière d'un éducateur pour s'occuper de sa sœur handicapée intellectuelle et souffrant de problèmes de santé mentale l'a fait " tomber dans la potion magique, comme Obélix ", confie Danny Lamoureux. Comme son métier d'infirmier ne lui permettait plus assez de contacts humains avec les malades, faute de temps, il a préféré se réorienter en psychoéducation.

Titulaire d'un baccalauréat en psychoéducation de l'Université de Sherbrooke, Danny Lamoureux dirige, depuis mai 1997, la Maison Arc-en-Ciel, centre d'hébergement et de réinsertion sociale en santé mentale pour la région de Granby et de Brome-Missisquoi. Fondé en 1987 afin d'accueillir dix adultes ayant des problèmes de santé mentale légers, cet établissement de moyen et long séjours, financé à 75 p. 100 par la Régie régionale de la santé et des services sociaux de la Montérégie, a vu sa mission se transformer au fil des ans. Depuis 1993, quatre lits sont réservés à des patients provenant du Département de psychiatrie de l'hôpital de Granby, donc présentant des problèmes complexes, mais toutefois stabilisés par la médication. Malgré des diagnostics sévères, tels que schizophrénie ou maniaco-dépression, pas question de parler de handicap intellectuel pour ces personnes ! " Ce ne sont pas des déficients mentaux, assure le directeur de l'Arc-en-Ciel. Il ne faut pas mélanger handicap intellectuel et maladie mentale. Ce sont des gens normaux qui vivent avec des problèmes de santé mentale. "

Le train-train quotidien comme locomotive
Bien que les dix pensionnaires ne présentent pas le même degré de dysfonctionnement, l'objectif de l'Arc-en-Ciel reste le même pour tous : permettre aux individus de se reprendre en main afin de mieux gérer le quotidien. Dans cette optique, Danny Lamoureux compare sa résidence à une grosse boîte à outils : " Nous donnons des outils aux gens; nous leur montrons comment s'en servir; après, ce sont eux qui font le choix de les utiliser selon les événements qu'ils vivent. "

La Maison Arc-en-Ciel est donc bien plus qu'un simple lieu d'hébergement. Pour faciliter la réinsertion sociale, elle offre du lundi au vendredi, de 8 h à 17 h, un programme d'activités basées sur les tâches domestiques (épicerie, repas, vaisselle, etc.), les discussions de groupe et les activités de loisirs, telles que la marche, le vélo ou encore les jeux de ballon.

Un milieu communautaire à l'échelle humaine
Même si la vie à l'Arc-en-Ciel se déroule sur une base communautaire structurée, l'environnement physique se rapproche le plus possible de la réalité. La taille humaine de cette ressource d'hébergement bien implantée au sein de la communauté de Granby, les chambres individuelles, le jardin et la piscine en font un lieu chaleureux propice à l'amitié, à l'échange, à la négociation et au respect de l'autre. De plus, l'encadrement souple mais ferme du personnel, 24 heures sur 24, sécurise les individus perturbés sur le plan émotionnel et contribue à l'acquisition d'une discipline individuelle favorable à l'autonomie.

La responsabilisation avant tout
Depuis février 1997, deux projets pilotes de l'Association des parents et amis du malade mental de Granby et la région (A.P.A.M.M.) visent à la responsabilisation. Grâce aux appartements supervisés, quatre personnes vivent maintenant seules, encadrées 20 heures par semaine par des membres du personnel de l'Arc-en-Ciel. De son côté, le projet d'intégration au marché du travail favorise l'apprentissage ou le réapprentissage des habiletés manuelles en amenant des pensionnaires de la Maison Arc-en-Ciel à travailler un à quatre soirs par semaine dans une usine de Granby.

Bien qu'allant toutes les deux dans le sens du courant actuel de désinstitutionnalisation, ces initiatives représentent, pour Danny Lamoureux, plus qu'une économie pour la société. Il s'agit avant tout d'une "intervention plus systémique, plus familiale, plus sociétale " qui permet aux gens de se réaliser à travers le quotidien. Malheureusement, pour que les ressources communautaires puissent remplir parfaitement leur rôle, le directeur de l'Arc-en-Ciel estime qu'il faudrait au moins 80 appartements supervisés pour la grande région de la Haute-Yamaska et le double de lits dans sa maison. Pour cet ancien infirmier du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, la santé mentale " se quantifie en termes de succès humains ". Comme à l'Arc-en-Ciel où, à ce jour, six personnes présentant des troubles sévères et persistants peuvent, désormais, se considérer comme des citoyens à part entière.