Le coco qui fait la différence
MARJOLAINE RODIER-SYLVESTRE
Finissante en environnement
Cela fait bientôt trois mois que je suis revenue d'un coin perdu sur la
côte pacifique du Mexique et encore aujourd'hui, quand j'en parle, mes yeux
brillent. J'ai eu la chance de prendre part en cinq semaines à un projet de
développement durable communautaire ayant comme point d'ancrage la
fabrication d'artisanat à partir de la noix de coco. Bienvenue à la Isla de
la Piedra!
En route vers l'équité
Finissante de la maîtrise en environnement de l'Université de Sherbrooke,
j'étais emballée à l'idée de contribuer à donner racine à ce projet
visionnaire. Né d'une grande amitié entre deux Québécoises, Michèle Bruneau
et Isabelle Gauthier-Nadeau, la «Chabella» de son surnom, Éco-coco aspire
depuis le début à fournir des emplois équitables et durables aux insulaires
dans le besoin, en particulier les femmes, tout en assurant la pérennité de
la noix de coco et en générant des retombées positives pour l'ensemble de la
communauté. C'était là un projet qui correspondait parfaitement à mes
intérêts.
Imaginez une île presque vierge avec, d'une part, la noix de coco en
abondance, un tourisme en plein essor et, d'autre part, des gens sans emploi
aux prises avec d'importantes problématiques environnementales. L'équation
était parfaite, d'autant plus que ce projet répondait aux besoins sur l'île.
C'est donc accompagnée de quatre coéquipiers que j'ai quitté l'aéroport
Pierre-Elliot-Trudeau le 31 janvier pour fouler le sol mexicain, le sable
devrais-je dire, car cela nous a pris environ 45 minutes de parcours
cahoteux en camionnette pour traverser les 1700 hectares de plantations de
cocotiers tapissant ce petit coin de pays!
Mon implication dans la communauté
Habitée par le désir de contribuer au bien-être de la communauté, j'ai
pris grand plaisir à organiser des ateliers sur le cycle de vie des matières
résiduelles dans une école primaire. Il m'a fallu aussi concevoir un
dépliant promotionnel pour la boutique Éco-coco, contribuer à l'élaboration
d'un processus participatif d'identification des priorités communautaires et
environnementales pour la gestion d'un fonds communautaire ainsi que
participer à la construction de fours artisanaux en argile et en fibre de
noix de coco. Difficile d'en faire plus en si peu de temps!
Avant de partir, Michèle nous avait
bien avisés que nous étions les premiers coopérants à la Isla de la Piedra.
Ça m'a plu tout de suite! Habitués de côtoyer des
gringos en vacances, ces
Mexicains, un peu sur leurs gardes, nous ont rapidement accueillis au sein
de leur famille. J'ai adoré partager leur quotidien, que ce soit en
assistant un pêcheur aux techniques artisanales en pleine nuit, en prenant
part au grand carnaval de Mazatlan avec des amis Mexicains, ou encore, en
aidant ma mère d'accueil à la confection d'une
piñata pour l'anniversaire
d'un des coopérants. Ces précieux moments passés à discuter avec ma mère
d'accueil, une femme qui élève ses trois fils, m'ont tant appris sur la
condition féminine. J'ai été bouleversée d'apprendre que son mari, un
pêcheur de thon, l'a forcée à abandonner ses études en soins infirmiers pour
rester à la maison.
La Chabella, source d'inspiration
À cause du marché, les travailleurs dans les plantations de noix de coco
recueillent uniquement le copra (chaire blanche à l'intérieur de la noix de
coco) et brûlent ou jettent la coque de la noix de coco. Ardu et précaire,
ce travail permet difficilement à une famille de survivre convenablement.
Or, Isabelle, mère de trois enfants nés de son union avec un Mexicain depuis
plus de 10 ans, a décidé d'allonger la vie utile
de ces coquilles. Soucieuse du sort de ses consoeurs mexicaines, elle a
décidé de les impliquer et de les former dans la production d'artisanat
local respectant les conditions équitables et l'environnement. De fil en
aiguille, Michèle a commencé à faire connaître le projet au Québec et à
vendre les divers produits.
J'ai été profondément marquée par la vivacité et la détermination de
cette femme au bagage culturel lui permettant de voir le potentiel
économique de l'île. Comme elle vit aussi pauvrement que ses voisins, je ne
suis pas surprise que les natifs de l'île l'aient adoptée et qu'elle soit
devenue pour eux une source d'inspiration. Tout le monde connaît la Chabella.
Alors que l'île se couvre de béton depuis cinq ans, Isabelle revient aux
sources en érigeant à proximité de la plage une boutique-musée faite
d'argile, de fibres de noix de coco, de branches de bois mortes et de
matières ramassées ici et là, normalement destinées à la poubelle. Son
audace lui a valu la visite de groupes environnementaux et de photographes.
Il était une fois un coco…
Tout part donc d'un coco qui au lieu de prendre le chemin du dépotoir ou
du brasier, est en train de devenir un moteur de changement social et de
développement économique. Alors que les habitants de la Isla de la Piedra se
définissent eux-mêmes comme peu solidaires, je me réjouis de voir que le
projet Éco-coco a entraîné la réunion de femmes et d'hommes, retraités ou
jeunes, influents ou effacés, pour discuter ensemble du développement actuel
de leur île.
Ce projet de solidarité internationale, pourtant de courte durée, aura
été une expérience extrêmement riche tant sur le plan humain que
professionnel, et contrastant avec notre quotidien de Québécois.
Marjolaine donne un atelier sur le cycle de vie des
matières résiduelles dans une classe de 3e année.
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Aide à la construction des fours en argile pour faire de l'huile de noix
de coco et du coco fumé.
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L'Isla de la Piedra.
Photos fournies par
Marjolaine Rodier-Sylvestre |
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