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Physique -> Maths

De la physique aux mathématiques, de Sherbrooke à Londres

La carrière d'un physicien suit rarement un parcours « linéaire ». J'en connais qui travaillent maintenant pour la défense canadienne après avoir étudié en physique médicale. Il y en a d'autres qui s’affairent pour des compagnies de détection radar après avoir disséqué des poissons pour en étudier les neurones. D’autres encore élaborent des projets au sein de boîtes de consultants ou conseillent des banques après avoir terminé des études expérimentales en physique du solide. Je connais même un physicien qui, à titre de professeur de génie mécanique, se préoccupe de construire des ordinateurs quantiques, après avoir réussi une maîtrise en philosophie et un doctorat en systèmes complexes!

Ma propre carrière s’aligne parfaitement dans un parcours « non linéaire ». Après avoir obtenu mon bac en physique à Sherbrooke (régime coopératif, 1997), je me suis dirigé vers Boston pour y décrocher un diplôme de deuxième cycle en théorie de l'information et en physique des systèmes complexes au département de génie mécanique du MIT. Par la suite, je suis revenu au Québec pour entreprendre des études doctorales à McGill. Le doctorat lui-même serpentait à travers plusieurs sujets. En trois ans et demi, j'ai en effet travaillé sur des projets allant de l'informatique quantique à la physique statistique en passant par la neurobiophysique, au sein de trois départements différents: informatique, physique et physiologie.

À la fin de mon troisième cycle d’études, j'ai commencé à penser qu'il me manquait quelques disciplines dans ma collection. Pour la compléter davantage, j'ai donc poursuivi ma formation avec un stage postdoctoral au Queen Mary College de l'Université de Londres dans un département de mathématiques! J’y travaille encore maintenant, mais en tant que professeur assistant, ou « lecturer in applied mathematics » comme on dit ici.

Ce qui fait, je crois, que ma carrière s’inscrit dans un tracé « non linéaire », à l'instar des autres que j'ai mentionnées, est que l'étude de la physique touche à pratiquement tous les domaines de la science : mathématiques, chimie, informatique, ingénierie, biologie et même médecine. Je suis convaincu qu’à partir du bac en physique, on peut accéder à n'importe laquelle de ces spécialités pour autant que l'on cultive une curiosité pour l'une d’elles et que l’on ose sauter les « frontières » départementales. En fait, j'irais jusqu'à affirmer que l’étude de la physique au premier cycle permet de rejoindre n'importe quel autre sujet scientifique au niveau de la maîtrise et du doctorat ou pour le travail. La physique ouvre toutes les portes — même celles des banques — ce qui n'est peut-être pas le cas de la biologie par exemple. Cela ne se traduit pas par une supériorité des physiciens sur les biologistes (que ces derniers soient rassurés ici); cela signifie seulement que la physique couvre un vaste domaine, et que son étude offre une formation générale et interdisciplinaire permettant d'accéder à un domaine encore plus vaste. Cet aspect de la physique donne d’ailleurs du fil à retordre aux employeurs : « Que fait un physicien exactement? » À vous de choisir : tracez votre propre parcours « non linéaire »!

Pour ma part, la vie s’écoule agréablement à Londres, même sans neige et en dépit de la reine, et je prévois donc convertir mes étudiants des mathématiques à la physique pour plusieurs années encore. Un jour, peut-être, je penserai à étudier un nouveau sujet en vue de changer de département. Ou devenir un vrai physicien... 
 

Hugo Touchette
Bachelier