Estrie ou Cantons de l'Est?

Doit-on dire <<Estrie>> ou <<Cantons de l'Est>> pour désigner cette belle région située à l'Est de la rivière Richelieu et au sud de l'autoroute 20 où vous avez étudié? La question ne date pas d'hier. En fait, elle est née il y a quelque 50 ans. Le 24 juin 1946, Mgr Maurice O'Bready, à l'occasion de l'ouverture du Festival de la bonne chanson, a rendu public un hymne à ce qu'il appelait à l'époque <<Esterie>>. <<Fièrement, nous exaltons la coquetterie des vivants et gais cantons de notre chère Esterie. Un terroir généreux, une race de preux, un passé glorieux, voilà qu'est ma patrie>>, disait cette chanson.

Les tenants du nouveau vocable <<Esterie>> - rapidement transformé en <<Estrie>> - voulaient une désignation française pour leur région. Ils reprochaient à <<Cantons de l'Est>>, expression adoptée autour de 1860, de n'être qu'une traduction de l'anglais <<Eastern Townships>>.

D'où nous vient ce <<canton>>?

La région bornée par les seigneuries sises le long du Saint-Laurent, de la Chaudière et du Richelieu n'a pas été colonisée pendant le régime français. Elle constituait alors un territoire de chasse abénaquis.

Après la Conquête, à la suite de l'accession des États-Unis à l'indépendance, environ 70 000 citoyens fidèles à l'Angleterre ont quitté les États-Unis. De ce nombre, environ 10 000 se sont installés dans la région, le reste s'établissant dans les Maritimes et en Ontario. Ces Loyalistes - et plusieurs dizaines de milliers d'immigrants américains qui ont franchi la frontière au cours des décennies suivantes - se sont vu octroyer des townships par le gouverneur anglais. C'est à cette époque qu'on a commencé à parler des <<Eastern Townships>> pour désigner les cantons situés au Bas-Canada francophone, par opposition aux <<Western Townships>> de l'Ontario ou encore aux <<Townships of Lower Canada>> ou <<English Lower Canada>>.

Du pour et du contre

Dès l'apparition de la dénomination <<Estrie>> en 1946, la population de la région a été divisée quant au nom à donner à son coin de pays. Le 18 décembre 1948, au lendemain d'une prise de position pro-Estrie par le maire de Sherbrooke, Alphonse Trudeau, le notaire Léonidas Bachand, au nom de la Chambre de commerce, critiquait la décision du maire dans La Tribune et, surtout, l'appellation défendue par celui-ci. La bataille du nom s'est poursuivie pendant des décennies. On en trouve régulièrement des traces dans les titres des médias québécois : <<Recrutement "anti-estrien" pour la défense des Cantons de l'Est>> (La Tribune, avril 1951), <<Il est temps d'accepter officiellement le mot Estrie>> (Le Devoir, octobre 1961), <<L'Office du tourisme devrait cesser d'employer le mot Estrie>> (La Tribune, janvier 1963) et même un ironique <<Heil! Estrie!>> (L'Actualité, novembre 1981).

En 1997, la bataille du nom est loin d'être terminée. Si, en 1981, la Commission de toponymie du Québec a officialisé le nom <<Estrie>> pour la région administrative numéro 5, l'Association touristique de la région, après s'être appelée <<Association touristique de l'Estrie>> pendant plusieurs années, a changé de nom cette année pour <<Association touristique des Cantons de l'Est>>.

Que vous préfériez l'Estrie ou les Cantons de l'Est, les pages qui suivent vous offrent une courte visite de la région où vous avez fait vos études. D'abord, vous irez faire un tour à Kingsey Falls, pour y rencontrer Laurent Lemaire, diplômé de la Faculté d'administration et président de Cascades, une multinationale ayant son siège social dans ce charmant village des Cantons... de l'Est... rie. Puis, trois articles vous esquisseront un portrait économique, historique et touristique de la région.

Si jamais ce modeste dossier vous laissait sur votre appétit, n'hésitez pas à venir faire un tour dans la région. Puis profitez de cette visite pour venir marcher un moment sur le campus. Vous vous rappellerez sans aucun doute de bons souvenirs.