Le paranormal au banc des accusés

par Odile Lamy

" Hier, il y avait une lueur bizarre chez nous. Avez-vous des informations là-dessus?
- Non. Qu'est-ce qui s'est passé?
- Y'a une lumière qui est tombée dans le champ là-bas, pis y'avait pas de lumière d'habitude. J'suis un peu inquiète.
- Avez-vous appelé la police?
- Non. "

Ce genre d'appel téléphonique, Pascal Forget en reçoit souvent depuis qu'il est porte-parole de l'Association des sceptiques du Québec. Outre son travail de consultant en informatique, en marketing et en relations publiques, le finissant 91 en administration consacre, depuis cinq ans, de nombreuses heures à ce regroupement. À l'instar des 350 membres, dont le journaliste Jean-René Dufort (lui aussi diplômé de l'Université de Sherbrooke) et Alain Bonnier (le fameux M. Bit du journal La Presse), Pascal Forget promeut bénévolement la pensée rationnelle et l'esprit critique.

Les " Protégez-vous " du paranormal
" Faites attention ! N'importe qui peut prétendre n'importe quoi ! ", répète depuis 1987 un groupe d'incrédules particulièrement méfiants vis-à-vis des soi-disant surhumains, comme cet homme qui affirme être capable de faire remonter un béluga dans le Saint-Laurent de son embouchure jusqu'à Montréal !

En s'attaquant aux phénomènes surnaturels et aux allégations pseudo-scientifiques, les Sceptiques du Québec luttent contre les rapports de causalité trop hâtivement formulés. " Qu'on me dise qu'il y a des choses étranges qui se passent, 100 % d'accord avec vous. Il y a des centaines de coïncidences bizarres ", reconnaît leur représentant. Par contre, n'allez pas déduire la présence d'une civilisation extraterrestre à partir d'une simple lumière dans un champ. Vous l'agaceriez au plus haut point !

Même si leur acharnement laisse parfois croire que les Sceptiques cherchent à démolir les croyances, ce n'est pas le cas. Ils veulent simplement distinguer croyance subjective et connaissance établie pour dénoncer les impostures et apprendre aux gens à se questionner et à faire preuve de circonspection.

Tous les moyens sont bons
Afin d'aider le public à se retrouver dans les méandres du paranormal, les Sceptiques du Québec combinent information et divertissement. Ils disposent d'un magazine publié quatre fois l'an – Le Québec sceptique – et se font connaître par le biais de conférences, de passages à la radio, à la télévision et dans les écoles, de stands dans les salons pour la jeunesse et d'un site Web (www.sceptiques.qc.ca). Dix fois par année, ils débattent de thèmes sérieux, tels l'homéopathie, ou plus légers, comme l'existence du père Noël, au cours de soupers publics qui ont lieu tous les 13 du mois. " Et quand c'est le vendredi, on a deux fois plus de plaisir parce que là, on provoque : on casse des miroirs, on passe en dessous des échelles, on flatte des chats noirs, on renverse des salières ", s'amuse à préciser Pascal Forget.

Les Sceptiques profitent de ces rencontres mensuelles pour mettre à l'épreuve les prétendus possesseurs de pouvoirs paranormaux. Pour cela, ils s'appuient sur la méthode scientifique en leur demandant des résultats suffisamment reproductibles pour lever tout effet du hasard. Environ 25 personnes se sont déjà mesurées au Défi sceptique, d'une valeur de 750 000 $, sans réussir à prouver le moindre don.

À défaut d'octroyer le prix Défi, l'association décerne, chaque année, les prix Sceptique et Fosse sceptique à une personnalité ayant fait preuve de méfiance ou, au contraire, de crédulité hors du commun face au paranormal et aux pseudo-sciences. Elle organise aussi des concours de photos d'objets irréels (ovnis, monstres marins) et va même jusqu'à se mesurer aux devins en prédisant les catastrophes à l'échelle planétaire! Pour 1999, les Sceptiques prédisent un séisme au Québec au printemps, un écrasement d'avion au Canada, une tornade en Irlande et une tempête de verglas au Moyen-Orient.

Rien de tel que des preuves
Toujours par souci d'information, le porte-parole des Sceptiques du Québec se livre à des démonstrations concrètes. Le 23 mai 1994, Pascal Forget a participé à un " suicide collectif " visant à démasquer les fondements de l'homéopathie. Après avoir ingurgité dix flacons de granules dérivées d'arsenic et de strychnine, il n'a constaté aucun effet. " Le lendemain, je me portais très bien à part quelques ballonnements à cause du sucre ", affirme le téméraire qui en conclut que l'homéopathie n'est que du bonbon placebo en raison des dilutions considérables.

Pascal Forget démystifie tout autant la marche sur le feu en affrontant des lits de braises sans préparation ni entraînement. " Si ça prenait des pouvoirs psychiques, je me serais fait toaster ", assure l'incrédule pour qui le bénévolat au sein de l'Association des sceptiques du Québec rapporte gros : grâce à un projet d'émission sur les activités du groupe, Pascal Forget représentera le Québec dans une station de radio libre de la banlieue parisienne, au printemps 1999. Ce stage d'animation de quatorze semaines permettra-t-il au plus grand des sceptiques de devenir une célébrité médiatique internationale? Faute d'astrologue infaillible, patientons pour la réponse...