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2,1 M$ pour une chaire sur la persévérance scolaire
ISABELLE HUARD et CAROLINE DUBOIS
Dans les écoles de l'Estrie, un élève
sur trois décroche avant la fin de ses études secondaires. Le taux de
décrochage dépasse la moyenne provinciale, qui est de 28 %, et place la
région au 14e rang parmi les
17 régions administratives du Québec. Pour les décrocheurs, les
conséquences sont nombreuses : taux de chômage élevé, pauvreté chronique,
difficultés d'adaptation, délinquance. Chercheurs et intervenants
s'entendent pour dire que les causes du décrochage sont multiples,
personnelles, familiales, scolaires et sociales, et qu'elles nécessitent des
interventions différenciées.
C'est dans ce contexte que la Faculté d'éducation et la Commission
scolaire de la Région-de-Sherbrooke ont annoncé le 18 avril la création
d'une chaire de recherche visant à mieux comprendre et à prévenir le
phénomène du décrochage scolaire à Sherbrooke. En unissant leurs forces, les
deux partenaires investissent plus de 2,1 M$ sur cinq ans, dont 1,4 M$ en
espèces.
Une connaissance fine des décrocheurs
La Chaire de recherche de la Commission scolaire de la
Région-de-Sherbrooke sur la réussite et la persévérance des élèves visera à
développer une connaissance fine des décrocheurs, de façon à élaborer des
politiques scolaires et des programmes d'intervention plus efficaces auprès
des jeunes, de leur famille et des écoles. La Chaire aura également pour
objectif de développer et d'implanter quatre programmes de prévention
spécifiques aux types d'élèves à risque. Le tout en veillant au transfert
des connaissances scientifiques vers le milieu scolaire.
Le titulaire de la Chaire, le professeur Laurier Fortin, travaillera en
étroite collaboration avec les équipes des écoles secondaires de Sherbrooke
ainsi qu'avec certaines écoles primaires. «Il s'agit d'un investissement
innovateur et proactif en lien avec la mission de la commission scolaire et
de l'Université de Sherbrooke qui nous permettra de faire face au problème
du décrochage scolaire de façon globale, explique le directeur général de la
Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke, Claude St-Cyr. Notre
commission scolaire se démarque dans la province en créant cette chaire de
recherche avec l'Université.»
Un rôle important à jouer en éducation
Selon le professeur Fortin, les programmes d'intervention les plus
efficaces sont multidimensionnels, c'est-à-dire qu'ils tiennent compte
simultanément des divers contextes dans lesquels évolue jeune, tant
personnel, familial et scolaire que social. «Dans cette optique, toutes les
personnes encadrant l'élève à risque de décrochage ont un rôle à jouer,
souligne le chercheur de renommée internationale. L'enseignant a un rôle
d'adaptation et de motivation sur la classe. La direction d'école amène et
soutient le programme d'intervention pendant toute la période d'application.
Les parents ont un rôle de soutien dans la réussite de leur enfant.»
Pour le vice-recteur à la recherche, Edwin Bourget : «La création de
cette chaire vise non seulement à travailler sur la problématique du
décrochage, mais également à soutenir la formation de personnel hautement
qualifié pour y travailler à l'avenir, autant chez les enseignants déjà en
poste que ceux qui sont en formation. Une dizaine d'étudiantes et
d'étudiants inscrits effectueront leurs travaux de maîtrise sous la
direction du professeur Fortin et bénéficieront des infrastructures de
recherche de la Faculté d'éducation.»
La recherche au service du décrochage
Le professeur Fortin a mené l'une des rares études longitudinales au
monde sur le décrochage scolaire en suivant une cohorte de 808 élèves de
Sherbrooke, Trois-Rivières et Québec sur une période de 11 ans, soit de
1996 à 2007. Les résultats ont permis d'identifier les principaux facteurs
qui permettent de mieux dépister l'élève à risque de décrochage scolaire. Au
niveau personnel, il y a la présence de sentiments dépressifs, de problèmes
de comportement et de la faible performance en français et en mathématiques.
Au niveau familial, il y a le manque d'organisation familiale et le manque
de supervision parentale. Au niveau scolaire, il y a les facteurs reliés aux
attitudes négatives de l'enseignant envers les élèves et au manque
d'engagement de l'élève dans ses activités scolaires.
En regard de ces facteurs, les résultats démontrent qu'il est possible de
regrouper les élèves à risque de décrochage en première secondaire en quatre
sous-groupes : ceux démontrant des comportements antisociaux cachés; ceux
qui sont peu intéressés par l'école; ceux présentant des difficultés du
comportement et d'apprentissage; et ceux qui présentent un type dépressif.
«Les interventions les plus prometteuses doivent s'adapter aux besoins des
élèves selon leurs divers contextes personnels, familiaux et scolaires et
reposer sur des programmes différenciés selon les types, souligne Laurier
Fortin. De plus, il faut garder une flexibilité d'implantation des
programmes pour répondre aux différents besoins des élèves, tout en tenant
compte des contraintes organisationnelles.»
«Cette étude nous a également indiqué que certains élèves identifiés à
risque ne décrocheront pas, ajoute le professeur. Quelles caractéristiques
personnelles, familiales, scolaires et sociales protègent ces élèves du
décrochage? La découverte de ces facteurs de protection contribuera à la
réduction de l'abandon scolaire.»
Autre texte
Michel Bernard, directeur général adjoint aux affaires éducatives,
Gilles Boudrias, président, et Claude St-Cyr, directeur général, tous
trois de la Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke. |
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