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Liaison, 22 mars 2007
Conducteur d'excellence
JOSÉE
BEAUDOIN
Comme il se doutait bien que je l'interrogerais sur ses travaux de
recherche, le professeur André-Marie Tremblay m'a accueillie gallon d'azote
à la main, et m'a tout de suite invitée à le suivre dans un laboratoire du
Département de physique. Je vous mentirais si je vous disais que sa
démonstration a fait de moi une experte des supraconducteurs à haute
température. Toutefois, lorsque j'ai vu l'aimant léviter, j'étais
franchement impressionnée. Pour les néophytes dont je suis, les recherches
du professeur sont complexes et difficilement accessibles. En fait, elles
sont tout l'opposé de l'homme simple et sympathique que j'ai eu le plaisir
de rencontrer.
L'étincelle et le Saint-Graal
André-Marie Tremblay s'est intéressé
à la physique vers l'âge de 14 ou 15 ans. L'étincelle a d'abord surgi d'une
interrogation, celle de comprendre comment son cousin, un peu plus âgé que
lui, avait réussi à éclairer sa patinoire. «J'ai branché les lumières en
parallèle. Tu vas voir ça un jour dans tes cours de physique», lui avait dit
son cousin. Sa curiosité fut piquée et il n'a jamais décroché de la physique
depuis. «On était à une époque où l'on ne se posait pas de questions sur ce
qu'on allait faire plus tard. On faisait les choses seulement parce qu'on
les aimait», dit le scientifique en souriant. Visiblement, il referait
aujourd'hui le même choix.
Des réponses, il en cherche encore,
mais il en fournit aussi. Titulaire depuis 2001 de la Chaire de recherche du
Canada en physique de la matière condensée, le professeur Tremblay est un
théoricien qui a acquis une renommée internationale dans son domaine et dont
la qualité des travaux a été maintes fois saluée, notamment par son
intronisation au sein des Académies du Canada (autrefois la Société royale
du Canada) en 2004. Sa grande passion : comprendre comment la nature
fonctionne à l'échelle microscopique. Son Saint-Graal à lui : développer de
nouvelles approches théoriques et de nouveaux algorithmes numériques pour
tenter de comprendre les supraconducteurs à haute température, cette
manifestation spectaculaire de la mécanique quantique.
Preuve
qu'il fait la référence, c'est à lui que la revue
L'actualité a
demandé de définir le mot «supraconducteur» dans son édition de
décembre 2005 portant sur les 101 mots pour comprendre le Québec. En voici
donc un extrait : «Un supraconducteur est un matériau qui, à une température
suffisamment basse, transporte l'électricité sans résistance. Aujourd'hui,
les supraconducteurs sont surtout utilisés dans les appareils à résonance
magnétique des hôpitaux, mais aussi dans certains prototypes de train à
lévitation magnétique et dans les détecteurs de champ magnétique les plus
sensibles au monde. Ils peuvent même être utilisés dans les dispositifs qui
servent à transmettre plusieurs appels de téléphones cellulaires à la fois,
sans que les conversations s'emmêlent.»
Un privilège partagé
André-Marie Tremblay s'est joint au Département de physique de
l'Université de Sherbrooke en 1980 et fut nommé professeur titulaire en
1988. Malgré toutes ses années d'expérience, le pédagogue ne banalise en
rien son rôle et l'assume toujours avec une fierté empreinte d'humilité.
«C'est un privilège de pouvoir enseigner. C'est une responsabilité que la
société nous donne. Dans un certain sens, elle accepte que l'on soit des
modèles pour les étudiants.» Et le privilège va dans les deux sens, comme le
confirme Dominic Bergeron, étudiant au doctorat : «Le professeur Tremblay
est vraiment ce qu'on peut appeler un leader. Il l'est dans son domaine de
recherche, il l'est aussi comme enseignant dynamique, apprécié de tous, et
enfin comme membre essentiel du Département de physique, ayant contribué, et
continuant toujours très activement, à bâtir l'excellente réputation du
Département en stimulant la recherche et l'enseignement. C'est entre autres
pour ces raisons que j'ai choisi de faire mon doctorat sous sa supervision,
et je me considère comme privilégié d'être parmi ses étudiants.»
Des forces complémentaires
André-Marie
Tremblay a été directeur du Centre de recherches en physique du solide
de 1991 à 1999. Il a contribué à toutes les révisions de programme du
Département de physique. Il a environ 130 publications dans des revues
prestigieuses. Il est coauteur d'un livre. Il a participé très activement à
l'acquisition du superordinateur de calcul parallèle Mammouth du Service des
technologies de l'information, l'ordinateur le plus puissant au Canada et
l'un des plus performants au monde. Homme d'équipe et d'équité, André-Marie
Tremblay hoche la tête quand je lui défile les grandes lignes de son
curriculum vitae, mais il s'empresse chaque fois de redonner à ses collègues
le crédit qui leur revient aussi. D'ailleurs, les mots qu'il a répétés le
plus souvent au cours de notre discussion sont assurément : «Oui, mais je
n'étais pas tout seul là-dedans.»
En vue de ce portrait, plusieurs collègues du professeur Tremblay nous
ont parlé non seulement de ses qualités de leader, mais aussi de son grand
cœur. Parmi eux, le professeur René Côté qui, en bon scientifique, a appuyé
ses dires de trois exemples : «Les qualités humaines du professeur Tremblay
et sa grande générosité sont reconnues par tous les membres de notre
département. Pour donner quelques exemples : (a) malgré ses très nombreuses
obligations, il reste toujours disponible pour l'encadrement de ses
étudiants des cycles supérieurs; (b) il a utilisé une partie de l'argent de
sa chaire de recherche pour financer des conférences de prestige (Walter-Kohn)
ainsi que des bourses d'admission au 1er cycle et ainsi contribuer à attirer
à Sherbrooke plus d'étudiants talentueux; (c) il finance à même sa chaire de
recherche un certain nombre de chargés d'exercices pour permettre à ses
collègues théoriciens d'avoir plus de temps à consacrer à leurs activités de
recherche.»
Le mot de la fin
Je laisse au professeur Tremblay le mot de la fin : «Des fils électriques
de la patinoire aux fils supraconducteurs, le chemin a été long et tortueux,
mais la passion est demeurée la même.»
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