Liaison, 3 mai 2007
Les finances publiques et
l'équité entre les générations
Propos recueillis par
RENO FORTIN
Luc Godbout vient de faire paraître un nouvel essai,
Oser choisir maintenant – Des pistes de solution pour protéger les services
publics et assurer l'équité entre les générations. Nous lui avons
demandé de répondre à nos questions concernant la thématique du volume, soit
le vieillissement de la population et son impact économique sur les
générations futures. Luc Godbout est professeur au Département de sciences
comptables et de fiscalité et chercheur à la Chaire de recherche en
fiscalité et finances publiques.
Pourquoi
proposez-vous une suite au volume
Agir maintenant pour
le Québec de demain?
Parce que même si le vieillissement de la population est connu, il
n'existait pas vraiment d'étude québécoise qui quantifie l'impasse
budgétaire qui guette les finances publiques québécoises. Voilà à quoi
l'ouvrage Oser
choisir maintenant, auquel participe aussi Matthieu Arseneau,
Pierre Fortin et Suzie St-Cerny, répond.
Nous avons choisi de positionner le débat sur le vieillissement de la
population non pas en nous interrogeant sur la pertinence de rembourser la
dette, mais plutôt sur la manière de préserver à la fois les services
publics tout en assurant l'équité intergénérationnelle. Avec cette prémisse,
tous devraient se sentir concernés, peu importe les idéologies ou les
allégeances politiques.
Comment le gouvernement du Québec peut-il réagir au vieillissement de
la population?
Malheureusement, il n'y a pas de
solutions magiques quand un gouvernement appréhende une impasse budgétaire.
Il peut absorber le choc financier en s'endettant, en réduisant certains
services publics, en augmentant le poids des impôts, taxes ou tarifs ou un
mélange de tout ça. Il faut indiquer que ne rien faire aurait aussi un coût,
qui pourrait même être encore plus grand.
Quelle est votre définition d'équité entre les générations?
Nous attachons une grande importance à l'objectif de l'équité
intergénérationnelle : assurer le bien-être des générations d'aujourd'hui
sans compromettre celui des générations de demain. Voilà notre objectif qui
n'est rien d'autre que celui du développement durable appliqué aux finances
publiques.
Nous croyons qu'il serait injuste que
les changements démographiques qui surviendront dans les décennies à venir
empêchent le gouvernement du Québec d'offrir aux générations futures les
services publics dont bénéficient présentement les générations actuelles à
des coûts comparables. L'équité envers les générations futures nécessite
qu'on leur garantisse que l'État aura la capacité de conserver l'offre de
biens et de services publics tout en maintenant le fardeau fiscal sur un
long horizon.
Selon vous, l'équité entre les générations est-elle compromise?
Étant donné que le gouvernement du Québec peine déjà à équilibrer son
budget année après année, que notre système de santé est déjà étiré à sa
limite alors que le choc démographique n'est même pas commencé pour de bon,
l'inaction face au vieillissement de la population ne peut que conduire à
compromettre la pérennité des services publics.
Nous sommes d'avis que, dans l'état actuel des choses, le gouvernement du
Québec n'est pas en mesure de garantir l'application du principe d'équité
entre les générations.
Vous mentionnez une approche qui pourrait rétablir l'équité
intergénérationnelle. Quelle est-elle?
Notre préoccupation au sujet de l'équité intergénérationnelle nous a
conduits à poser comme objectif de stabiliser le fardeau fiscal des
Québécois. Nous avons calculé son augmentation immédiate et permanente qui
permettrait au Québec d'équilibrer son budget à long terme et de maintenir
ses services publics à leur niveau actuel. Sur cette base, sans autre mesure
prise pour diminuer la facture, il serait nécessaire, pour absorber
l'excédent des dépenses sur les revenus d'ici 2051, de mettre de côté
4,5 milliards de dollars en 2007.
La tâche collective qui nous attend est donc colossale. Il importe d'agir
dès maintenant. Plus l'accumulation d'argent dans le Fonds des générations
sera faible et tardive, plus les problèmes à régler auront pris de l'ampleur
et plus les sacrifices seront douloureux et les solutions, déplaisantes.
Pourquoi spécifiez-vous que vos projections sont «raisonnables»?
Nous sommes délibérément prudents et optimistes dans le choix de nos
hypothèses sur l'avenir de l'économie et des finances publiques. Par
exemple, nous ne calquons pas la situation qui prévaut actuellement pour les
cinq prochaines décennies : nous faisons augmenter les taux d'emploi par
âge, nous faisons accélérer la productivité, et nous faisons croître les
dépenses de santé moins vite jusqu'en 2050 que durant les 10 dernières
années.
Basée sur des hypothèses «raisonnables», notre projection indique qu'un
déficit budgétaire annuel apparaît à partir de 2013 et s'accroît
continuellement jusqu'en 2051. Le déficit estimé en 2031 serait de
17 milliards de dollars et atteindrait les 54 milliards en 2051.
Croyez-vous que vous serez entendu par la classe politique?
Nous nous adressons d'abord à nos concitoyens. Si nous sommes capables de
les convaincre de l'importance d'agir, la classe politique devrait suivre.
Retour à la une |