Forte croissance
Parmi l'ensemble des facultés de l'Université, celle de droit
domine au chapitre de la croissance de son effectif étudiant. Depuis 2004,
les programmes de 1er cycle ont attiré 32 % plus d'étudiantes et
d'étudiants. Au 2e cycle, la hausse est de 53 % et au 3e cycle, de 34 %.
Tous cycles confondus, l'augmentation est de 35 %.
«Au chapitre des inscriptions aux études supérieures, nous
sommes passés du 4e au 2e rang parmi les universités québécoises, derrière
l'Université de Montréal. Il faut dire que la hausse particulièrement
marquée au 2e cycle s'explique en grande partie par nos succès à Longueuil,
où les trois programmes que nous proposons fonctionnent très bien», dit
Daniel Proulx. Ces programmes concernent d'une part la nouvelle formule du
diplôme de droit notarial, d'autre part, la maîtrise en droit et politiques
de la santé et enfin, le diplôme et la maîtrise en prévention et règlement
des différends.
En fait, le doyen souligne
que la croissance constatée depuis 2004 a permis de dépasser des objectifs
qui devaient être atteints au terme d'une période de quatre ans. Pour y
parvenir, Daniel Proulx a cherché à mettre en place les conditions requises
pour déployer les programmes aux cycles supérieurs. «Le virage vers les
études supérieures était notre 1er objectif. Traditionnellement,
notre faculté était perçue comme une faculté surtout axée sur la formation
professionnelle et les programmes de 1er cycle. Mon prédécesseur avait
préparé la mise en place de nouveaux programmes, mais le défi était d'y
attirer des étudiants. C'est pourquoi on a retravaillé, raffiné et ajusté
ces nouveaux programmes en éliminant certains irritants et en augmentant les
éléments de valeur ajoutée. Le succès a été immédiat», dit-il.
Des programmes novateurs
Si le doyen compte développer les cycles supérieurs, il ne faut
surtout pas croire que cela se fait au détriment des programmes de formation
initiale. La Faculté de droit continue d'attirer une part plus
qu'appréciable d'étudiantes et d'étudiants au 1er cycle. «Nous attirons des
étudiants qui recherchent à la fois une qualité de formation reconnue avec
une bonne dose d'apprentissage pratique. Nous offrons des cours en petits
groupes de 60 à 65 places, avec des professeurs accessibles. Notre qualité
d'enseignement porte ses fruits puisque nos étudiants réussissent très bien
aux examens du barreau où ils figurent toujours dans le peloton tête»,
dit-il.
La Faculté connaît par ailleurs beaucoup de succès avec son
nouveau programme de 1er cycle en droit au régime coopératif. La formule
permet d'attirer des candidats de grande qualité, issus de plusieurs
milieux. «Plusieurs étudiants auraient pu choisir un autre domaine d'études,
mentionne le doyen. Toutefois, la possibilité d'alterner les études et le
travail en cabinet en a convaincu plusieurs de choisir le droit.»
D'autres programmes ont été également améliorés, notamment en
offrant un cursus conjoint de quatre ans qui combine les 1er et 2e cycles.
Un tel parcours est offert dans une concentration droit et MBA dorénavant
offerte en régime coopératif, et un autre en droit et biotechnologie. Ce
dernier programme requiert une formation scientifique. «Auparavant, il
s'agissait d'un baccalauréat uniquement. Pour le hisser au niveau de la
maîtrise, certains cours ont donc été enrichis et les étudiants doivent
désormais produire des essais. Ce changement a permis de doubler le nombre
de demandes d'admission», dit Daniel Proulx, signalant que ce programme est
unique au pays.
Le diplôme de 2e cycle en common law et droit
transnational est un autre exemple de programme novateur visant à répondre
aux besoins de mobilité des étudiants, dans un contexte de mondialisation
des échanges. Ce programme a également été rehaussé au niveau de la
maîtrise, sous la forme d'une école d'été, provoquant là aussi une hausse
notable des inscriptions.
Au chapitre des études supérieures, mentionnons aussi que la
Faculté offre depuis 2005 un programme de maîtrise en droit et que le
doctorat est donné en extension avec l'Université Laval. La Faculté vise
bien sûr à offrir bientôt son propre programme de doctorat.
Popularité du notariat
Le droit notarial connaît actuellement une grande popularité.
«On voit les effets de la campagne publicitaire mettant en vedette Pierre
Légaré. Cela a contribué à une hausse significative de l'intérêt pour la
profession», dit Daniel Proulx. En plus de revamper l'image de ses membres,
la Chambre des notaires souhaitait amener les facultés de droit de la
province à mettre en place de nouvelles stratégies pédagogiques. «Il y avait
là une opportunité et nous avons pris le train qui passait en lançant un
programme radicalement différent à Longueuil, qui recourt beaucoup aux
technologies de l'information et à l'approche par situations
professionnelles. Sans publicité, notre programme a connu un succès
immédiat», poursuit-il. De plus, le programme propose une alternance
travail-études en simultané. Ainsi, les étudiantes et étudiants suivent leur
cours en après-midi et effectuent leur stage en cabinet l'avant-midi.
Trois virages
Forte de ses succès, la Faculté de droit ne manque pas de
projets pour les prochaines années. L'expansion du corps professoral est
l'un des défis auxquels compte s'attaquer l'équipe de direction. La Faculté
espère être en mesure d'ajouter à court terme plusieurs postes à l'équipe
qui compte actuellement une trentaine de professeurs, afin de mieux répondre
aux besoins générés par la croissance des programmes et d'être en mesure de
se tailler une place en recherche.
Quand il parle d'avenir, le doyen Daniel Proulx évoque
également trois virages qui selon lui doivent être pris dans les prochaines
années. Le 1er de ces virages est de faire une plus grande place aux
activités de recherche subventionnée. «À ce chapitre, notre faculté est le
parent pauvre à l'UdeS. Nous sommes également en retard face aux autres
facultés de droit. Cela s'explique par l'orientation professionnelle qui a
traditionnellement caractérisé nos programmes depuis les débuts», dit-il.
Le 2e virage à emprunter est celui de la formation continue, en
vue de conjurer la dénatalité, et d'assurer l'avenir à long terme de la
Faculté. «C'est clair qu'il y aura moins d'entrées au 1er cycle
éventuellement en raison de la décroissance de la population. Nous devons
offrir des programmes qui permettront aux professionnels de se tenir à jour,
d'ajouter une corde à leur arc, ou de se recycler», poursuit-il. Le doyen
donne l'exemple de microprogrammes de formation continue touchant à la
médiation pour illustrer son propos.
Enfin, le virage international est le 3e que compte prendre la
Faculté de droit. Déjà, le programme en droit transnational témoigne de
cette volonté, «mais il faut aller au delà de ça», insiste Daniel Proulx. Il
compte favoriser les échanges internationaux, par exemple en édifiant des
programmes conjoints, notamment avec des universités européennes.
Enjeux d'actualité
Les questions de droit et de justice meublent constamment l'actualité.
En complément au texte ci-dessus, nous avons demandé au doyen Daniel
Proulx de donner son point de vue sur des enjeux touchant le domaine
juridique et la place du droit dans notre société.
Liaison : On
associe souvent droit et justice; notre société a-t-elle tendance à
devenir de plus en plus juste?
Daniel Proulx : Le droit
est un outil indispensable de justice. C'est le rempart contre
l'arbitraire que notre civilisation s'est donné pour lutter contre
l'injustice du pouvoir absolu. Cela dit, est-ce qu'on réussit à
atteindre la justice parfaite? Si on recule dans le temps, la société
d'aujourd'hui paraît plus juste. La vie d'aujourd'hui n'a rien à voir
avec celle sous le régime seigneurial. Plus près de nous, il faut se
souvenir que les femmes ont obtenu le statut de personne majeure
seulement en 1964. Cet exemple démontre que l'évolution de la société
suit l'évolution du droit. Le droit confirme les tendances sociales et
en provoque de nouvelles. En ce sens, le droit fait œuvre de justice.
Mais le droit n'est pas suffisant pour atteindre la justice. L'éducation
joue un rôle irremplaçable à cet égard.
Liaison :
Devrait-on présenter des images de procès dans les médias?
D.
Proulx : Je suis personnellement très réfractaire à cela. Il
est très dangereux de sombrer dans une justice-spectacle, qui est tout
sauf de la justice. Si on veut que le procès soit juste aux yeux du
public, il faut que ce dernier l'ait suivi dans son entier, ce qui est
rarement le cas. Le risque de dérapage vers le spectacle au détriment de
la justice est très grand. La justice est très bien servie avec des
reportages tels qu'ils sont faits actuellement. Il faut aussi considérer
que d'aller témoigner en cour est très exigeant pour une personne.
Ajouter des lentilles de caméra augmenterait le stress au détriment de
la recherche de la vérité qui est le but d'un procès.
Liaison : Mais
la Cour suprême a ouvert la porte en diffusant certaines séances…
D.
Proulx : Au niveau de la Cour suprême, c'est moins délicat,
puisque les procédures qui sont télévisées n'impliquent ni témoins ni
présentation de preuves. On y débat d'arguments juridiques de haut
niveau qui touchent moins le côté émotif du public.
Liaison : Le
processus de nomination des juges est-il suffisamment indépendant?
D.
Proulx : La nomination des juges est constitutionnellement un
pouvoir de l'exécutif, donc, du premier ministre. C'est un accroc au
principe de base de l'indépendance du judiciaire. Le pouvoir politique
peut en profiter pour nommer des juges complaisants. Cependant, un juge
nommé de façon partisane ne va pas nécessairement camper
systématiquement du côté des idées de ceux qui l'ont nommé puisque, une
fois en place, il bénéficie d'une indépendance réelle. Présentement, le
gouvernement fédéral veut accentuer cette tendance à nommer des juges
plus favorables à ses politiques, en incluant des policiers, ou des
représentants de victimes d'actes criminels. À l'instar de plusieurs
intervenants du domaine de la justice, je trouve cela regrettable. Cela
dit, il faut reconnaître qu'il y a toujours eu une certaine influence
politique dans la nomination des juges au pays.
Liaison : Les
politiciens ont-ils tendance à confier aux tribunaux la prise de
décisions difficiles?
D.
Proulx : Bien sûr! Le cas le plus célèbre est celui de Robert
Bourassa qui, plutôt que de trancher la question des lois linguistiques,
a laissé traîner des dossiers jusqu'en Cour suprême, pour ensuite
ajuster in extremis
sa législation. Avec l'arrivée des chartes de droits fondamentaux, notre
conception de la démocratie a évolué en sorte que, comme majorité, nous
nous sommes interdits de prendre des décisions qui bafouent la dignité
humaine. C'est pourquoi, dans plusieurs cas, il nous faut une analyse de
second degré pour trouver l'équilibre entre les droits individuels et
les intérêts de la majorité. La société se donne des principes, mais il
faut un arbitre neutre et impartial pour trancher dans les cas
difficiles, et c'est ce rôle qui est confié au juge. Cela survient quand
des droits s'affrontent, par exemple le droit à la liberté religieuse
face aux normes du travail. Le juge demeure la personne la mieux
outillée pour trancher ce genre de conflit de façon impartiale. |
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