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Liaison, 22 février 2007
Réjean Hébert
Tournée des facultés
Entrevue avec Réjean Hébert, doyen de la Faculté
de médecine et des sciences de la santé
Continuer de grandir et d'innover pour mieux servir la
société
Propos recueillis par
ROBIN RENAUD
La Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS) a frappé un
grand coup l'automne dernier en accueillant ses premiers étudiants aux
campus conjoints de Moncton et de Saguenay. À mi-parcours de son plan de
développement 2005-2009, la Faculté compte répondre aux besoins de la
société en formant davantage de professionnels de la santé prêts à
travailler en région. Elle poursuit par ailleurs une phase de croissance de
ses effectifs étudiants et professionnels, et les nouveaux projets ne
manquent pas.
L'an dernier, pas moins de 39 nouveaux professeurs réguliers se sont
ajoutés à l'équipe de la FMSS, ce qui en fait la faculté de médecine
québécoise ayant la plus forte croissance du nombre de professeures et
professeurs. Le doyen Réjean Hébert s'attend à en accueillir autant cette
année et au cours des deux années suivantes, grâce à un plan de croissance
des effectifs professoraux. «Il faut dire qu'avec notre pédagogie en petits
groupes, nous avons besoin de plus de professeurs pour former nos étudiants.
En plus des nouveaux professeurs réguliers, plus d'une centaine de
professeurs d'enseignement clinique ont aussi joint nos rangs», dit-il.
Le doyen croit que Sherbrooke propose un milieu innovant très stimulant
pour les professeures et professeurs : «De plus, les professeurs qui
arrivent chez nous profitent d'un système où sont partagés les postes
universitaires et les revenus cliniques. Ainsi 300 médecins cliniciens
peuvent assumer la tâche de 125 postes de professeurs. L'ensemble des
médecins professeurs a le même statut au sein d'une société de mise en
commun des revenus et des tâches.»
La croissance des effectifs s'explique aussi par les besoins dans les
nouveaux sites délocalisés et par l'ajout de programmes dans de nouvelles
spécialités.
Nouveaux créneaux en réadaptation
Sous réserve d'approbation ministérielle, deux nouveaux programmes de
formation combinée baccalauréat-maîtrise seront offerts dès l'automne en vue
de répondre aux besoins de professionnels en réadaptation. Ces programmes
novateurs formeront des ergothérapeutes d'une part, et des physiothérapeutes
d'autre part.
«Il s'agit pour nous d'un projet majeur puisque la Faculté investit un
nouveau champ de spécialité. Les besoins de professionnels de la
réadaptation sont très importants et les autres universités n'arrivent plus
à suffire à la demande générée par le vieillissement de la population et par
l'augmentation des maladies chroniques», dit le doyen.
Le programme créé à l'UdeS intégrera une pédagogie par apprentissage par
problèmes, et fera une très grande place à l'exposition clinique, grâce
entre autres à un nombre de stages plus important. Les programmes compteront
aussi sur une approche interdisciplinaire exclusive où les étudiantes et
étudiants des deux disciplines pourront se côtoyer dans un tronc commun, et
pourront apprendre à collaborer davantage.
D'autres programmes sont également en cours d'élaboration et pourraient
être offerts en 2008, notamment en oncologie et en toxicomanie.
L'éthique au cœur de la formation
Les questions éthiques entourant le secteur de la santé interpellent de
plus en plus les intervenants du domaine. La Faculté a mis en place l'an
dernier le Bureau de développement de l'éthique afin d'amener les étudiantes
et étudiants des différents programmes à intégrer ces notions dans leurs
pratiques. «Dans le cadre d'ateliers d'éthique clinique, nos étudiants de
médecine ou de sciences infirmières sont placés face à des cas concrets,
explique Réjean Hébert. Ils doivent réfléchir sur ces cas en recevant les
conseils d'experts, tant en éthique que dans leur champ de spécialité.» La
FMSS développe également un programme spécifique d'études supérieures visant
à former des éthiciens de la santé.
L'élaboration de ces programmes s'est faite en collaboration avec des
spécialistes de la Faculté de théologie, d'éthique et de philosophie, dont
le professeur Jean-François Malherbe, qui assume la direction du Bureau de
développement de l'éthique.
Les questions éthiques sont également présentes dans d'autres initiatives
facultaires. Notamment, le doyen a nommé un groupe de travail chargé de
déterminer quelles devraient être les relations des professeures et
professeurs de la FMSS avec l'industrie pharmaceutique.
Un portfolio pour les futurs médecins
La Faculté a également entrepris ces dernières années la réforme de
l'externat, soit la dernière partie du cours de médecine où les étudiantes
et étudiants sont en stage. D'abord, elle a établi une grille de stage plus
adaptée aux besoins actuels. Ensuite, elle a élaboré une nouvelle façon
d'encadrer les stagiaires. «Les futurs médecins doivent produire un
portfolio, soit un cahier où seront notés tous les types de cas, de maladies
ou de situations cliniques qui auront été rencontrés, explique le doyen.
Ensuite, un professeur va s'assurer au cours de l'externat que l'étudiant a
été exposé à tous les cas cliniques de base. Ce mentor va suivre l'étudiant
pendant les 18 mois de l'externat, ce qui assurera une continuité dans la
supervision.» De cette façon, il sera plus aisé d'identifier les situations
problèmes avant qu'elles ne conduisent à un échec. Il s'agit là d'un tout
nouveau type d'encadrement clinique, qui vient restructurer cette importante
partie de la formation qui n'avait pas été réformée depuis des années. De
nouveaux examens pratiques au cours de l'externat vont compléter cette
réforme, qui devrait être mise en route cette année.
Au service des régions
Parmi les priorités facultaires, le
développement des milieux de stage clinique occupe une place prépondérante.
Avec l'augmentation du nombre d'admissions, les besoins en lieux de
formation vont de pair. La FMSS dispose déjà de structures bien
établies dans les régions de l'Estrie, de la Montérégie, du Centre-du-Québec,
du
Saguenay–Lac-Saint-Jean et du Nouveau-Brunswick francophone pour l'accueil
de stagiaires. La Faculté peut aussi compter notamment sur des unités de
médecine familiale dans la plupart de ces régions, et souhaite en ouvrir de
nouvelles à Saint-Hyacinthe et à Rouyn-Noranda, puis éventuellement à
Drummondville.
«Il s'agit essentiellement de minicliniques pouvant accueillir de six à
huit résidents. Ceux-ci travaillent sous supervision directe de professeurs
et peuvent suivre une clientèle pendant six à neuf mois. Bref, il s'agit
d'une clinique médicale de formation, qui nécessite toutefois beaucoup de
planification, puisqu'il faut trouver des médecins intéressés, des
infrastructures d'enseignement, des locaux, etc.»
Et en contexte de pénurie d'effectifs, il n'est pas évident de trouver
des médecins prêts à encadrer des stagiaires. «Malgré cela, le bénéfice à
court terme est là, puisque cela permet de maintenir un volume d'activité
localement par l'apport des résidents, dit le doyen. À moyen terme, le
bénéfice est plus évident, puisqu'un résident qui aura apprécié un milieu de
travail va probablement être intéressé d'y entreprendre sa carrière.»
Signalons que ce mode de formation sera aussi exporté au Mali, par la
FMSS. En effet, depuis 10 ans, un groupe de professeurs en médecine de
famille travaille à former des résidentes et résidents en médecine de
famille à la santé internationale par des stages dans des cliniques
communautaires au Mali. La Faculté ira plus loin en transformant ces
cliniques en milieu d'enseignement pour les étudiantes et étudiants maliens
en médecine et en sciences infirmières. Elle compte déjà quatre professeurs
associés maliens et l'objectif est d'en former davantage afin que ceux-ci
puissent à leur tour former des étudiants à la pratique communautaire selon
le modèle de la médecine de famille.
Assurer l'avenir
La diminution du financement par les organismes subventionnaires fédéraux
risque de forcer la FMSS à pallier le manque de ressources budgétaires de
certaines équipes de recherche. Malgré cela, la Faculté prévoit le
développement d'un nouveau créneau de recherche en infectiologie.
Un autre important projet est celui du Centre de recherche appliquée sur
le cancer, qui est aussi en examen auprès des gouvernements. Les ministères
concernés ont commencé à évaluer le projet et le dossier suit son cours. Le
doyen espère des engagements financiers au cours de la prochaine année, en
vue de lancer le projet.
Pendant ce temps, la pénurie de locaux se fait toutefois cruellement
sentir à la FMSS, qui est la faculté la plus «mal en point» pour le manque
d'espace. L'agrandissement du pavillon d'enseignement Gérald-LaSalle devrait
toutefois régler une partie de ce problème, grâce à l'ajout d'une nouvelle
aile de quatre étages. Il sera possible d'y rapatrier tout ce qui concerne
l'enseignement médical ainsi que l'enseignement en sciences infirmières, en
physiothérapie et en ergothérapie. Le chantier doit débuter en juin, mais il
faudra attendre en août 2008 pour la livraison des locaux.
Enjeux d'actualité en santé
En complément au texte ci-dessus, nous avons demandé au doyen Réjean
Hébert de commenter quelques enjeux sociaux touchant le domaine de la
santé.
Liaison :
Quelle sera selon-vous la prochaine percée scientifique dans le domaine
médical?
Réjean Hébert :
Il s'agira probablement d'une découverte qui contribuera à améliorer la
qualité de vie, par exemple grâce aux thérapies géniques. Que ce soit
pour traiter le cancer, la maladie d'Alzheimer ou les troubles
cardiovasculaires, on est en mesure d'identifier les gènes en cause,
mais on n'arrive pas à les modifier pour éviter, prévenir ou renverser
ces maladies. La prochaine étape serait d'être capable d'agir sur ces
gènes.
Liaison :
Quelle devrait être la place du privé dans les soins de santé?
R. Hébert :
Le privé peut avoir une place, mais seulement dans la prestation des
soins et jamais dans le financement. Les prestataires de soins privés
doivent respecter les règles du public. Par ailleurs, je crois qu'il y a
un débat à faire sur notre système de solidarité sociale. Je ne suis pas
sûr que la population québécoise soit prête à s'en départir. Il ne
faudrait pas sacrifier de grands pans de nos acquis sociaux uniquement
pour des questions financières, sans réfléchir aux conséquences futures.
Liaison :
L'embauche d'infirmières praticiennes est-il une bonne solution pour
contrer la pénurie de médecins?
R. Hébert :
Oui, mais il faut s'assurer de ne pas créer une nouvelle pénurie en en
réglant une autre. C'est préoccupant, puisque les pénuries d'infirmières
qui s'annoncent pour 2010 à 2015 risquent d'être considérablement plus
importantes que celle des médecins actuellement. Les infirmières
praticiennes ont une place, mais pas pour régler des pénuries médicales.
C'est un apport nouveau au système de santé pour le rendre plus
efficient.
Liaison :
Dilemme éthique : est-ce que les fumeurs devraient passer en second pour
une opération cardiaque?
R. Hébert : Il faut tenir
compte du tabagisme comme facteur de risque, mais je ne pense pas qu'il
doit y avoir deux catégories de citoyens. Toutefois, les fumeurs
devraient contribuer davantage au financement des services, parce qu'ils
présentent un risque plus important. Une réflexion s'impose à ce sujet.
Liaison :
Que pensez-vous du recours aux médecines alternatives?
R. Hébert :
Elle peuvent trouver une place, mais leur efficacité doit être appuyée
par des données scientifiques, au même titre que la médecine
traditionnelle. Il ne faudrait pas revenir à des traitements qui n'ont
pas fait l'objet d'études rigoureuses.
Liaison :
La possible pandémie de grippe aviaire doit-elle nous inquiéter?
R. Hébert : La question est de savoir quand et à quelle
intensité frappera cette pandémie. Sera-t-elle aussi grave que la grippe
espagnole du début du XXe siècle? L'impact sera-t-il moindre que
certaines prédictions? Quoi qu'il en soit, la Faculté a établi un plan
d'action pour y faire face. Une chose est sûre, avec nos moyens de
communications, et l'avion comme vecteur principal de la maladie, la
planétarisation de la pandémie sera très rapide. Cela dit, les moyens
scientifiques dont nous disposons sont sans commune mesure avec ceux du
siècle dernier. Et en plus, on peut se préparer dès maintenant, ce qui
est une bonne nouvelle. |
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