La médecine du bout du monde
ROBIN RENAUD
Imaginez une ville de 400 000 habitants
inaccessible par la route, en pleine forêt amazonienne. Ajoutez que dans
cette ville isolée, les ressources de santé publique sont anémiques et
qu'une bonne part de la population a des revenus si faibles qu'il lui est
impossible de se payer une visite chez le médecin. Cette ville, c'est
Iquitos, au Pérou. Une dizaine d'étudiantes et d'étudiants en médecine vont
s'y rendre cet été pour un projet d'aide humanitaire. Bien que cette région
soit prisée des touristes, le séjour de ces futurs médecins n'aura pas des
airs de vacances.
Émilie Haman en sait quelque chose. Elle se rendra à Iquitos pour une
seconde fois, en juillet. «Notre mission a plusieurs buts, explique-t-elle.
Il y a bien sûr la portion d'apprentissage médical et l'aide aux soins qu'on
peut apporter. Nous contribuerons aux activités d'une maison de jeunes
défavorisés ainsi qu'aux soins prodigués à l'hôpital général et dans une
clinique pour sidéens. Notre projet vise aussi à apporter des fournitures
médicales qui font cruellement défaut là-bas.» Ces fournitures sont des
médicaments, mais aussi des gants chirurgicaux. «Il n'est pas rare de voir
des médecins ou des infirmières pratiquer des manœuvres à haut risque à
mains nues, ou avec un seul gant, parce qu'il n'y en a plus, ajoute-t-elle.
Ça donne une idée de l'importance des besoins.»
Deux groupes
Pendant l'été, deux cohortes de six étudiants se relaieront sur une
période de huit semaines afin d'assurer un maximum de suivi auprès de la
population d'Iquitos. Ces deux mois de stage devraient avoir un impact
important dans la vie des gens du pays d'accueil. La première cohorte se
composera uniquement d'étudiantes et d'étudiants de l'UdeS, tandis que la
seconde comptera quatre étudiants de Sherbrooke, un de l'Université McGill
et un de l'Université de Montréal.
Les deux groupes ont financé leur mission par diverses activités.
Notamment, ils ont sollicité des dons de matériel médical et de fournitures
scolaires auprès d'entreprises, de laboratoires universitaires et de
particuliers. Le projet existe depuis quatre ans et il est soutenu par
l'antenne québécoise de l'association mondiale des fédérations d'étudiants
en médecine (IFMSA).
Tout un choc
Pour Émilie Haman, le contact avec la dure réalité d'Iquitos permet de
relativiser ce qu'on entend sur les lacunes de notre système de santé. «Nous
croisons dans les rues des jeunes filles de 17 ou 18 ans
qui ont déjà trois enfants, et qui n'ont pas les moyens de les élever,
dit-elle. Des familles de 10 s'entassent dans de
petits logements d'une seule pièce. Sur le plan médical, les gens qui se
rendent chez le médecin sont souvent des personnes dont la santé est
extrêmement détériorée, parce qu'elles consultent en dernier recours, faute
d'argent ou de cliniques gratuites.»
Elle raconte aussi que les équipes médicales sur place peuvent
difficilement administrer les traitements requis, une fois le diagnostic
posé. «Même si on connaît l'intervention à faire, les ressources disponibles
dans la ville ne sont pas toujours au rendez-vous. Les patients devraient
être transférés à Lima pour des interventions, mais ce n'est pas toujours
possible faute de ressources ou de moyens. Chez nous, on entend beaucoup de
critiques sur le système de santé québécois. Tout n'est peut-être pas
parfait, mais ça n'a rien à voir avec cette réalité. Nous sommes très
choyés», explique-t-elle.
L'aide humanitaire
Grâce à sa première expérience, l'étudiante jette donc un regard très
lucide quant au séjour qui l'attend au Pérou. «Ce sera fatigant et parfois
démoralisant», confie-t-elle. Pourquoi alors avoir le désir d'y retourner?
«Les besoins sont tellement grands là-bas que notre action est certainement
utile. En plus des tâches médicales, nous offrons des cours d'anglais aux
jeunes Péruviens, en plus de mener des actions pour prévenir la propagation
du sida, qui est un autre problème important là-bas.»
Emilie Haman dit que cette expérience l'encourage à continuer d'offrir du
temps pour des projets d'aide internationale dans sa future carrière de
médecin. «Mais dans des conditions aussi difficiles, je ne me verrais pas
m'installer à long terme. Par contre, j'espère pouvoir continuer d'apporter
une aide quelques semaines par année.»
Retour à la une |