SOMMITÉS

Diplômé en génie chimique en 1977, Alain Ferland est entré au service d'Ult ramar dès l'année suivante. Depuis, tout baigne dans l'huile. Il a accumulé les bons coups, ce qui lui a permis de gravir les échelons qui l'ont conduit à la tête de l'entreprise.

< p> Alain Ferland

Un ingénieur raffineur

par Bruno Levesque

Ultramar a été le théâtre de bien des transformations depuis quelques années. L'en treprise s'est entièrement restructurée, une raffinerie située dans les Maritimes a été fermée, de nombreux postes ont été abolis. Pendant ce temps, Alain Ferland est monté en grade. Directeur général de la raffinerie de Québec en 1988, il a été nommé vice-président, Affaires environnementales et corporatives, en 1990, vice-président principal, Raffinage, distribution et environnement, en 1991, et finalement vice-président principal en 1993.

À ce titre, Alain Ferland siège au comité de direction stratégique d'Ultramar Corporation, une société américaine form& eacute;e en 1992 pour acquérir Ultramar inc. et Ultramar Canada de la firme anglaise Ultramar PLC. Il est aussi membre du conseil consultatif d'Ultramar Canada inc. et du conseil d'administration d'Ultramar ltée. Il relève directement du président et chef de l'exploitation d'Ultramar Corporation. Il est responsable de l'approvisionnement, du raffinage, de la distribution, de l'environnement, du développement corporatif, des affaires publiques et des relations avec les go uvernements pour l'ensemble des activités d'Ultramar au Canada. Il partage la direction d'Ultramar Canada avec Christopher Havens, vice-président, Marketing et Services. <<La vente et la commercialisation constituent le champ d'exp&eac ute;rience de Christopher Havens, explique Alain Ferland. De mon côté, je suis davantage spécialisé dans le raffinage, l'approvisionnement et la distribution.>>

En 1994, 17 ans après son ent rée chez Ultramar à titre d'ingénieur de procédés, ce diplômé en génie chimique se retrouve à la tête d'une entreprise qui a vendu l'équivalent de 56 500 barils de pétrole t ransformés en essence, en mazout et en autres produits dérivés. En 1994, les revenus de l'entreprise se sont élevés à 1,3 milliard de dollars pour des profits d'un peu moins de 60 millions de dollars.

La plupart des gens connaissent Ultramar parce qu'ils se rendent parfois dans une station-service d'Ultramar pour y faire le plein d'essence. Mais les stations-services ne sont qu'une des activités de l'entreprise. Ultramar Canada est ce qu'Alain Ferland nomme un <<raffineur-marketeur>>. L'entreprise tire 45 p. 100 de son revenu de la vente d'essence, 35 p. 100 de la vente d'huile à chauffage et de diesel et 20 p. 100 d'autres produits.

Les a ctivités de l'entreprise commencent par l'achat de pétrole, généralement du pétrole brut provenant de la mer du Nord, et son transport vers la raffinerie de Saint-Romuald, sur la rive sud du fleuve, en face de Qué bec. Deux raisons principales justifient ce choix : la proximité de la mer du Nord par rapport au Golfe persique et la qualité du pétrole brut. <<En fait, lance Alain Ferland, notre choix de pétrole constitue un compromis entre le prix et la qualité. Il s'agit de trouver la meilleure façon de mélanger différents bruts pour obtenir la recette qui tient le mieux compte des qualités de pétrole brut et de nos besoins.>>

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Après avoir été acheté, le pétrole est placé sur un bateau qui met à peu près quinze jours pour se rendre à Saint-Romuald. Une fois à la raffinerie, le pétrole es t versé dans un grand réservoir et l'opération de raffinage commence. Le pétrole est séparé en ses constituants. L'essence est ensuite transformée de façon à améliorer sa qualité , par exemple en haussant son taux d'octane. Elle est ensuite mise dans des camions-citernes et livrée dans les stations-services. <<Toute cette opération exige un équipement à haute teneur technologique, commente Alain F erland. Ce sont des procédés extrêmement automatisés, avec de nombreux ordinateurs qui assurent le contrôle de la qualité et vérifient constamment le rendement de l'usine. Nous devons porter une grande attent ion à contrôler nos coûts de production.>>

Un marché hautement compétitif

Si la surveillance des coûts de production est si importante, c'est que le marché du pétrole est particulièrement compétitif. Chaque part de marché est l'objet d'une lutte féroce et les entreprises payent cher le moindre relâchement. Chaque client est courtisé. Et la meil leure façon de séduire un client est de lui offrir son produit à bas prix.

Pourtant la marge de manoeuvre n'est pas très grande. La moitié du prix de l'essence est en fait constitué de tax es, 40 p. 100 résulte du prix du pétrole brut et 10 p. 100 du coût du raffinage et des profits. D'où une surveillance étroite des coûts de production.

Un autre phénomène expliq ue la vive compétition dans le domaine de l'essence et du mazout : la chute récente de la demande pour les produits pétroliers. Causée à la fois par l'apparition d'autres sources d'énergie et par l'améliora tion des mesures de conservation de l'énergie, cette baisse de demande a fait en sorte que toute l'infrastructure que les pétrolières avaient mise en place est rapidement devenue démesurée. <<À une certaine époque, il y avait sept raffineries au Québec. Il n'en reste que trois, constate Alain Ferland. On retrouve encore un trop grand nombre de stations-services, même si plusieurs d'entre elles ont fermé depuis quelques année s. Personne ne veut fermer ses stations. Les entreprises attendent que les autres ferment et souhaitent récupérer leur volume de vente. C'est le même phénomène pour l'huile à chauffage.>>

Pendant ce temps, les raffineries produisent plus d'essence qu'il n'en faut pour répondre à la demande. Les coûts de fabrication étant surtout des coûts fixes, il devient tentant de produire un peu plus, parce que le dernier baril raffiné coûte très peu par rapport aux premiers. <<Il y a une tendance, pour l'ensemble de l'industrie, à faire des surplus pour amoindrir les coûts par baril, avoue Alain Ferland. Mais l'industrie est en train de s e réajuster. C'est un environnement où les meilleurs vont gagner. Et les meilleurs seront ceux qui obtiendront un maximum d'efficacité pour réduire leurs coûts de production, tout en offrant un service de grande qualit&ea cute;.>>

Un combustible qui a de l'avenir

Malgré cette compétition féroce, Alain Ferland demeure optimiste de voir Ultramar prospérer. Même optimisme l orsqu'il est question d'autres formes d'énergie qui pourraient devenir des compétiteurs pour le pétrole : <<Si on parle de carburants alternatifs comme le méthanol ou d'autres carburants de ce type, ils n'ont normalement d'existence sur le marché que s'ils sont subventionnés par les gouvernements. Aujourd'hui, nos gouvernements ont de moins en moins de marge de manoeuvre pour distribuer les subventions. Il serait donc étonnant qu'on aille dans cette d irection.>> Pour ce qui est du véhicule électrique, Alain Ferland croit que la clientèle n'est pas encore prête parce qu'il est beaucoup plus coûteux qu'un véhicule à moteur traditionnel.

Le vice-président d'Ultramar signale d'autre part que, depuis 20 ans, l'essence s'est beaucoup améliorée sur le plan de l'environnement. <<Nous avons réduit les émissions polluantes de 98 p. 100, pr&eacu te;cise-t-il. Tout récemment, l'Institut canadien des produits pétroliers a déposé une offre au ministère canadien de l'Environnement pour les abaisser davantage. Nous proposons une essence reformulée, encore moin s polluante. Il est illusoire de penser qu'on va un jour arriver à zéro, mais on peut encore améliorer les choses.>>

Selon Alain Ferland, il faut trouver un équilibre entre l'économie et l' environnement. S'il est selon lui souhaitable de respirer un air parfaitement pur, travailler est aussi une priorité. <<Pourquoi, conclut-il, ne pas trouver un compromis qui ferait que nous pourrions garder notre capacité de raffiner, de mettre en marché nos propres produits et de garder nos emplois, tout en améliorant progressivement la qualité de nos produits?>>