SOMMITÉS

Journaliste au réseau TVA depuis 1990, Monique Grégoire n'a pas eu, comme bien d'autres, à commencer au bas de l'échelle sa carrière de journaliste. Elle a fait ses débuts au Point, à Radio-Canada, ce qui constitue sans doute l'émission d'information la plus prestigieuse diffusée en français au Canada. Il faut dire que, avant de frapper à la porte de Radio-Canada, Monique Grégoire avait obtenu des diplômes universitaires en économique et en sciences politiques et cumulé une dizaine d'années d'enseignement de ces deux matières au collégial.

Le journalisme par la grande porte

par Bruno Levesque

On imagine souvent une salle de nouvelles comme une véritable fourmilière. Pourtant, moins de deux heures avant le début de l'émission de nouvelles du midi au réseau TVA, tout est calme. À peine une poignée de collaboratrices et collaborateurs entourent la réalisatrice. Ce qui semble être un nouveau papa connaît beaucoup de succès en présentant son bébé à ses collègues. Du côté des sports, deux employés discutent de la défaite des Expos survenue la veille. Peu de bruit, mis à part les sonneries de téléphone et le cliquetis des ordinateurs.

Pourtant, dans quelques minutes, comme autant de pièces d'un puzzle médiatique et électronique, une vingtaine de nouvelles en provenance d'équipes disséminées partout sur le territoire couvert par le réseau TVA seront assemblées en une émission d'une demi-heure censée résumer toute l'actualité du matin.

Diplômée en économique de l'Université de Sherbrooke, Monique Grégoire fait partie de l'une de ces équipes. Depuis un an, elle est chroniqueuse parlementaire à Ottawa. Quotidiennement, elle présente l'actualité politique et économique canadienne aux téléspectatrices et téléspectateurs qui syntonisent TVA. Dossier du sang contaminé, loi sur le tabac, lutte aux gaz à effets de serre, conférences fédérales-provinciales, voyages d'équipe Canada, manifestations de toutes sortes, c'est elle qui nous renseigne sur ce qui se passe sur la colline parlementaire à Ottawa.

Là, elle se retrouve au coeur de l'action et ce ne sont pas les sujets de reportage qui manquent. Tous les groupes de pression sont présents à Ottawa. Les manifestations sur la colline parlementaire ne se comptent plus : maires, assistés sociaux, gays, pêcheurs, etc. En plus, il y a tous les dossiers politiques émanant du Parlement et des ministères. Monique Grégoire explique que les choix sont parfois difficiles : " Comme nous faisons de l'information quotidienne, couvrir ce qui se passe au Parlement est notre première mission. Mais il se passe plusieurs choses importantes chaque jour. Nous devons constamment faire des choix sur ce qui est le plus urgent et le plus d'actualité et ça ne veut pas nécessairement dire que c'est le plus important."

Un rêve d'adolescence

Dès l'adolescence, Monique Grégoire voulait être journaliste. Elle s'est pourtant inscrite en service social à l'Université de Sherbrooke, sans doute séduite par l'idée de participer au grand mouvement de réforme que connaissait la société québécoise en cette fin des années 60.

À Sherbrooke, c'était l'époque de ce qu'on a appelé le département parallèle en service social, une innovation pédagogique visant à laisser davantage de latitude aux étudiants. "Et latitude, le mot est faible, se souvient Monique Grégoire. C'était plus qu'une vision pédagogique ou psychologique, c'était une façon de voir la société qui était différente. Pour dire les choses simplement, disons que l'idée à la base du département parallèle était qu'on ne peut s'attendre à ce que des gens transforment la société si on ne leur donne pas l'occasion, quand ils sont en train d'apprendre, de changer eux-mêmes le milieu dans lequel ils évoluent."

Monique Grégoire se remémore avec plaisir cette année d'étude en service social. Elle se souvient aussi du stage qu'elle a fait l'été suivant au Conseil économique régional de développement, stage qui est à l'origine de sa venue au Département d'économique. "Les gens refusaient constamment nos propositions en disant que nous ne suggérerions jamais de telles choses si nous connaissions les grands fondements économiques", raconte-t-elle.

De telles remarques ont eu pour effet de piquer l'étudiante au vif. Dès l'année suivante, elle d'inscrivait à quelques cours d'économie pour finalement opter pour le baccalauréat en économique.

Monique Grégoire se souvient du Département d'économique comme d'un lieu très dynamique. Quand elle y a étudié, un groupe de nouveaux professeurs arrivaient des universités américaines : Serge Racine, Alban D'Amours, Claude Pichette, "Il y avait également Gérard Pelletier, un véritable intellectuel, mentionne Monique Grégoire. Il a été un maître pour plusieurs d'entre nous. Il enseignait la théorie économique dans ce qu'elle a de plus fondamental, c'est-à-dire, l'histoire de la pensée économique. Il nous faisait travailler très dur, mais c'était passionnant. "

De cette époque, Monique Grégoire retient surtout l'esprit d'équipe qui animait les étudiantes et les étudiants. Ils préparaient leurs examens en groupe. Ils s'installaient dans une classe de la Faculté des arts et, ensemble, résumaient au tableau l'essentiel du contenu du cours à étudier. Quand le tableau était plein, ils changeaient de classe, ce qui fait que chacun pouvait réviser son examen en se promenant d'une classe à l'autre. "C'était un beau groupe, dit-elle. Il m'arrive même, aujourd'hui, d'utiliser ce réseau pour mon travail."

L'après-Sherbrooke

Une fois son baccalauréat terminé, Monique Grégoire est partie pour la University of Western Ontario, où elle a fait une maîtrise en économique et une maîtrise en sciences politiques. Revenue au Québec quelques années plus tard, elle a été professeur d'économie et de sciences politiques aux collèges Bois-de-Boulogne et de Sainte-Foy, dans la région de Québec.

Vers la fin des années 80, elle s'est installée à Montréal et a profité de l'occasion pour tenter sa chance dans le monde journalistique. "Je n'avais aucune expérience en journalisme. Alors j'ai fait comme tout le monde. J'ai posté mon curriculum vitae et j'ai placé des téléphones aux endroits où je croyais qu'on pourrait être intéressé par ma candidature."

La réponse n'a pas tardé et Monique Grégoire s'est retrouvée recherchiste au Point. Le rédacteur en chef de l'époque, Marcel Desjardins, lui a d'abord proposé un contrat de trois semaines, suivi d'un autre de six semaines, puis d'un de deux mois, jusqu'à ce qu'un poste soit finalement ouvert. À cette époque, un grand nombre de dossiers à caractère économique marquent l'actualité. Une grande opération de réforme de la fiscalité canadienne était en cours, l'Accord de libre-échange canado-américain s'en vient. En Europe, l'idée de l'Europe unie commence à germer. Les médias ont donc besoin d'expliquer tous ces dossiers économiques et ses connaissances en économique ont été, de l'avis de Monique Grégoire, la principale raison de son embauche dans l'équipe du Point à Radio-Canada.

La journaliste a apprécié ce passage à Radio-Canada : "C'est avec cette équipe que j'ai tout appris de ce métier, affirme-t-elle. Il y a un programme de formation pour celles et ceux qui commencent dans le métier, avec des réalisateurs, des journalistes et des animateurs qui transmettent leur expérience et leur connaissance du métier aux plus jeunes."

Après quelques années au Point à aider les autres à préparer leurs entrevues et leurs reportages, ce qui constitue le travail de recherchiste, Monique Grégoire souhaitait toujours être journaliste et passer à l'écran, désir qu'elle a réalisé en obtenant un poste au Réseau TVA.

"Quand il m'a embauchée, le vice-président à l'information m'a dit qu'on pouvait traiter de n'importe quel sujet en information, se souvient Monique Grégoire. Il m'a aussi dit qu'on ne devait jamais penser qu'un sujet était trop compliqué, que les gens avaient le droit de tout savoir et de tout comprendre et que l'essentiel était que nous parlions pour qu'ils comprennent.

À TVA, Monique Grégoire a été rapidement affectée aux dossiers économiques, ce qui lui a permis de sauter une étape que beaucoup de journalistes doivent franchir en arrivant : celle des coupures de ruban, du chocolat à Pâques, de l'arrivée du Père Noël, de la rentrée scolaire, etc.

Un des premiers reportages de la diplômée portait sur la TPS qui venait d'entrer en vigueur. "Nous avions fait un reportage à la Binnerie Mont-Royal, restaurant rendu célèbre par Le Matou d'Yves Beauchemin. Nous avions filmé la caisse enregistreuse pour bien montrer que la TPS apparaissait vraiment sur le ruban et nous avions demandé aux gens si la TPS allait les décourager de consommer.

Depuis ce reportage, Monique Grégoire a collaboré à de nombreuses émissions à TVA. "C'est l'avantage de TVA, explique la journaliste. C'est une petite boîte où les frontières sont quasi inexistantes. Les gens peuvent changer d'affectation assez facilement.

Ainsi, Monique Grégoire a travaillé à Salut Bonjour, l'émission du matin du réseau TVA, à L'événement, une émission hebdomadaire d'information qu'animait alors Stéphane Bureau. Elle a aussi animé une émission hebdomadaire d'information économique appelée Libre-échange, collaboré à l'émission du midi, Un jour à la fois, avant de se retrouver chroniqueuse parlementaire à Ottawa.

Et l'automne prochain? Monique Grégoire ne peut rien dire pour l'instant. Que ce soit à Ottawa, à Montréal, à Québec ou ailleurs, la principale préoccupation de Monique Grégoire demeure de comprendre ce qui se passe, d'aller chercher l'information et de la transmettre au public. Pour elle, faire de l'information de qualité demeure le défi premier, d'autant plus que les problématiques auxquelles nos sociétés sont confrontées sont de plus en plus complexes.