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Sweet home Cruz Quemada
Gaëlle Chavignot-Geoffroy, Catherine Gardner-Fortier, Myriam Paquette
et Annie Ouellet sont quatre étudiantes de 3e année du baccalauréat en
écologie de l'Université de Sherbrooke. Elles ont récemment séjourné au pays
des Mayas pour y mener un projet dans le cadre d'un voyage dans une région
éloignée et montagneuse à forte population autochtone, Huehuetenango. L'une
d'entre elles relate son expérience.
ANNIE OUELLET
Je suis arrivée au Guatemala remplie d'enthousiasme, de joie, de
craintes, mais surtout avec la volonté d'améliorer un peu les choses. Cette
expérience de quatre mois, où je serai confrontée à une tout autre réalité
que la mienne, a pour but de m'initier au travail d'écologiste
communautaire. C'est à Huehuetenango, ville reculée des hautes terres du
Guatemala, que débuta mon expérience en compagnie de trois autres étudiantes
du baccalauréat en écologie de l'Université de Sherbrooke. Cette région fut
récemment le principal champ de bataille de l'armée et de la guérilla durant
les 36 ans qu'a duré la guerre civile.
Je côtoie depuis déjà deux mois le mode de vie traditionnel d'une
communauté parmi les plus pauvres du pays. C'est ici, à Cruz Quemada, un
village perché à 2200 m d'altitude, que je découvre la vraie culture maya
moderne. Les femmes portent toutes leur costume typique :
el corte, une
pièce de tissu de laine tissée à la main au prix de nombreuses heures de
travail, s'enroule autour de la taille et s'attache au moyen d'une ceinture
de toile. Elles portent également une chemise assez ample, colorée, brodée
de fleurs au collet, qui permet d'y dissimuler portefeuille, monnaie, pièce
d'identité et… téléphone cellulaire. Le
rebozo, long
morceau de tissu qui sert à transporter les enfants en bas âge directement
sur le dos, est également employé par toutes les femmes. Les hommes, quant à
eux, sont plus occidentaux, mais portent tous leur chapeau de cow-boy et
leur sacoche tissée. Ils ne manquent pas de se saluer en
mam, un
dialecte indigène guttural et incompréhensible, dès qu'ils croisent
quelqu'un sur leur chemin. Parfois, j'en aperçois même, machette à la main,
aller travailler au champ. Ici, c'est l'agriculture de subsistance qui
domine. Chaque maison possède son petit champ de maïs, ses quelques arbres
fruitiers (avocats, pamplemousses, limes,
huiskils);
son potager, ses poules, cochons, dindons, qui se promènent en liberté.
Parfois, un âne, une vache, des moutons…
Ce sont les femmes qui sont responsables des repas. Trois fois par jour,
elles vont moudre le maïs récolté pour en faire une farine et façonner des
tortillas, qu'elles feront cuire sur le feu de bois. Ceci est la base de
l'alimentation, parfois agrémentée de poulet, d'œufs, mais plus souvent de
frijoles
(fèves rouges).
Une fois par semaine, je quitte la quiétude de la vie au village pour
aller faire le plein de provisions au marché de la ville, puisqu'à Cruz
Quemada, il n'y a qu'une petite
tienda où se
vendent consommé de poulet, bougies, savon et sucreries.
Tout comme il y a de cela bien longtemps au Québec, les Guatémaltèques
fréquentent les grands marchés publics pour faire leurs emplettes. Dans une
ambiance plutôt bourdonnante, nous y retrouvons des pâtisseries, des
vêtements et chapeaux, des produits nettoyants, des vendeurs de légumes, des
bouchers dépeçant leur bête devant nos yeux et bien d'autres choses encore.
C'est une occasion unique de s'imprégner de la culture du Guatemala, avec
toutes ses coutumes, ses odeurs, ses couleurs. Pour 17 quetzales par
exemple, environ 2,50 $, il est possible de s'offrir 10 livres de tomates ou
un repas complet au restaurant, boisson incluse, ou un foulard tissé à la
main, ou encore deux gros melons d'eau ou 34 oranges; à condition de les
marchander, bien entendu.
Dans la rue, nous assistons à la même agitation ou presque. Des voitures
à la tonne, circulant pêle-mêle dans les rues, sans code particulier. Des
cyclistes publicistes, des cireurs de chaussures à tous les coins de rues,
des vendeurs ambulants de crème glacée, de fruits, de bonbons; des autobus
publics colorés dégageant tous une épaisse fumée noire. On s'y croirait en
plein festival. Tout semble si actif à la ville, et pourtant le rythme
général du pays est si lent.
Après l'épopée du marché, c'est chargée de gallons d'eau pure, du
cylindre de gaz et de toute la nourriture pour la semaine que je rentre à
Cruz Quemada. Cette balade pour le moins saisissante se déroule dans la
boîte arrière d'un pick-up chambranlant, le long d'une route de terre battue
qui sillonne la crête des montagnes. Nombreux sont les enfants qui
rêveraient d'un tel manège au Québec! Ici, ce n'est rien de plus qu'un
transport en commun extrême qui fait partie de la vie quotidienne des
habitants.
Malgré la vie simple des gens de la communauté, les fêtes sont toujours
d'une grande importance. C'est le moment, pour les femmes, de préparer un
grand repas commun, pour les hommes, de discuter entre eux, et pour certains
autres, peu nombreux, de danser au son exotique du marimba, joué sans
interruption durant 24 heures, comme la coutume l'exige. Ma curiosité m'a
poussée à apprendre les rudiments de la danse maya lors de la fête de
l'Indépendance, le 15 septembre. Je n'ai pas eu droit à une simple
démonstration, mais plutôt à un cours interminable de 45 minutes. À noter
que je maîtrise maintenant parfaitement LE pas de danse maya.
Ce qui touche le plus ici, surtout dans un village aussi pauvre et reculé
que celui de Cruz Quemada, c'est la générosité des gens, qui malgré leur
pauvreté extrême, sont toujours souriants, accueillants et prêts à partager
leur quotidien. C'est ce qui m'aide à traverser les moments les plus
difficiles, où je me sens complètement impuissante, et ce dont je me
souviendrai, de retour chez moi.
¡Que le vaya bien!
Ville de Huehuetenango |
Des musiciens dont un joueur de marimba
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Deux femmes préparent des feuilles pour les tamales |
Nous quatre et une vendeuse de fleurs |
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