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Liaison, 24 mai 2007
Mieux comprendre la Chine
RENO FORTIN
Le succès économique en Chine n'est pas un phénomène isolé dans
l'histoire de l'Asie», déclare la nouvelle professeure au Département
d'économique de la Faculté d'administration. «Nous vivons la continuité
amorcée par le boom économique du Japon après la Seconde guerre mondiale.
Ensuite, il y a eu les légendes des quatre tigres qu'ont été Hong Kong,
Singapour, la Corée du Sud et Taiwan. Ces pays ont connu un essor important
pendant les années 60 et 70 basé sur une stratégie d'exportation et
d'industrialisation protégée», observe-t-elle.
Arrivée en août 2006, la professeure
Jie He – prononcer «re tsié» – est née à Hami en Chine. Spécialiste des
questions environnementales et du développement international, elle
compte une feuille de route passablement chargée de collaborations à
l'étranger et d'un passage remarqué à la Banque mondiale.
Comme le mentionnait récemment
le doyen de la Faculté d'administration,
Roger Noël, les activités de recherche de la Faculté ont explosé pour
connaître une croissance rapide ces dernières années. L'arrivée de cette
nouvelle professeure contribuera sans doute à accroître la réputation de la
Faculté.
Perception erronée
La Chine économique fait beaucoup jaser et ce depuis plusieurs années. En
Occident, certains perçoivent ce pays comme une menace économique. La
professeure Jie He s'est penchée sur cette problématique dans le cadre d'une
conférence qui s'intitule
Défis et opportunités :
La Chine est-elle vraiment si menaçante? et offerte récemment aux
membres de la Banque royale du Canada.
Elle estime que l'idée de considérer
la Chine soit comme une menace soit comme une opportunité est
erronée. D'une part, elle fait remarquer que d'autres pays asiatiques
contribuent à changer la donne économique. «Malgré une stratégie chinoise
orientée vers l'exportation depuis deux décennies, on constate également que
d'autres pays comme l'Inde, les Philippines et le Vietnam connaissent aussi
une croissance rapide», dit-elle.
D'autre part, malgré sa croissance, la Chine doit également faire face à
des enjeux importants, comme le facteur démographique. «Après l'application
rigoureuse de la politique de l'enfant unique depuis presque 30 ans, on
prédit que le problème du vieillissement commencera à apparaître en Chine à
partir de 2010, ce qui va forcément avoir des conséquences importantes sur
l'économie chinoise. À cela, précise-t-elle, il faut ajouter les
incertitudes de la stabilité économique de ce pays liée à l'augmentation de
l'inégalité des revenus, de l'ambiguïté dans la réforme du système de taux
de change et le problème de l'inefficacité du système bancaire.
«La Chine est actuellement la quatrième puissance économique au monde
après les États-Unis, le Japon et l'Allemagne, rappelle Jie He. Or, la
mondialisation fonctionne selon la logique de l'efficacité. Souvenez-vous de
la crainte des Québécois quant à l'arrivée massive des produits exportés du
Mexique lors de l'ALENA en 1991. Le Canada a dû prendre des mesures pour s'y
adapter et y faire face. Devant la concurrence asiatique, je crois que le
gouvernement d'un pays développé comme le Canada doit jouer un rôle crucial
dans la réorganisation de la structure de production, surtout à long terme.»
Environnement et économie chinoise
Jie He est titulaire d'un doctorat en économique du Centre d'études et de
recherches sur le développement international de l'Université d'Auvergne en
France. Sa thèse portait sur les liens entre l'environnement et les
activités économiques en Chine. Ce qui lui a permis de faire un stage au
siège social de la Banque mondiale à Washington. «J'ai eu la chance de
travailler avec un économiste chevronné sur plusieurs projets qui visent à
construire la capacité institutionnelle de la protection de l'environnement
dans des pays en voie de développement, comme l'Indonésie, le Ghana et la
Chine, résume-t-elle. Comme la collaboration s'est très bien déroulée, je
suis devenue par la suite sa consultante pendant environ un an.»
Encore aujourd'hui, Jie He poursuit cette collaboration avec l'économiste
en environnement Hua Wang, qui travaille essentiellement sur la gestion de
l'environnement en Chine. «Nous finalisons bientôt plusieurs documents sur
la méthodologie de l'évaluation contingente, précise-t-elle. L'été dernier,
nous avons organisé un colloque sur l'environnement chinois à Qingdao, en
Chine.»
Jie He est également chercheuse associée sur l'économie en transition, y
compris celle de la Chine, à l'Université catholique de Louvain, en
Belgique. Ceci dit, elle souhaite tout de même développer des collaborations
avec des chercheuses et chercheurs québécois et prioritairement renouer
certaines collaborations en Chine. Récemment, elle a collaboré à un chapitre
du livre L'éveil du
dragon : les défis du développement de la Chine au 21e siècle,
de Frédéric Lasserre, qui vient de mériter le Prix du livre d'affaires 2006.
Prendre racine au Québec
Jie He avoue que le Québec lui avait fait une très bonne impression lors
de sa première visite chez nous à l'automne 2001. Elle a donc choisi
d'enseigner à l'Université de Sherbrooke plutôt qu'en France. «Le système
d'éducation ici est plus actif qu'en France, la qualité des étudiants est
nettement meilleure, surtout au niveau de leur volonté d'apprendre et de
l'esprit de compétition. De plus, les universités québécoises attachent plus
d'importance à la recherche», résume-t-elle.
Enfin, la professeure Jie He souligne que son adaptation se passe très
bien. «Je n'arrête pas d'apprendre des choses sur le fonctionnement de
l'Université, son système d'évaluation des étudiants, qui est très différent
de celui de la France ou de la Chine, ou de nouvelles expressions
québécoises. Je suis contente de mon choix», conclut-elle avec le sourire.
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En poste depuis moins d'un an à la Faculté d'administration, la
professeure Jie He jette un regard avisé sur son pays d'origine, la
Chine. Spécialiste des questions environnementales et du
développement international, elle estime qu'il faut cesser de voir
ce pays uniquement en termes de menace ou d'opportunité économique.
Elle estime cependant que le Canada doit adapter son économie à
l'arrivée de nouveaux joueurs.
Photo : Roger Lafontaine
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