Écologie sans frontière

par Marie-Claude Veillette

La passion de Colette Ansseau est contagieuse. Il faut voir ses yeux briller d'intérêt lorsqu'elle parle des arbres, de la nature et de l'environnement. Spécialiste en écologie végétale, elle s'intéresse entre autres au dépérissement des érablières du Québec.

Professeure au Département de biologie de l'Université de Sherbrooke depuis 1986,, Colette Ansseau se décrit comme une femme de terrain. Elle aime se rendre sur place pour regarder, toucher, constater. Ses nombreuses observations lui ont permis de noter que les érablières du Québec sont en moins bonne santé qu'on pourrait le croire. Il semblerait même que le dépérissement de l'érable à sucre ne soit pas un phénomène typiquement québécois puisqu'il s'étend à l'ensemble de l'Amérique du Nord.

Si certains signes de dépérissement sont visibles à l'oeil nu comme la diminution du feuillage ou l'atrophie des branches, d'autres s'avèrent plus complexes, tels la modification de la structure du système racinaire. Ces symptômes de dépérissement sont d'une importance capitale aux yeux de Colette Ansseau. On doit s'attarder davantage aux signes de dépérissement qu'aux causes du problème, explique-t-elle. C'est la seule façon de développer une méthode de suivi.

Comme constante de fonctionnement, Colette Ansseau vise l'interdisciplinarité. C'est pourquoi ses projets sont si nombreux et si diversifiés. Cependant, son amour de la forêt et son respect de l'environnement sont toujours à la base des travaux qu'elle entreprend.En plus de ses recherches sur l'érable à sucre, Colette Ansseau participe au projet STOPER (STratégies d'OPtimisation d'Écosystèmes Régionaux). Échelonné sur une période de trois ans, STOPER est constitué d'une dizaine de sous-projets qui sont menés conjointement par cinq facultés. Pour sa part, la professeure d'écologie étudie notamment es nouvelles technologies de gestion des résidus et déchets sur les écosystèmes forestiers et agricoles en Estrie-Montérégie, notamment les conséquences de l'utilisation des boues d'usines d'épuration comme fertilisants. Toujours dans le cadre de STOPER, Colette Ansseau travaille de concert avec la Faculté des sciences appliquées, à la mise sur pied d'un prototype de système-expert qui servira d'aide aux principaux acteurs dans la prise de décision en matière environnementale. Les résultats de STOPER devraient être connus d'ici la fin 1996 et proposeront une méthodologie d'optimisation de la gestion des écosystèmes régionaux.

En plus d'être interdisciplinaire, l'intérêt de Colette Ansseau est international. Reconnue pour son ouverture sur le monde, elle a travaillé au Rwanda, au Maroc et au Zaïre. C'est ce qui l'a menée à participer à l'élaboration d'un ensemble écotechnologique approprié pour la production de la brique cuite au Rwanda. Confronté à une demande croissante en logement, les habitants du Rwanda se servent de la brique d'argile cuite pour la construction des maisons. Auparavant, ces briques étaient cuites dans des fours demandant une grande quantité de bois. Devant la déforestation imminente, des chercheuses et chercheurs de l'Université nationale du Rwanda et de l'Université de Sherbrooke ont mis conjointement sur pied un projet pour pallier ce problème, grâce à l'appui du Centre de recherche en développement international. L'équipe, pour la première étape de ce projet, a conçu un immense four d'une capacité de 55 000 à 60 000 briques qui, par rapport au four traditionnel, a fait chuter de moitié la consommation de combustible de bois. De type igloo, ce four permet d'atteindre des températures de l'ordre de 900 à 950 degrés Celsius et utilise différentes sources d'énergie comme la tourbe, la sciure de bois, la balle de riz, etc. La deuxième étape du projet consiste maintenant à diffuser la technologie de production de la brique dans les milieux ruraux et semi-urbains à travers le monde. un projet-pilote est actuellement en cours à Madagascar. Tant que l'environnement sera menacé par ceux qui tente de se l'approprier, Colette Ansseau sera aux premières loges afin de se battre pour conserver cet héritage naturel qu'elle espère pouvoir léguer à la génération qui vient.

Réflexion et coopération

Pour une économie prospère

par Sandra Duchesne

Si on ne réagit pas rapidement afin d'augmenter le taux de naissances, les coûts deviendront insupportables dans vingt ans. Au Québec, il est primordial de favoriser une réflexion sur les rapports entre les hommes et les femmes, afin d'obtenir un accroissement du taux de naissances. Tels sont les propos tenu par l'économiste Roma Dauphin, qui enseigne à l'Université de Sherbrooke depuis 1969, à propos de l'avenir du Québec. Son livre, paru en 1994, Économie du Québec, une économie à la remorque de ses groupes, met en relief l'acuité de nombreux problèmes de nature économique, certes, mais aussi d'autres problèmes, comme celui de la démographie.

Dans Économie du Québec, Roma Dauphin cherche essentiellement à informer les jeunes de l'état de la situation, sans inclure de jugement car, selon lui, il faut que les jeunes eux-mêmes trouvent les solutions. En ciblant les jeunes comme lecteurs, il souhaite obtenir un impact à long terme. C'est pourquoi il espère que tous les professeurs et professeures d'économie du Québec utiliseront ce livre comme ouvrage de référence : Je ne suis pas certain de convaincre tous les professeurs, explique l'économiste, car mon livre aborde des thèmes plus difficiles que les ouvrages utilisés actuellement. Mais si je réussissais, peut-être verrait-on des jeunes un peu mieux informés des défis qu'ils auront à rencontrer au cours de leur vie.

Même si Roma Dauphin évite de se prononcer sur le sort de l'économie dans ce volume, celui-ci profite des entrevues qu'il accorde et des articles qu'il rédige pour avancer des solutions concrètes. De plus, il avoue formuler des propositions ayant uniquement comme but de provoquer, afin de susciter une réflexion chez la population plus âgée.

Il explique que si l'économie est à la remorque de ses groupes, c'est parce que ceux-ci ne travaillent pas ensemble. Les syndicats luttent contre les entreprises, les femmes affrontent les hommes, les jeunes mettent la faute sur leurs parents, etc. Roma Dauphin encourage plutôt une coopération entre tous ces groupes, une saine collaboration, ce qui, d'après lui, augmenterait le taux de croissance de l'économie : Les syndicats, par exemple, doivent cesser d'exiger des lois qui ne contribuent qu'à protéger leurs membres. S'ils travaillaient de concert avec les entreprises, les gens ayant aujourd'hui un emploi assuré et un gros salaire cesseraient de bloquer l'accès aux jeunes. On doit faire en sorte que l'économie soit plus accueillante pour les jeunes.

Problèmes politiques

Par ailleurs, l'auteur insiste sur l'importance de la planification à long terme, car les décisions prises aujourd'hui auront encore des conséquences dans 40 ans. Pourtant, du côté politique, les règles incitent le gouvernement québécois à planifier à court terme, sur un horizon de quatre ans. Mais ces règles ne refètent pas nécessairement les désirs de la population. Par exemple, expose Roma Dauphin, on peut penser qu'une population bien avertie rejetterait un gouvernement qui pose un geste bénéfique à court terme mais qui implique la disparition de la société dans 20 ou 25 ans.

Le professeur ajoute que la population elle-même n'exige pas une planification à long terme de son gouvernement. Néanmoins, ce dernier pourrait être fortement encouragé à penser pour les 25 prochaines années, donc strictement pour la jeune génération. À l'heure actuelle, précise Roma Dauphin , le gouvernement pense davantage en fonction des gens de 40 à 55 ans, parce que cette catégorie d'âge représente la majorité des électeurs.

L'économiste poursuit en affirmant qu'il n'y a pas suffisamment d'hommes et de femmes dans notre société qui évaluent les décisions du gouvernement dans une optique à long terme. Étant libres de leur discours plus que tout autre professionnel, les universitaires québécois pourraient se donner la responsabilité d'analyser à long terme les politiques de notre gouvernement. Ensuite, leurs réflexions pourraient être débattues sur la place publique. Ça serait un bon début.

Roma Dauphin conclut en illustrant pourquoi il n'est pas utopique de vouloir changer une société : C'est comme un château de cartes qu'on fait tomber. On n'informe peut-être qu'une infime partie de la population, mais ça pourrait faire renverser bien des choses...