Des innovations technologiques en auscultation
du béton qui pourraient prévenir des catastrophes
La Chaire CRSNG-Industrie dirigée par
Gérard Ballivy fait le bilan de ses activités
MARTY MEUNIER
Entretenir et réparer les infrastructures urbaines comme les ponts, les
viaducs, les routes et les aqueducs coûte de 12 à 15 milliards
de dollars par année aux municipalités canadiennes. Pour aider à relever ce
défi colossal, de nouvelles technologies d'auscultation non destructives se
développent afin de quantifier la condition et la durée de vie de ces
ouvrages. Le 31 mai, la Chaire CRSNG-Industrie sur
l'auscultation des structures de béton, dont le titulaire est le professeur
Gérard Ballivy, du Département de génie civil, a tenu sa réunion annuelle
avec son équipe de spécialistes pour faire le point sur les réalisations
entreprises depuis 2001.
Le professeur Ballivy a présenté les plus grandes innovations de la
Chaire : «Nous avons développé des techniques pour
évaluer la peau du béton, la détection de fissures dans le béton, la
caractérisation de l'état de corrosion et la détection de vides d'injection
dans les gaines des câbles de post-tension, pour ne nommer que celles-ci.»
Télésurveillance
Philippe Mabilleau a présenté l'une des technologies les plus
prometteuses. Le professeur au Département de génie électrique et de génie
informatique préconise une approche innovatrice d'utilisation de grappes de
systèmes embarqués réseautés pour la télésurveillance de l'état d'ouvrages
d'art en génie civil. Il affirme sans ambages que l'application concrète de
cette technologie pourrait sauver des vies humaines.
L'approche conventionnelle de monitorage d'infrastructures est basée sur
une analyse de données archivées à partir d'un système d'acquisition dont le
filage est imposant. L'utilisation de systèmes intelligents réseautés, issue
du savoir-faire de l'informatique, recourt à de petits ordinateurs et permet
d'envoyer des signaux d'alarme en temps réel aux gestionnaires d'ouvrages
d'art. Au besoin, le système pourrait même bloquer l'accès à des ponts ou à
des barrages dont la sécurité serait compromise.
Ayman Chafei, étudiant à la maîtrise en génie électrique, met au point un
prototype embarqué d'un module d'analyse intelligent de l'état d'une
structure (poutre) à partir de grandeurs physiques mesurées comme la
déformation, la température ou l'inclinaison. Un accéléromètre MEMS (Micro
Electro Mechanical Systems) détectera l'existence de dommages dans la
structure, et une technologie sans fil sera déployée pour acheminer les
informations recueillies en temps réel.
Radar
Les recherches d'Omar Dous, doctorant en génie civil, visent à déterminer
les aptitudes du radar à détecter les zones de fortes probabilités de
corrosion des armatures d'acier dans le béton. Les méthodes électrochimiques
conventionnelles de détection de la corrosion dans les dalles des tabliers
de ponts causent bien des cauchemars aux automobilistes. En effet, elles
nécessitent la fermeture des voies de circulation avec comme conséquence des
coûts d'exploitation astronomiques et des bouchons de circulation.
Le ministère des Transports recherche une alternative moins
problématique. Le professeur Jamal Rhazi, du Département de génie civil,
possède peut-être des éléments de la solution. Il propose la mesure du
potentiel de corrosion des armatures dans les dalles de tabliers de ponts
par l'intrados, soit la face inférieure du pont. De telles mesures de la
corrosion sont faisables du point de vue pratique, mais des essais
in situ
permettraient de disposer de données plus fiables sur le sujet. Si les tests
s'avèrent concluants, les usagers de la route et le gouvernement en
ressortiront gagnants.
Pour sa part, le doctorant en génie civil Bilal Filali a présenté le
principe d'une nouvelle technique en cours de développement basée sur la
propagation des ondes radar de surface. Il a également présenté un cas
d'application du radar aux sols qui concerne la détection du front de dégel
dans l'aréna Marcel-Dionne de Drummondville. Cette technologie est basée sur
la propagation des ondes électromagnétiques. Elle comporte certains
avantages dont la possibilité d'observer dans un sol jusqu'à plus de huit
mètres avec l'antenne radar de 400 MHz, même à
travers un réseau de canalisation.
Écluses
La Chaire a également réalisé deux projets visant l'analyse des écluses.
Le professeur de génie civil Patrice Rivard, spécialisé en matériaux, a
expérimenté en période hivernale des méthodes de mesure des contraintes dans
le béton des écluses de Montréal. Il dirige également des recherches sur les
mesures par diagraphie. Celles-ci consistent à enregistrer les
caractéristiques des roches traversées après avoir effectué un forage à
l'aide de différentes sondes.
Riad Al-Wardany, l'un des nombreux doctorants formés par la Chaire, a
quant à lui évalué les conditions du béton de l'écluse Côte-Sainte-Catherine
par tomographie sonique. Cette technique non destructive permet d'obtenir
des images de l'état interne du béton à partir d'une série de mesures
d'ondes sismiques.
Le chercheur a également fait usage d'une autre technique non destructive
basée sur la propagation des ondes de surface afin de déterminer la qualité
du béton. Marteaux, nacelle et hydrophones ont permis de diagnostiquer une
bonne qualité de béton. La méthode des ondes de surface a l'avantage de
faire les mesures à partir d'une seule face accessible et d'estimer la
qualité globale de l'élément ausculté sur toute son épaisseur.
Devant la vétusté d'ouvrages d'art, qui ont plus de 35 ans
d'usure dans la grande majorité des cas, il devient impératif de procéder à
une évaluation de leur état de santé et d'établir des programmes économiques
de gestion et de réhabilitation. En conséquence, la Chaire CRSNG-Industrie
du professeur Ballivy ne risque pas de manquer de projets.
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