La 55 au peigne fin

par Sandra Duchesne

Une analyse effectuée par Nancy Dansereau, tout r&ea cute;cemment diplômée du Département de géographie et télédétection, a permis de délimiter, sur l'autoroute 55, des zones noires où un nombre anormalement élevé d'accidents ou des accidents particulièrement graves se produisent. Pour cette étude, qui a constitué son mémoire de maîtrise, elle a effectué un relevé exhaustif des accidents survenus entre 1982 et 1992 sur la partie de l'a utoroute 55 qui relie la frontière américaine au sud à l'autoroute 20 au nord, en passant par Sherbrooke. Dans son mémoire, intitulé Analyse des accidents survenus sur l'autoroute 55 dans le sud du Québec entre 1982-1992 et rédigé sous la direction de Marcel Pouliot et Denis Morin, Nancy Dansereau cherche quels facteurs peuvent avoir occasionné ces accidents.

Pour les besoins de l'étude, l'autoroute 55 a été divisée en trois sections, chacune d'elles présentant des caractéristiques distinctes. La première, qui va de la frontière américaine jusqu'à sa jonction avec l'autoroute 10, possèd e quatre voies, séparées par un terre-plein. La seconde, celle où l'autoroute 55 est fusionnée avec l'autoroute 10, de Magog jusqu'à Sherbrooke, possède les mêmes caractéristiques, mais la circulation y est plus dense. Dans la troisième section, de Sherbrooke jusqu'à l'autoroute 20, à Drummondville, la 55 n'a plus que deux voies, sans terre-plein au centre.

Nancy Dansereau a comparé les accidents su rvenus dans la première section avec ceux de la troisième. Elle désirait vérifier s'il se produit plus d'accidents dans l'une des sections, et connaître les genres d'accidents les plus fréquents. Les variables cib lées comme causes potentielles d'accidents relevaient de l'environnement : largeur des voies et des accotements, nombre de véhicules en circulation, qualité de la route, etc.

Des zones noires

À partir des données recueillies, Nancy Dansereau a cerné quelques endroits problématiques, nommés zones noires, qui sont le lieu soit d'un nombre anormalement élevé d'accidents, soit d'accidents particulièrement graves.

Sept de ces zones noires ont été identifiées. La première et la deuxième, situées près de la frontière américaine, se caractérise nt par la présence d'une intersection. Pour remédier à cette situation, un viaduc a été construit à la première intersection en 1993. La seconde, celle du chemin Curtis, a été laissée t elle quelle. Pourtant, des 71 accidents survenus dans cette zone, 38 p. 100 sont directement reliés à cette intersection.

Selon Nancy Dansereau, les zones près des échangeurs avec des bretelles d'acc&eg rave;s importantes, comme l'échangeur qui mène vers la route de Thetford-Mines, au nord de Sherbrooke, et celui de l'intersection des autoroutes 10 et 55, à Omerville, sont aussi considérées comme problématiques. À ces endroits, les véhicules qui entrent et sortent occasionnent un plus grand nombre de problèmes. Certaines manoeuvres difficiles suscitent un sentiment d'insécurité chez les automobilistes.

La diplômée en géographie a aussi remarqué que les zones de transition, où l'on passe de quatre à deux voies, présentent un certain danger : <<Les automobilistes mettent un certain temps avant de chang er leur façon de conduire. On ne roule plus sur une autoroute à quatre voies, il faut donc être davantage à l'affût des mouvements des véhicules devant et derrière soi. Si on réagit mal, c'est à ce moment qu'arrive l'accident.>>

Les accidents

L'étude conclut qu'il y a une très faible différence en ce qui a trait au nombre d'accidents dans les deux sections , compte tenu du débit de circulation et de la longueur de ces sections. Par contre, le nombre d'accidents mortels survenus dans la partie à deux voies contiguës est nettement plus important : le pourcentage (11 p. 100) est deux fois pl us élevé que dans la partie à quatre voies divisées (5 p. 100). La largeur des voies et le pourcentage important de véhicules lourds y circulant constituent les principales variables environnementales expliquant la gravi té de ces accidents.

En guise de recommandations, Nancy Dansereau évoque évidemment l'intersection du chemin Curtis qui devrait être éliminée. Puisque la construction d'un viaduc serait tro p onéreuse, elle propose une voie de service qui longerait l'autoroute et permettrait aux usagers d'utiliser le viaduc le plus près. Par ailleurs, afin de diminuer le nombre d'accidents graves et mortels, le dédoublement des voies ent re Sherbrooke et Drummondville semble inévitable. Les restrictions budgétaires entrant encore en jeu, la diplômée en géographie propose le dédoublement des chaussées par phases. Des travaux sont d'ailleurs e n cours entre Sherbrooke et Windsor.

Cette recherche ne se préoccupant que des variables environnementales, elle ne prétend nullement à l'exhaustivité. Nancy Dansereau précise : <<Nous n'av ons évidemment pas évalué le comportement humain. Qu'il s'agisse d'autos qui se rangent sur l'accotement, de conducteurs qui dépassent à droite, d'autres encore qui agissent comme s'il y avait quatre voies, tous ces comp ortements peuvent augmenter le nombre d'accidents. Mais d'un autre côté, si les automobilistes réagissent de cette façon, c'est peut-être parce que la route les incite à agir ainsi.>>

À qui la faute, alors, lorsqu'un accident survient? À la route elle-même ou aux conductrices et conducteurs? Un peu des deux, sans doute, car malgré l'intérêt qu'elles suscitent et la justesse de leur analyse, des & eacute;tudes comme celle réalisée par Nancy Dansereau ne peuvent remédier à tout. Même si toutes les recommandations qu'elle contient étaient appliquées à la lettre, le facteur humain sera toujours pr ésent. La sécurité de chacun sur les routes passe aussi par des automobilistes prudents et consciencieux.

Une équipe soucieuse de votre sécurité

Le Coop&eac ute;ratif de recherche en sécurité routière de l'Université de Sherbrooke (CORSUS), un regroupement multidisciplinaire de chercheuses et chercheurs, oeuvre depuis 1990 dans le domaine de la sécurité routièr e, du génie routier et des transports. Marcel Pouliot et Denis Morin, professeurs au Département de géographie et télédétection, Thérèse Audet et Richard Lefrançois, professeurs au Dépa rtement de psychologie, et Claude Lupien, professeur au Département de génie civil, constituent l'équipe de base du groupe. Les membres du CORSUS mènent de front cinq projets touchant les accidents routiers dans les petites vil les et en milieu rural.

Vignette

L'étude que Nancy Dansereau a réalisée sous la direction de Marcel Pouliot démontre notamment que les bretelles de sortie et de l'autoroute 55 c onstituent des endroits où les risques d'accidents sont plus élevés qu'ailleurs sur l'autoroute.