Les numéros
de Liaison

5 juillet 2007 (no 20)
14 juin 2007 (no 19)
24 mai 2007 (no 18)
3 mai 2007 (no 17)
12 avril 2007 (no 16)
22 mars 2007 (no 15)
>8 mars 2007 (no 14)
22 février 2007 (no 13)
8 février 2007 (no 12)
25 janvier 2007 (no 11)
11 janvier 2007 (no 10)
7 décembre 2006 (no 9)
23 novembre 2006 (no 8)
9 novembre 2006 (no 7)
26 octobre 2006 (no 6)
12 octobre 2006 (no 5)
28 septembre 2006 (no 4)
14 septembre 2006 (no 3)
31 août 2006 (no 2)
17 août 2006 (no 1)
1993-1994 à 2005-2006

Les photos de l'année

Les photos 2005-2006
Les photos 2004-2005

Calendrier des parutions 2006-2007

L'équipe des publications Liaison

Liaison-région
Liaison-recherche
Liaison-Longueuil
Liaison-santé
Liaison-médias
Information sur Liaison
Pour nous joindre


 


 

Liaison, 8 mars 2007

 

 
Photo de Rodolfo Felices.

Rodolfo Felices

 


Documentaire de James Cameron Le tombeau de Jésus

Un film qui suscite intérêt et scepticisme

Propos recueillis par SANDRA BOISSÉ

Une thèse selon laquelle un des ossuaires découverts en 1980 au sud de Jérusalem aurait pu contenir les os de Jésus a semé la controverse la semaine dernière. Pourtant vieille de près de 30 ans, cette théorie a été «ressuscitée» par James Cameron avec son documentaire The Lost Tomb of Jesus.

Nous avons questionné Rodolfo Felices sur le sujet. Professeur associé à la Faculté de théologie, d'éthique et de philosophie, Rodolfo Felices est exégète du Nouveau Testament. Il concentre ses recherches sur les questions d'interprétation des textes bibliques en lien avec l'histoire, entre autres, à la signification théologique de la résurrection et à l'hypothèse que Jésus ait été marié.

Liaison : La semaine dernière, la diffusion du documentaire réalisé par James Cameron a suscité bien des réactions. Comment, en tant qu'exégète, réagissez-vous à ce genre de nouvelle?

Rofolfo Felices : Avec beaucoup d'intérêt et de scepticisme à la fois. Les découvertes archéologiques sont une mine d'information sur le passé et, en tant que chercheur, je suis toujours passionné de pouvoir en apprendre plus. Cependant, tout ce qui brille n'est pas or. Dans le cas des ossuaires de Talpiot, je doute fort que nous soyons en présence d'autre chose que des reliques d'une famille juive inconnue par ailleurs. D'un point de vue strictement scientifique, rien n'autorise à identifier ces restes à ceux de Jésus de Nazareth, de Marie-Madeleine ou d'un fils de leur union.

Liaison : Croyez-vous qu'après le grand succès entourant le Code Da Vinci, de même qu'après quelques polémiques entourant le christianisme, ce nouveau documentaire viendra ébranler davantage nos croyances?

R. Felices : Le documentaire de James Cameron et Simcha Jacobovici paraît presque 30 ans après la découverte des ossuaires, mais quelques mois à peine après la sortie du film Da Vinci Code, en pleine controverse suscitée par le roman à succès. Ceux et celles qui auront accordé quelque crédit aux hypothèses romanesques de Dan Brown seront tentés de voir dans les ossuaires une confirmation matérielle de leurs croyances. Cela arrive à point nommé pour eux… et les producteurs du documentaire tablent sans doute sur la rentabilité d'offrir de telles «preuves» en ce moment. L'impact de pareil coup médiatique sur les croyances populaires dépend de la naïveté ou de l'esprit critique de la population.

Liaison : Comment évaluez-vous justement la sensibilité des gens face à ce genre d'hypothèses?

R. Felices : Je pense que l'esprit de nos contemporains se méfie des dogmes et des vérités incontestées. Cela témoigne d'une émancipation de la raison dont nous devrions nous réjouir. À l'affût de nouveaux éléments pouvant expliquer autrement la tradition, les gens sont friands de controverse. Cela met du piquant dans la routine et colore la banalité du quotidien. Cependant, pour démentir une donnée bien établie, cela prend des preuves solides. Ce serait ridicule de quitter un certain dogmatisme pour en épouser un autre… 

Liaison : Pourquoi, depuis plusieurs années, on tente de plus en plus d'attacher un caractère très «terrestre» à Jésus?

R. Felices : La théologie traditionnelle a beaucoup insisté sur la divinité du Christ, au détriment de son humanité. Ce n'est que le juste retour du balancier si depuis quelques décennies l'homme Jésus nous captive. De plus, dans une société séculière, multiculturelle, où plusieurs croyances et incroyances se côtoient, le Nazaréen, pris comme un grand homme de l'histoire, intéresse et inspire un plus grand nombre de personnes. C'est heureux que l'on s'intéresse au Jésus historique, quelles que soient nos convictions!

Liaison : Qu'on y croie ou non, toute cette polémique donne à réfléchir. Qu'adviendrait-il de la foi chrétienne si toutes ces affirmations venaient à être prouvées? Le dogme de la résurrection serait-il complètement détruit?

R. Felices : Cela dépend de comment nous concevons la résurrection. Si nous y voyons la réanimation d'un cadavre, il est évident que l'identification éventuelle des supposés restes de Jésus contredirait une telle croyance. Mais justement, le Nouveau Testament chrétien ne conçoit pas la résurrection comme un fait charnel. Saint Paul se moque des Corinthiens qui lui demandent «Avec quel corps les morts ressuscitent-ils?» (1 Cor 15, 35-53). Il prend l'analogie du grain qui meurt pour laisser place à une nouvelle pousse. La résurrection préserve l'identité de l'individu, qui subit cependant une transformation radicale : une sorte de naissance à une nouvelle vie, dans une autre dimension de l'existence. À court de termes appropriés pour signifier cette réalité d'outre-tombe, Paul parle d'un «corps spirituel».

Liaison : Et si preuve était faite que Jésus avait été marié?

R. Felices : La preuve d'une improbable vie maritale de Jésus, c'est là aussi un scandale moderne, étranger à la foi biblique. Le Nouveau Testament n'interdit absolument pas le célibat de Jésus. Les Évangiles n'abordent pas le sujet parce que la foi qu'ils proposent n'est surtout pas basée sur des liens familiaux ou sanguins. Que nous devenions frères et sœurs de Jésus, voilà qui les intéresse! Quant à savoir si l'homme de Nazareth s'est marié ou pas, s'il a eu des enfants ou pas, les évangélistes n'en ont rien à cirer. S'ils n'en parlent pas, c'est probablement parce que leurs sources ne le signalaient pas. Devant un tel silence des sources, on a donc véhiculé l'histoire d'un homme célibataire…

Bref, pour ceux et celles qui trouvent l'inspiration de leur foi dans les textes bibliques, l'improbable trouvaille des restes de Jésus n'empêcherait pas la croyance dans une vie au delà de la mort, ni donc la foi chrétienne.

Retour à la une

 

 

LIAISON est une
publication de
l'Université
de Sherbrooke

 

Éditeur :
Charles Vincent

Local F1-113,
Pavillon J.-S.-Bourque

(819) 821-7388

Liaison@USherbrooke.ca