Les nouvelles technologies

à la rescousse des pédagogues?

par Bruno Levesque

À partir du moment où il a été possible, à l'aide d'un ordinateur tout simple, de traiter du texte, du son, des images fixes ou même des séquences vidéo, des spécialistes en éducation et experts en pédagogie ont commencé à s'y intéresser. Ils ont vite imaginé des applications dans le domaine de l'enseignement et se sont empressés de propager la bonne nouvelle auprès de leurs collègues.

Il suffit de jeter un oeil sur ces nouvelles encyclopédies sur disques optiques compacts offertes en magasin pour entrevoir les possibilités de tels outils. À partir, par exemple, de l'entrée <<Bach, Jean-Sébastien>>, j'ai accès à des extraits sonores de ses oeuvres, voir et entendre The English Concert interpréter un Concerto Brandebourgeois sous la direction de Trevor Pinnock. Je peux aussi faire apparaître à l'écran la liste des instruments pour lesquels Bach a composé, voir une illustration schématique permettant de comprendre le fonctionnement de chacun d'eux ou encore entendre et voir quelques virtuoses de ces instruments.

Dans le domaine de l'enseignement, l'utilisation du multimédia peut se révéler utile. Un cours pourra allier du texte, des photos, des graphiques, des illustrations, des extraits sonores, des bandes vidéo, des exercices pratiques, bref tout ce que l'enseignante ou l'enseignant croit utile pour faciliter la compréhension d'une notion ou d'un concept.

L'Université à l'heure d'Internet

Sans prétendre avoir été une pionnière en la matière, l'Université a tout de même réussi, au cours des dernières années, à se doter des outils informatiques nécessaires pour que les professeures et professeures qui le désiraient puissent se lancer à la découverte d'Internet et des technologies multimédias. Des sommes d'argent ont été mises à leur disposition pour des projets visant à utiliser ces technologies nouvelles comme outil de formation. Plusieurs souhaiteraient, sans doute avec raison, que le parc d'ordinateurs soit encore amélioré et que les ressources réservées à ce type de projet soient augmentées, mais l'effort consenti a déjà permis le démarrage de plusieurs projets d'utilisation d'Internet et du multimédia dans l'enseignement.

L'art de la communication

Yves Saint-Arnaud, professeur au Département de psychologie, a déjà créé deux logiciels interactifs d'autoformation. Ces logiciels amènent les étudiantes et étudiants du psychologue à construire un dialogue respectant les règles de l'entrevue apprises en classe.

Chaque étudiante ou étudiant se trouve à jouer le rôle d'un consultant. Une situation lui est présentée, avec son contexte et les objectifs à atteindre. Un client virtuel apparaît à l'écran de son ordinateur et formule une demande de service. Cinq possibilités de réaction du consultant sont ensuite présentées, parmi lesquelles l'étudiant doit choisir. Chaque réponse est analysée par le logiciel. Si l'étudiante ou l'étudiant donne la bonne réponse, les fondements théoriques justifiant ce choix sont affichés. S'il y a erreur, le logiciel livre un commentaire attirant l'attention de l'étudiant sur un point important qu'il semble avoir oublié. Si l'étudiant se trompe à plusieurs reprises sur un même aspect de la théorie, l'ordinateur lui suggère certaines lectures. Au total, l'entrevue comprend une trentaine de questions, ce qui permet de mettre en pratique l'ensemble de la théorie abordée en classe.

Votre manteau, madame

À la Faculté de médecine, une petite équipe composée de deux professeurs, Guy Bisson et André Brizard, de Stéphane Caron, informaticien, et de Yolande Bourassa-Auger, infographiste, utilise les nouvelles technologies de communication pour l'enseignement de la médecine. Des projets sont en cours dans plusieurs domaines des sciences de la santé : cardiologie, microchirurgie, psychiatrie, pneumologie, etc. Des exercices pratiques, des planches anatomiques, des radiographies, des extraits vidéo, etc. sont numérisés sur des ordinateurs, pour permettre aux étudiantes et étudiants de voir concrètement les connaissances acquises dans les livres ou en classe. <<En médecine, l'observation directe est un outil essentiel, explique Guy Bisson. Entendre un professeur expliquer un concept ou lire soi-même un chapitre d'un manuel est très instructif, mais demeure abstrait. Quand on voit quelque chose, ça devient très concret.>>

Voici un exemple de ce qu'on pourra bientôt retrouver sur les ordinateurs de la Faculté de médecine. Tout étudiant ou étudiante en médecine a entendu parler de <<syndrome pariétal>>. Il a lu sur le sujet et sait qu'il s'agit d'un symptôme d'accident cérébrovasculaire. Mais à quoi ressemble ce type de syndrome? Saurait-il le diagnostiquer chez un patient? Dans ce cas, une image vaut aisément mille mots. Sur l'écran de son ordinateur, l'étudiant peut voir un extrait de vidéo où une patiente tente, pendant de longues minutes, de revêtir son manteau. Quiconque voit ces images sait comment se manifeste un syndrome pariétal et pourra toujours reconnaître un tel comportement.

Gérer une classe

À la Faculté d'éducation, le cours Gestion de classe, un nouveau cours obligatoire pour les étudiantes et étudiants du baccalauréat en enseignement au secondaire, est accessible sur le réseau informatique de la Faculté. Il a été offert une première fois à l'automne 1996. Le site imaginé par Thérèse Nault comprend tout ce qu'une ou un futur enseignant rêve de savoir sur l'art difficile de gérer une classe et, surtout, ses élèves. Le contenu théorique de ce cours, les références bibliographiques, les exercices pratiques et même l'évaluation, tout est placé sur un site auquel les étudiantes et étudiants ont accès grâce à un mot de passe. L'étudiante ou l'étudiant est d'abord invité à remplir à l'ordinateur un questionnaire d'autoévaluation de 65 questions qui lui permet de connaître ses forces et ses faiblesses. À la lumière de ce test, l'ordinateur pointe automatiquement les aspects de la gestion de classe avec lesquels l'étudiante ou l'étudiant se croit moins à l'aise et donne accès aux connaissances théoriques reliées à ces points. Le site comprend des résumés des articles les plus importants sur chaque sujet et en donne les références bibliographiques utiles. Il comporte aussi des séquences sur vidéo qui viennent illustrer un comportement erroné ou, au contraire, une stratégie fructueuse.

Voir remuer ciel et terre

Au Département de géographie et télédétection, Michel Rheault a lui aussi décidé de se lancer dans l'aventure du multimédia. L'objectif du professeur est bien entendu d'améliorer le cours d'introduction à la cartographie qu'il offre. Mais il s'agit aussi d'acquérir une expérience dans ce domaine relativement nouveau, d'évaluer les coûts d'une telle opération et le temps nécessaire pour la réaliser et de faire bénéficier ses collègues des connaissances ainsi acquises. Le projet est actuellement en cours de développement. Dans une première étape, le professeur de cartographie compte bientôt offrir les trois premières heures de son cours sur disque compact.

Elle aussi professeure de géographie, Lynda Bellalite consacrera une partie de l'année 1997-1998 à l'élaboration d'un cours multimédia comportant des notions d'astronomie, de géologie, de géomorphologie et de climatologie, toutes des matières basées sur des mouvements dans l'espace à trois dimensions. <<Ces notions, explique-t-elle, ne sont pas simples à concevoir sans les visualiser. Les outils informatiques représentent une piste de solution séduisante.>>

Savoir saisir l'occasion

Directeur du Bureau d'appui aux programmes, Denis Marceau croit que ces outils modernes de communication constituent de bons instruments de formation et encourage les professeures et professeurs à les utiliser. Denis Marceau est cependant loin de voir Internet et les techniques multimédias comme le remède à tous les maux. Selon lui, si elle peut être fort utile et parfois même emballante, cette technologie demeure un outil. <<Un bon marteau est indispensable pour tout bricoleur, explique Denis Marceau. Il est cependant inadéquat pour couper une planche ou percer un trou. C'est un peu la même chose avec ces nouvelles technologies. Elles sont extraordinaires, mais elles ne peuvent pas tout faire, surtout pas remplacer la ou le professeur.>>

Pour la plupart, les utilisatrices et utilisateurs de tels outils sont d'accord avec Denis Marceau. Les avantages des outils informatiques sont nombreux : les documents peuvent être consultés à distance et en tout temps, les étudiantes et étudiants peuvent fonctionner à leur rythme, ils peuvent littéralement voir certains concepts étudiés en classe, etc. Certains vont même jusqu'à dire que, dans certains cas, ils permettraient de réaliser des économies.

Cependant, le multimédia a ses limites. <<Comme dans toute bonne chose, il faut éviter l'excès, soutient Linda Bellalite. L'objectif est de varier les modes d'apprentissage. Je ne vois pas d'un bon oeil une université où tout l'enseignement serait donné de cette façon. On doit cibler des cours particuliers dont le contenu se prête au multimédia.>>

Denis Marceau rappelle que l'Université de Sherbrooke est reconnue comme une université où les contacts entre les étudiantes et étudiants et les gens qui leur enseignent sont faciles. <<Il ne faudrait pas, conclut-il, tout axer sur les nouvelles technologies et négliger cet atout majeur.>>