|
Jouliks
Cellule éclatée
Dans une maison délabrée, une petite fille raconte l'amour fou qui
consume ses parents. Elle révèle l'immense fossé qui sépare sa mère et sa
grand-mère et livre les silences éloquents de son grand-père, témoin muet de
leur déchirure. C'est violent un amour qui reste coincé dans la gorge;
constatez-le au Centre culturel, le 10 avril, alors qu'on y présente
Jouliks, de
Marie-Christine Lê-Huu.
Présenté simultanément à Paris et au Théâtre d'Aujourd'hui en mars et
avril 2005, Jouliks
est un spectacle à la frontière du drame familial et de l'histoire d'amour.
D'un côté, on y retrouve Véra et Zak, qui prétendent avoir comme seul bien
la liberté et le fruit de leur amour, la Petite, et de l'autre, les parents
de Véra, le Papé et la Mé, qui refont surface après sept ans d'absence,
bouleversant l'univers de la jeune famille.
Bien grande voix pour une Petite
«Elle pleurait comme si elle avait oublié qu'elle était ma mère. Alors
moi j'ai oublié d'être petite et je l'ai prise dans mes bras.»
Jouliks est
une belle démonstration de l'immense talent d'auteure de Marie-Christine
Lê-Huu qui non seulement nous livre un bijou d'écriture théâtrale, mais nous
procure le plaisir de la voir sur scène interpréter la narratrice, une
enfant de sept ans qui nous entraîne au cœur de cette histoire à la fois
troublante et touchante. Dans une langue que l'on a comparée à celle de
Réjean Ducharme, Marie-Christine Lê-Huu livre un texte pur, lucide, d'une
rare beauté.
Jouliks
peut compter sur une impressionnante distribution : Anick Lemay, en
flamboyante Véra, Patrick Goyette, en craquant voyou de Zak, et Aubert
Pallascio, qui incarne un grand-père prisonnier de son amour inexprimé. Mais
Jouliks
marque surtout le retour de la comédienne Catherine Bégin, impitoyable
grand-mère. Vous comprendrez pourquoi l'Académie québécoise du théâtre a
choisi de couronner la comédienne du Masque 2005 de l'interprétation
féminine dans un rôle de soutien.
Robert Bellefeuille signe une mise en scène sensible pour ce huis clos en
rase campagne; sa vision permet de sentir l'étouffement avec lequel ces
personnages passionnés sont aux prises.
Profonde réflexion sur les rapports humains,
Jouliks nous
entraîne au cœur des fragilités, des déséquilibres et de la beauté.
M. F.
Retour à la une |