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Liaison, 14 juin 2007
Ah, la gaffe!
LUCIE
GAUTHIER
Psychologue
«Chéri, je viens de faire une &%! de gaffe!» C'est la première chose
que j'ai dite en rentrant d'une session intensive de magasinage avec mes
filles. Je n'utilise pratiquement jamais ce genre de juron, alors mon
mari, dans sa candeur de mâle, m'a tout de suite demandé : «Combien cela a
coûté? – Non, non, rassure-toi, ça n'a rien à voir avec les achats. C'est
une vraie gaffe; j'ai vraiment fait une bêtise! Imagine-toi donc, j'ai
rencontré Sophie, tu te rappelles, Sophie M.? Nous avions fêté chez elle
avec un groupe de golfeurs, il y a environ quatre ans. Elle avait un très
jeune bébé et toutes les femmes étaient autour de lui. Aujourd'hui, je me
présente au comptoir pour payer mes articles et c'est elle qui me répond.
Je lui dis bonjour et visiblement, elle ne me reconnaît pas. J'ai quelques
secondes d'hésitation et je choisis de lui rappeler que nous nous sommes
déjà rencontrées plutôt que de jouer aux parfaites inconnues. Elle fait le
lien et se montre rapidement familière avec moi. Voyant son beau petit
bedon rond pointé hors de sa jupe de jean à taille basse, je sens monter
en moi une vague d'émerveillement et, spontanément, je m'exclame : «Wow,
tu attends un nouveau bébé? – Non, m'a-t-elle répondu sur un ton un peu
contrarié, je ne suis pas enceinte!» Je me suis sentie tout à coup
submergée par un énorme bouillon de malaise. Je me suis excusée tant bien
que mal et je suis partie.»
Le sens de l'erreur
«Pourquoi ai-je dit une telle sottise? Qu'est-ce qui m'a pris? Je sais
pertinemment qu'on ne doit jamais aborder une femme avec de tels propos!»
Mon mari écoute et acquiesce timidement à l'idée d'une gaffe. Je me sens
tout à fait blonde et impuissante. «C'est tellement absurde, je l'ai
probablement blessée alors que je voulais me montrer gentille et
intéressée. – Ne t'en fais pas, répond d'une voix rassurante mon époux, tu
ne l'as pas fait exprès, tu t'es excusée; le reste, tu n'y peux rien.»
J'essaie de passer à autre chose, mais c'est difficile d'accepter
l'absurdité, surtout quand j'en suis l'auteure inconsciente, alors j'ai ce
réflexe : il doit certainement y avoir un sens! Peut-être qu'ayant connu
Sophie alors qu'elle venait d'avoir un bébé l'ai-je associée à la
maternité? Ou bien je venais tout juste de croiser une femme enceinte, et
j'avais probablement cette impression en tête? Ou encore, je connaissais
Sophie mais si peu que je cherchais quelque chose de gentil à lui dire, et
c'est ce qui m'est venu? La quête d'un certaine logique apaise un peu ma
culpabilité, mais les explications du pourquoi n'enlèvent malheureusement
rien à l'erreur! J'imagine les répercussions : elle doit croire que je la
trouve trop grosse, que ses vêtements ne la mettent pas en valeur ou que
je ne suis vraiment pas douée pour les bonnes manières. Le vrai sens
serait-il alors dans l'avenir? Peut-être que ce qui à première vue paraît
absurde ou désastreux sera éventuellement utile? Il n'y a rien qui arrive
pour rien dans la vie, dit-on, enfin je l'espère!
Plongée dans mes réflexions stériles, j'observe mon mari captivé à
nouveau par son tournoi de golf télévisé. Décidément, il ne se casse pas
la tête; il vit son moment présent. Moi, depuis quelques minutes, je me
balade entre le passé et le futur à la recherche d'un sens. Est-ce si
nécessaire? Est-ce utile? Peut-on simplement considérer une erreur comme
une sorte d'expérience et passer à autre chose? Lasse d'enquêter sur le
sens du sens, je me rapproche de mon «Yvan Bontemps». J'observe Michelson
avec lui. Si le golfeur réussit la
normale du
dernier trou, il gagne; s'il fait un
boogie, il
égalise. L'enjeu est important, mais la victoire semble pratiquement
assurée. Il manque le
par. La
situation se corse, il doit absolument réussir le prochain coup pour
pouvoir égaliser. Il frappe la balle beaucoup trop fort; c'est un coup
raté! Les réactions se font entendre de toutes parts dans la foule. Quelle
perte pour le golfeur! Quel spectacle pour les amateurs de golf et quelle
leçon pour moi : la gravité et l'interprétation
d'une erreur, c'est un point de vue tout à fait subjectif en fin de
compte.
Le droit à l'erreur
En élargissant ma réflexion, j'en déduis qu'une erreur est comme un
coup manqué au golf. L'intention est de réussir et l'esprit est mobilisé
pour frapper juste et bien, mais la balle ne suit pas toujours le parcours
attendu. Une multitude d'éléments peuvent interférer entre l'intention et
le résultat. Parfois, on identifie la cause de l'erreur et elle devient
profitable, mais parfois aussi, nous ne pouvons dénouer l'énigme. Les
facteurs responsables de cet écart se situent probablement bien au-delà de
notre conscience. L'important est de toujours garder la mire sur la bonne
intention et de faire confiance qu'une erreur peut mener à quelque chose
de constructif.
En collaboration avec
Le Service de
psychologie et d'orientation
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